terrorisme
Question de :
M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 15 juin 2016
LUTTE CONTRE LE TERRORISME
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, comme les États-Unis, samedi, à Orlando, la France vient d'être de nouveau frappée par la folie sanguinaire, avec l'assassinat d'un couple de policiers, hier, dans leur maison du département des Yvelines.
Nous avons, en cet instant, une pensée émue pour leur petit garçon, que la haine a rendu orphelin. Nous avons également une pensée émue pour leur famille et leurs collègues. Je voudrais dire toute notre solidarité aux forces de l'ordre, dont la mobilisation de tous les instants, sur tous les fronts, exige, chacun le sait, sang-froid et abnégation. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Face à l'horreur du terrorisme, il nous faut agir sans attendre, et je tiens à vous assurer, monsieur le Premier ministre, du soutien que nous apportons à Bernard Cazeneuve, aux mesures qu'il a annoncées ce matin, notamment à la possibilité donnée aux policiers de rentrer chez eux avec leur arme de service. Mais nous devons également tirer les enseignements de l'enquête en cours, dont les premiers éléments laissent penser qu'il y aurait eu des failles, puisque l'assassin avait été condamné pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes.
Monsieur le Premier ministre, notre groupe a toujours répondu présent, sans esprit de polémique, chaque fois que vous avez pris des mesures destinées à assurer la sécurité des Français. C'est dans le même état d'esprit que je vous pose la question suivante : êtes-vous prêt, comme nous l'avions demandé, à prendre des mesures fortes de restriction des libertés, allant jusqu'à la détention, pour neutraliser les individus qui se trouvent sur notre sol ou qui voudraient rentrer en France, et qui représentent une réelle menace terroriste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Vigier, hier soir, vous l'avez dit, deux policiers, deux courageux serviteurs de la nation ont été lâchement assassinés, victimes du terrorisme islamiste et, comme vous, une nouvelle fois, j'ai naturellement une pensée pour Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider.
Cela suscite émotion – et cette émotion ne doit pas passer –, mais aussi effroi car, en matière d'horreur, un cap a été franchi : c'est le domicile, l'intimité même d'une famille, d'un couple de fonctionnaires de police, qui a été pris pour cible. Toutes nos pensées vont vers les victimes, leurs proches, vers ces enfants qui devront grandir sans leur père et sans leur mère.
Nos pensées, monsieur le président, vont aussi – dans de tels moments, il faut le rappeler avec force – vers tous les policiers, tous les gendarmes de France, toutes les forces de l'ordre qui ont, une fois encore, payé le prix – en l'occurrence, celui de leur vie. Oui, nous leur devons la solidarité, et nous devons nous rassembler autour des membres des forces de sécurité. Nos policiers, nos gendarmes s'engagent pour défendre l'ordre républicain, pour nous défendre et pour nous protéger. Nous devons à ces femmes, à ces hommes, une infinie gratitude. Je n'accepte plus – je le dis avec force dans cet hémicycle – les mises en cause permanentes de ces hommes et de ces femmes qui risquent leur vie pour notre liberté. (Applaudissements sur tous les bancs.) Nous devons être aux côtés de nos forces de l'ordre, particulièrement sollicitées aujourd'hui, et leur dire notre respect et notre affection.
En deux jours, à Orlando – avec cette terrible attaque terroriste homophobe – et à Magnanville, une même idéologie de mort est passée à l'acte, certes de manière différente, mais avec les mêmes objectifs : tuer, semer la terreur, contester ce que nous sommes et nous empêcher de vivre librement.
Nous nous trouvons face à une menace globale, et il faut bel et bien partir de là, monsieur le président Vigier. C'est pourquoi j'avais évoqué la fin d'une forme d'insouciance au sein de nos sociétés. Cette menace globale réclame de notre part de la maîtrise et du sang-froid. Le combat sera de longue haleine. Il se mène aussi bien dans les zones de guerre, en Syrie et en Irak – où, aujourd'hui, l'État islamique recule mais est toujours présent – que sur notre sol. De fait, la radicalisation est un phénomène massif : je veux rappeler que 2 116 de nos ressortissants sont impliqués dans les filières syro-irakiennes et que 180 ont trouvé la mort en Syrie ou en Irak. Dans notre seul pays, 9 500 individus ont été signalés à la plateforme nationale.
C'est donc la société tout entière qui doit se mobiliser, et c'est le sens du plan d'action que j'ai présenté, avec le ministre de l'intérieur, il y a quelques semaines. Notre première arme est le droit pénal, et la légitimité de l'État de droit, qui nous permet de poursuivre, d'incarcérer et de mettre hors d'état de nuire tous ceux qui s'engagent dans ces filières. Mais, monsieur le président Vigier, il faut refuser toute tentation de recourir aux aventures extrajudiciaires – telles celles expérimentées dans certains pays au cours des années 2000 –, qui ont parfois mené à de véritables impasses. Il faut, en revanche, affecter tous les moyens à l'action répressive, et agir partout contre la radicalisation, y compris en milieu carcéral. Il faut aussi mobiliser les familles, les services publics sociaux et donc, je le répète, toute la société.
Actuellement – il faut être précis –, 295 dossiers judiciaires, relatifs à 1 216 individus, sont ouverts à la Direction générale de la sécurité intérieure. Au cours des quinze derniers jours – le ministre de l'intérieur aura l'occasion de le rappeler –, seize personnes soupçonnées d'activité terroriste ont été interpellées et présentées aux magistrats antiterroristes.
Nous avons tiré les leçons des attentats de ces trois dernières années : beaucoup a été fait, qu'il s'agisse des moyens – je pense par exemple à ceux qui ont été affectés au renseignement –, de la législation antiterroriste ou, bien entendu, de la mise en œuvre de l'état d'urgence. Tout doit être fait, tous les éléments doivent être examinés avec la plus grande attention, en fonction de ce que nous dira l'enquête – le procureur Molins s'est exprimé il y a un instant. Mais c'est un combat dans la durée ; c'est sans doute l'affaire d'une génération. En outre, vous le savez parfaitement, il n'existe malheureusement pas de risque zéro.
Le terrorisme veut imposer la peur, et notre réponse, c'est bien de résister. Combattre le terrorisme et résister aux peurs et aux violences – à toutes les formes de violence qui s'emparent de notre société. Avec nos forces armées, avec nos forces de sécurité, avec la force de l'État de droit et de la démocratie – c'est en effet ainsi que l'on impose l'autorité –, sans faiblir et avec sang-froid, nous mènerons ce combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)
M. Marc Dolez. Très bien !
Auteur : M. Philippe Vigier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 juin 2016