Question au Gouvernement n° 4112 :
conseils de prud'hommes

14e Législature

Question de : M. Bernard Gérard
Nord (9e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 23 juin 2016


RÉFORME DE LA JUSTICE PRUD'HOMALE

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Gérard. Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l'économie a été, au grand dam des Français, le rédacteur du programme économique de l'actuel Président de la République.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Bernard Gérard. Alors que la croissance s'est installée chez tous nos voisins européens, en France, nous attendons toujours la reprise. Grâce à des réformes structurelles, la courbe du chômage s'est, depuis plusieurs années, inversée partout en Europe. Pas en France ! Et ce n'est pas la loi El Khomri, qui est tout sauf une réforme du code du travail, qui nous permettra de retrouver notre influence sur la scène européenne. Ce n'est pas non plus la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques qui nous permettra de rejoindre le camp des pays réformateurs.

Au-delà de ces textes qui n'apportent pas de réponse aux véritables enjeux du moment et qui ne confortent pas la place de la France en Europe, je souhaite vous interroger sur les décrets d'application de la loi Macron, notamment sur celui du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale. Celui-ci prévoit que tout justiciable relevant appel d'une décision prud'homale de première instance doit, à défaut d'irrecevabilité de la procédure, s'acquitter d'un droit d'appel de 225 euros.

Par ailleurs, la profession d'avocat s'inquiète dans le silence de ce décret d'une nouvelle obligation potentielle : celle d'avoir recours à un postulant devant la cour d'appel pour les jugements prud'homaux. Une telle évolution aurait, elle aussi, de graves conséquences en termes d'accès au droit puisque chacune des parties devrait dépenser entre 600 euros et 1 200 euros de plus. Devant de telles incertitudes, le Conseil national du barreau français a engagé un recours contre ce décret du 20 mai 2016.

Adoptée sous l'influence de M. Macron, votre solution pour réduire le nombre de contentieux prud'homaux semble n'être que financière, alors que nos voisins européens ont, pour la plupart, su trouver des solutions adaptées.

Monsieur le Premier ministre, votre ministre du travail envisage-t-elle de débattre de ces décrets avec M. Martinez lors d'une prochaine rencontre ? Pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement sur les décrets de M. Macron qui ne vont vraiment pas dans le sens d'une harmonisation sociale européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. (Exclamations persistantes sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, arrêtez, je vous en prie !

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le député, je vous cherche des yeux. Vous avez d'abord fait référence – et je vous remercie, au fond, de cette accroche – aux grandes lois visant à une réforme structurelle de l'économie. Je rappelle ici que les pays que vous visez et qui ont adopté de telles lois l'ont, pour la plupart, fait il y a dix ans, à une époque où la majorité d'alors en France avait décidé de ne rien faire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Et, puisque vous parlez de nos voisins, si l'Allemagne connaît un taux de croissance et un taux de chômage certes différents des nôtres, c'est précisément parce que d'aucuns ont su y mener les réformes que certaines majorités ici n'ont pas voulu conduire.

L'effet de telles lois n'est jamais immédiat : les gouvernements des pays auxquels vous faites allusion ont à l'époque eu à essuyer des reproches, ont été confrontés parfois à des excès et souvent à des comportements quelque peu injustes vis-à-vis de réformes dont l'utilité n'apparaissait pas à l'époque.

J'en viens à votre question précise portant sur la réforme de la justice prud'homale prévue dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Elle a effectivement fait l'objet de plusieurs décrets, dont celui du 20 mai 2016 relatif à la procédure.

La réforme en question a un premier objectif : raccourcir la procédure, et c'est bien ce à quoi elle conduit. À l'heure actuelle, une procédure devant les prud'hommes dure en moyenne vingt-huit mois en cas d'appel, soit une durée largement supérieure à celle constatée dans les autres pays européens. En outre, le taux de conciliation est insuffisant. Ces délais seront réduits grâce à la réforme.

Par ailleurs, ce texte prévoit aussi la possibilité de se faire assister par un avocat ou par un défenseur syndical. Je comprends votre préoccupation concernant les aspects financiers, mais à ce sujet les équilibres ne sont pas modifiés.

M. Bernard Gérard. Ce n'est pas vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. Les textes, qui sont en cours de préparation à la Chancellerie et au ministère du travail, préciseront le cadre de cette réforme, de façon qu'un défenseur syndical ou un avocat puisse assister les plaignants.

M. Bernard Gérard. Mais votre décret est déjà pris !

M. Emmanuel Macron, ministre. Cette réforme ne conduira pas à un alourdissement du coût de la procédure pour les salariés : celle-ci sera désormais plus courte, plus efficace et plus lisible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Gérard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique

Ministère répondant : Économie, industrie et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juin 2016

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