Question au Gouvernement n° 3792 :
énergie nucléaire

14e Législature

Question de : M. Charles de Courson
Marne (5e circonscription) - Union des démocrates et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 30 mars 2016


PROJET D'EPR À HINKLEY POINT

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, dimanche dernier, le Journal du Dimanche dévoilait l'existence d'un rapport adressé par M. Piquemal, directeur financier d'EDF, aujourd'hui démissionnaire, aux membres du conseil d'administration, où il est fait état de l'ensemble des risques cachés pris par EDF dans le cadre du projet de construction des deux EPR d'Hinkley Point en Grande-Bretagne. La démission de M. Piquemal s'expliquerait d'ailleurs par le contenu de cet accord secret, très défavorable à EDF.

En effet, de nombreuses clauses de cet accord secret sont déséquilibrées au bénéfice du partenaire chinois, la China General Nuclear – CGN. EDF pourrait ainsi prendre en charge 80 % des surcoûts des EPR, qui pourraient s'élever jusqu'à 5 milliards d'euros, alors même que l'entreprise ne participe au projet qu'à hauteur de 66 % ! En cas de retard, ce serait une nouvelle fois à EDF de rembourser une partie de l'investissement initial à la CGN. Pis : si la Commission européenne, suite au recours déposé par l'Autriche, reconnaissait comme une aide d'État l'aide de 1,6 milliard de l'État britannique, EDF pourrait être dans l'obligation d'indemniser son partenaire chinois à hauteur de cette somme.

En résumé, EDF se retrouve à supporter l'essentiel des risques de surcoûts de ce projet. Or les exemples de l'EPR finlandais ou de celui de Flamanville montrent que les risques de réalisation d'une telle hypothèse sont assez élevés.

Lors de votre audition de la semaine dernière, monsieur le ministre, vous avez étrangement omis de faire part de cet accord secret à la commission des affaires économiques. Vous avez d'ailleurs déclaré que la gouvernance devait s'assurer de la rentabilité et de la maîtrise des risques. Or ces clauses secrètes risquent d'affaiblir l'un de nos plus grands groupes français, dont la structure financière est déjà fragile, ce qui a entraîné sa sortie du CAC 40 en décembre dernier.

Monsieur le ministre, ma question est double.

Soit vous étiez au courant des clauses secrètes entre EDF et la CGN, et dans ce cas pourquoi l'avoir dissimulé lors de votre audition devant la représentation nationale la semaine dernière ? Soit vous n'étiez pas au courant de ce rapport, pourtant adressé aux administrateurs représentant l'État. Cette hypothèse ne constituerait-elle pas un grave dysfonctionnement de vos services ? Plus largement, pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur ces clauses secrètes et votre position à leur égard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le député, le sujet d'Hinkley Point est en effet de la plus haute importance, puisqu'il s'agit de savoir si nous sommes en capacité de produire et de vendre un EPR sur des marchés développés, ni plus, ni moins.

Ce projet est-il dépourvu de tous risques ? Non. Quelle est notre responsabilité collective ? Les réduire.

Il y a pour cela un cadre : c'est le conseil d'administration de l'entreprise qui, comme vous le savez, est cotée et dont nous sommes actionnaires majoritaires, conseil où nous comptons des représentants, siégeant au côté des représentants des salariés et d'administrateurs indépendants.

Il n'y a pas de rapport secret, monsieur le député. Il y a eu l'activité d'un directeur financier qui, en responsabilité et sous deux PDG successifs, a, dès le début, défendu et instruit ce projet.

En outre, le projet Hinkley Point a fait l'objet dès 2013 de plusieurs rapports indépendants, à la demande de la direction générale, notamment un rapport d'Accuracy en 2015, pour des évaluations, et le rapport de M. d'Escatha.

Tous ces documents ont été discutés par les administrateurs dans le cadre du conseil d'administration. Je ne connais aucun document secret – qui aurait été remis dans quel cadre ? – ; je ne connais que des documents qui ont été remis et discutés dans le cadre du conseil d'administration, ce qui est de bonne politique et la bonne façon de faire.

Dans ce contexte, les risques juridiques ont été soupesés. Il nous apparaît à ce stade qu'ils sont en train d'être purgés et que nos droits, ceux d'EDF, sont bien préservés dans le cadre de l'accord contractuel signé avec le gouvernement britannique. Ils ne seront finalisés qu'en mai prochain, lorsque nous signerons les documents définitifs.

Enfin, des questions financières et opérationnelles sont en train d'être discutées et feront l'objet de prochaines réunions du conseil d'administration, dans le cadre desquelles nous défendrons l'intérêt du contribuable et d'EDF. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : M. Charles de Courson

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique

Ministère répondant : Économie, industrie et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mars 2016

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