manifestations
Question de :
M. Julien Dive
Aisne (2e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 4 mai 2016
TROUBLES À L'ORDRE PUBLIC
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour le groupe Les Républicains.
M. Julien Dive. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, dans ma région des Hauts-de-France, des opposants au projet de loi travail ont décidé de s'introduire dans une mairie afin de perturber le conseil d'agglomération et d'occuper la salle. Sans coopération, l'évacuation a été difficile, avec des dégradations du mobilier public, le vol d'une statue de Marianne et des insultes lancées à rencontre des élus et des forces de sécurité.
À Paris, les participants de Nuit debout ne respectent plus toujours l'heure limite d'autorisation préfectorale pour quitter la place de la République, provoquant de fréquents débordements lors de l'évacuation.
On observe par ailleurs des violences lors de manifestations, comme à Rennes, Nantes, Lyon ou Toulouse la semaine dernière, où policiers et manifestants furent parfois gravement blessés.
Ces incidents inadmissibles nient les valeurs de la République et bafouent l'autorité de l'État.
Si nous nous devons d'éviter toute confusion entre une minorité radicale portée sur l'action violente et la majorité des manifestants qui aspirent à un débat démocratique, vous conviendrez, monsieur le Premier ministre, que la situation du pays apparaît de plus en plus hors de contrôle. Ce climat délétère pousse chacun à camper sur ses positions et à radicaliser ses moyens d'action.
La plupart de ces violences auraient pu être évitées si le Gouvernement avait pris la mesure des événements qui se déroulent partout en France. Les dispositifs de sécurité actuels ne sont, de toute évidence, pas adaptés à ces nouvelles manifestations citoyennes.
Le Gouvernement ne semble pas avoir compris que ces mouvements spontanés, issus des réseaux sociaux, sont amenés à se développer de plus en plus. La société civile exprime une volonté de dialogue et de contribution au débat que nous ne pouvons ignorer et que nous devons intégrer à notre façon d'envisager la politique aujourd'hui.
Comment anticipez-vous l'émergence en France de ces nouvelles formes de contestation ? Que proposez-vous pour assurer la sécurité des participants, des riverains et des forces de l'ordre qui encadrent les manifestations ? Comment comptez-vous gérer l'état d'urgence sans empêcher le débat démocratique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous posez des questions de fond, auxquelles je veux apporter des réponses précises.
D'abord, vous posez la question de savoir quelle est la compatibilité entre l'état d'urgence et la liberté d'expression. Comme vous le savez, le Conseil constitutionnel, tout comme le Conseil d’État, ont eu à dire, dans le cadre de l'état d'urgence, quel était le droit. Dans sa décision du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a très clairement indiqué que l'état d'urgence était un dispositif que la République mobilisait afin de protéger les principes de liberté et qu'il ne pouvait pas être utilisé pour remettre en cause la liberté d'expression. Lorsqu'il a été saisi par des particuliers pour juger de la pertinence des mesures de l'état d'urgence, le Conseil d’État a posé les mêmes principes de droit.
Par conséquent, lorsque certains représentants de votre formation politique indiquent – même si, je l'ai bien noté, tel n'est pas le sens de votre propos – que la solution pour éviter les débordements serait d'interdire les manifestations, si nous mettions en pratique ce qu'ils disent, nous prendrions le risque, au regard des décisions du Conseil constitutionnel, d'être cassés par le juge ; l'autorité de l'État s'en trouverait de ce fait affaiblie et les violences dans les manifestations décuplées.
C'était le premier point sur lequel je voulais insister : il n'y a pas de possibilité d'affirmer l'autorité de l'État s'il n'y a pas de volonté de respecter scrupuleusement les principes de droit.
Deuxième point : il faut être intraitable avec les casseurs. Pour ce qui concerne la manifestation dans la mairie d'Amiens, la maire a fait preuve d'un très grand sang-froid, le député Gest également, les forces de l'ordre ont été immédiatement mobilisées, elles ont procédé à l'évacuation des lieux, les casseurs ont été interpellés et ils seront jugés : c'est aussi cela, l'État de droit.
M. Jean Glavany. Très bien !
M. Sylvain Berrios. Baratin !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Troisième point : il est nécessaire, dans un contexte de tension, d'agir de façon responsable et d'éviter les discours susceptibles de créer des tensions, car les tensions risquent d'aboutir à des incidents, puis à des blessés, voire pire. Je ne le veux pas, et c'est la raison pour laquelle nous sommes dans un discours de responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Auteur : M. Julien Dive
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2016