réglementation
Question de :
M. Philippe Duron
Calvados (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 23 juin 2016
LUTTE CONTRE LE DÉTACHEMENT ILLÉGAL DE ROUTIERS ÉTRANGERS
M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
M. Philippe Duron. Ma question s'adresse à M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, et j'y associe mes collègues Frédéric Cuvillier, député du Pas-de-Calais, et Gilles Savary, député de Gironde.
Monsieur le secrétaire d'État, le détachement des travailleurs est un sujet sensible au sein du marché intérieur de l’Union européenne : nécessaire pour répondre à des besoins ponctuels dans certains secteurs d'activité, en accord avec le souhait communautaire de libre circulation des personnes et des biens, le détachement doit toutefois être strictement encadré en raison des nombreux abus et des cas d'exploitation de travailleurs observés depuis plusieurs années. Le transport routier français est particulièrement touché par ces dérives, victime d'un dumping social violent qui génère des conditions de travail dégradantes, de multiples fraudes et introduit une distorsion de concurrence insoutenable avec les pays de l'Est européen.
C'est dans cette optique que le Gouvernement a transposé au transport routier ce qu'il a mis en place dans les autres secteurs en matière de détachement de travailleurs. Ainsi, l'article 281 de la loi Macron prévoit d'imposer une rémunération à hauteur du SMIC horaire aux employeurs de conducteurs étrangers qui livrent ou déchargent en France, et de renforcer en parallèle la lutte contre la concurrence sociale déloyale, en cohérence avec la directive « Détachement » de 1996. Cette mesure, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes fiers sur ces bancs de l'avoir soutenue à vos côtés.
C'est donc avec étonnement que nous avons appris jeudi dernier l'annonce par la Commission européenne du déclenchement d'une procédure d'infraction à l'encontre de la France concernant le décret d'application de cet article, au motif qu'une telle mesure créerait des obstacles administratifs disproportionnés au bon fonctionnement du marché intérieur. Pourtant, ce décret ne contredit nullement le règlement européen en matière de cabotage, et il est injustifiable aujourd'hui que le secteur routier échappe aux règles de détachement et que la concurrence s'exerce par un nivellement social.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles suites le ministère entend-il donner à cette mise en demeure, préoccupante à de nombreux égards ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, le transport routier de marchandises est aujourd'hui victime d'une concurrence déloyale qui repose fortement sur le dumping social pratiqué par des entreprises européennes, mais aussi françaises qui font de l’optimisation sociale en créant des filiales à l'étranger.
Je déplore l'annonce, par la Commission européenne, de l'ouverture d'une procédure d'infraction visant des dispositions prises par la France pour faire appliquer le droit du détachement au transport routier de marchandises. Le Président Juncker a fort justement rappelé l'importance du principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail » pour assurer une saine et équitable concurrence en Europe. La France entend ainsi seulement faire respecter l'application du droit communautaire en créant les conditions d'une concurrence loyale, dans le cadre d'une libre prestation de services. Les directives relatives au détachement des travailleurs de 1996 et de 2014 sont des pivots de l'application de ce principe dans tous les secteurs afin notamment de parvenir au respect de l'application du salaire minimum. La loi du 6 août 2015 que vous avez évoquée a prévu deux dispositions pour rendre applicables ces dispositions au transport routier de marchandises, mesures qui entreront en vigueur au 1er juillet prochain.
La position de notre pays est claire : la meilleure façon de faire fonctionner le marché intérieur dans le respect de la concurrence, c'est d'abord de respecter les règles : quand il y a tant de détournements en la matière, le principe même est en cause. Nous voulons revenir à l'application du droit européen au moment où la remise en cause du projet européen fait le lit de tous les populismes à travers l'Europe. La France souhaite ainsi réaffirmer sa vision d'une Union européenne où ne règne pas la loi de la jungle mais qui est un marché ouvert et régulé, y compris s'agissant des questions sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Auteur : M. Philippe Duron
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Transports, mer et pêche
Ministère répondant : Transports, mer et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juin 2016