Question au Gouvernement n° 4168 :
médias

14e Législature

Question de : M. Michel Françaix
Oise (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 21 juillet 2016


TRAITEMENT MÉDIATIQUE DES ATTENTATS

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Michel Françaix. Madame la ministre de la culture et de la communication, depuis longtemps sur les réseaux sociaux, on voit des vidéos faites pour nourrir les instincts du voyeurisme. Difficile d'y remédier, car ces réseaux donnent la parole à chaque citoyen, et cela est parfois précieux, même si l'on sait aussi que tout n'est pas humanisme chez l'homme.

Puis les chaînes d'information continue, boucle obsessionnelle qui brasse parfois plus de vide que de fond, sont rentrées dans la course, privilégiant trop souvent « l'informer vite » sur « l'informer bien ».

Lors des événements tragiques que nous venons de vivre, les chaînes généralistes privées et publiques ont participé hélas à ce triste spectacle fait d'exploitation de la douleur, d'images insoutenables et de rumeurs non vérifiées. On a donné trop souvent à voir du sang, des morts, sans aucun respect des victimes, sans aucun recul, sans aucune considération pour l'intelligence ou la sensibilité des téléspectateurs.

M. Paul Molac. Eh oui.

M. Michel Françaix. Loin de moi l'idée de demander aux législateurs de rédiger à la place des journalistes code de déontologie ou charte d'éthique. Loin de moi l'idée de vous demander, madame la ministre, une intervention qui remettrait en cause l'indépendance des journalistes, car il est révolu, le temps où le Président de la République intervenait à tout bout de champ et nommait les présidents des chaînes du service public. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

C'est au Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA – d'intervenir fermement pour que simplification, spectacularisation, émotion et mise en scène ne prennent pas définitivement l'avantage sur la mise en perspective. C'est aux journalistes d'approfondir leur réflexion avec nous, les citoyens, pour savoir que montrer, qu'occulter, où placer la limite du soutenable, où s'arrête l'information et où débute le voyeurisme dans un monde en pleine mutation.

Au CSA de rappeler droits et devoirs, et de faire que le cahier des charges soit respecté. Aux politiques eux-mêmes de lutter contre toutes formes de désinformation du style « dites-leur ce qu'ils veulent entendre ».

À vous, madame la ministre, de nous donner la direction, et de vous souvenir avec Victor Hugo que « Souvent la foule trahit le peuple ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je comprends votre indignation, qui a également été celle de beaucoup de Français, alors que nous étions encore sous le choc de cette violence inouïe qui, à Nice, a frappé des enfants, des femmes, des hommes.

Il y a quarante-huit heures, j'ai défendu ici même devant vous la proposition de loi de votre collègue Patrick Bloche visant à renforcer l'indépendance des médias et à mieux protéger le travail des journalistes. La liberté de la presse est au cœur de notre démocratie. Nous ne devons pas transiger sur cette valeur.

Mais cette liberté implique aussi une responsabilité forte. Elle implique de la part des médias le respect des principes fondamentaux que sont la dignité humaine et l'honnêteté de l'information. C'est pour cela que la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a confié, vous l'avez dit, au CSA, autorité indépendante dont nous avons encore renforcé l'indépendance, la mission de veiller au bon respect de ces principes et que nous l'avons doté d'un pouvoir de sanction.

Dès janvier 2015, le CSA avait relevé des manquements, prononcé des mises en garde et même, pour les cas les plus graves, des mises en demeure. (« Pour quel résultat ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Le traitement de novembre 2015 n'a pas donné lieu à des incidents du même ordre. Force est de constater avec vous, malheureusement, que certains médias n'ont pas fait preuve de la même vigilance dans la couverture des événements du 14 juillet, diffusant des images choquantes ou même des informations infondées.

Le CSA s'est de nouveau saisi de la question. Il a adressé une note aux rédactions et vient d'annoncer l'ouverture d'une instruction sur la base des images dont il s'est saisi. Cette instruction pourra donner lieu à des sanctions.

M. François Loncle. Ils n'en ont rien à faire ! Ils continueront…

Mme Audrey Azoulay, ministre. Pour ce qui est du service public, France Télévisions l'a reconnu et a présenté des excuses : la diffusion d'images brutales et choquantes a été une erreur grave.

Vous avez cité Victor Hugo. Rousseau nous éclaire également lorsqu'il nous dit que mieux vaut une liberté dangereuse qu'une servitude tranquille. Mais la liberté implique la responsabilité et l'appel à la décence dans les toutes premières heures qui ont suivi le massacre ne concerne pas que les médias. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Données clés

Auteur : M. Michel Françaix

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juillet 2016

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