Question au Gouvernement n° 4210 :
police des cultes

14e Législature

Question de : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet
Essonne (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 2016


LUTTE CONTRE LA PRÉDICATION SUBVERSIVE

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe Les Républicains.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, en France, en 2016, un prédicateur peut, en toute impunité, encourager à ne pas fréquenter les mécréants, considérer une femme comme la moitié d'un homme ou faire croire à des enfants qu'écouter de la musique les transformera en cochons.

Au cours des auditions menées pour l'examen de ma proposition de loi pénalisant la prédication subversive, nous avons eu la confirmation que notre droit n'offre pas tous les outils pour lutter efficacement contre des idéologies politico-religieuses radicales de plus en plus dissimulées. Du coup, les autorités se trouvent contraintes à de véritables contorsions juridiques pour obtenir la fermeture des mosquées salafistes.

Jeudi de la semaine prochaine, nous débattrons dans cet hémicycle d'une proposition de loi pour mettre hors la loi les prédicateurs salafistes radicaux. Cosignée par une cinquantaine de nos collègues, elle a été inscrite à l'ordre du jour grâce à notre président de groupe, Christian Jacob, que je remercie. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Notre objectif, c'est d'intervenir plus en amont du processus de radicalisation. Nous voulons offrir aux juges, aux élus locaux et aux citoyens une base légale à la condamnation des prédicateurs qui promeuvent une ségrégation identitaire.

Monsieur le Premier ministre, certains voudraient nous opposer la liberté d'opinion. Pourtant il n'est pas question de sanctionner une opinion, qui reste libre, mais sa diffusion. Cela est bien différent. D'autres voudraient nous opposer la liberté religieuse. Mais on ne peut pas habiller n'importe quoi de la liberté religieuse. La liberté de conscience, oui. La religion comme prétexte pour saper les principes de la République, non !

M. François Loncle. Exact !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, je vous ai interpellé à ce sujet dans l'hémicycle en juillet. Nous en avons discuté début septembre, de façon constructive. Soutiendrez-vous cette démarche jusqu'au bout pour que nous élaborions, ensemble, les voies et les moyens d'améliorer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, il y a l'intention, sur laquelle nous pourrions nous retrouver, et il y a les modalités que vous proposez. Vous avez en effet fait part de votre intention dans cet hémicycle, dans une question, le 20 juillet, et vous avez écrit au Premier ministre, qui vous a reçue le 1er septembre. Nous avons évidemment examiné cette question avec beaucoup d'attention, car dans ce domaine, personne n'a la science infuse, et l'on est toujours plus intelligent lorsque l'on analyse avant de parler.

La lecture de votre proposition de loi nous inspire deux conclusions : soit ce que vous proposez existe déjà – et je tenterai de le démontrer –, soit ce que vous avancez de nouveau nous paraît trop imprécis pour que le remède ne soit pas pire que le mal.

Ainsi, madame la députée, vous proposez de lutter contre l'apologie du terrorisme. Cela existe déjà dans l'article 421-2-5 du code pénal.

Je vous indique, madame la députée, comme je l'indique à la représentation nationale, que l'année dernière, en 2015, 385 personnes ont été condamnées sur ce motif, grâce au texte voté massivement par cette assemblée. Sur le premier trimestre de 2016, 219 condamnations ont déjà été prononcées pour apologie du terrorisme. Ces chiffres montrent que nous poursuivons leurs auteurs, lorsque nous en avons les moyens juridiques et que les faits sont avérés.

De plus, madame la députée, vous souhaitez que les mineurs soient préservés de messages incitant au terrorisme. C'est d'ores et déjà possible, en vertu de l'article 227-24 du code pénal.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il faut faire plus !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Vous voulez sanctionner la provocation directe à commettre un crime ou un délit. Mais une telle sanction est déjà prévue à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881.

Enfin, vous évoquez les ministres du culte qui, dans leurs propos, contesteraient les lois. Les sanctionner est possible, en utilisant l'article 35 de la loi de 1905.

M. Daniel Vaillant. Elle n'a pas assez travaillé !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Dans ce domaine, je ne sais pas ce qu'est la prédication subversive. Permettez-moi, madame la députée, de citer Portalis, le fondateur du code civil en 1805 : « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Claude Goasguen. Appliquez-les !

Données clés

Auteur : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Cultes

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 octobre 2016

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