Mali
Question de :
Mme Danielle Auroi
Puy-de-Dôme (3e circonscription) - Écologiste
Question posée en séance, et publiée le 16 janvier 2013
SITUATION AU MALI
M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.Mme Danielle Auroi. Monsieur le Premier ministre, face à l'avancée des islamistes au nord du Mali, l'État malien a fait appel à la France, qui vient de s'engager à ses côtés : dont acte. Il aurait été utile que les parlementaires débattent plus tôt de l'intervention de la France, aussi urgente et légitime soit-elle. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
M. Jean-Paul Bacquet. N'importe quoi !
Mme Danielle Auroi. Le débat prévu demain permettra, du moins je l'espère, d'en clarifier et d'en préciser les objectifs. Nous attendons aussi la résolution de l'ONU qui nous donnera mandat.
M. Jean-Paul Bacquet. Mais c'est n'importe quoi !
Mme Danielle Auroi. Espérons également que l'Union européenne, qui prépare une mission de formation de l'armée malienne, pourra, un jour, jouer un rôle plus important, tant dans l'action que dans la prévention et le règlement des conflits.
En attendant la force internationale sous conduite africaine, la responsabilité de la France est lourde. Sur le terrain, plusieurs ONG ont appelé l'ensemble des belligérants à respecter les civils. Plusieurs voix s'élèvent aussi pour s'inquiéter de la circulation des armes dans la région, alors que le conflit libyen a déjà permis à certains groupes de s'équiper largement.
Le grondement des armes ne doit pas faire oublier des réalités régionales plus larges, par exemple la place de l'uranium dans cette région. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
M. Jean-Paul Bacquet. Totalement irresponsable !
Mme Danielle Auroi. Un tiers des centrales nucléaires françaises fonctionnent grâce à cet uranium, extrait au Niger voisin. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Pourtant, cette exploitation n'a profité que ponctuellement aux habitants du désert, et les liens entre pauvreté et terrorisme sont malheureusement bien connus ! Il est temps, comme a commencé à le faire le ministre délégué chargé du développement, de revoir les modalités de l'aide aux pays qui en ont besoin. (Protestations continues sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
Je vous interroge donc, monsieur le Premier ministre, sur les mesures concrètes qui pourraient être prises dès aujourd'hui en concertation avec les autorités maliennes et les pays voisins afin d'aider les régions sahéliennes, notamment les peuples touaregs, à mettre en oeuvre un véritable plan de développement soutenable, qui respecte les droits de tous et de toutes. (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Lellouche. C'est incroyable !
Mme Danielle Auroi. La confiance et la sécurité économique sont les armes les plus sûres pour détourner la population civile des mouvements djihadistes, car il s'agit aussi de toucher, en profondeur, les racines du conflit, et de préparer la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la France, vous venez de le rappeler, intervient en appui à l'armée malienne. Elle le fait à la demande du Président du Mali et dans le respect de la Charte des Nations unies.
L'agression des mouvements terroristes menaçait l'existence même du Mali et faisait peser un risque majeur sur l'Afrique de l'Ouest, sur l'Europe et aussi sur la France. L'opération fixée par le Président de la République poursuit trois objectifs. Je tiens à les rappeler devant vous après les avoir exposés, hier soir, à Matignon devant les représentants de tous les groupes de l'Assemblée nationale et du Sénat, devant la présidente et les présidents des commissions affaires étrangères et de la défense et devant, bien sûr, les présidents de l'Assemblée et du Sénat. Le premier objectif est d'arrêter l'offensive des groupes terroristes ; le deuxième objectif est de préserver l'existence de l'État malien et de lui permettre de retrouver son intégrité territoriale et sa totale souveraineté ; le troisième objectif est de préparer le déploiement de la force d'intervention africaine qui a été autorisé le 20 décembre dernier par le Conseil de sécurité dans le cadre de la résolution 2085.
Le dispositif militaire que nous déployons conjugue renseignement, frappes aériennes, moyens d'aéromobilité et unités terrestres. Il répond strictement à ces objectifs. Il continuera de se renforcer dans les prochains jours. En effet, nous avons porté un coup d'arrêt à la première offensive des trois groupes terroristes principaux. Mais leur détermination, nous devons en être conscients, reste entière et il convient, pour y faire face, d'obtenir rapidement des résultats très significatifs.
Cette intervention, le Gouvernement en est conscient depuis le début des opérations, fait peser un risque sur nos otages au Sahel. Mais ce sont ceux-là mêmes qui les détiennent qui menaçaient de s'emparer de la totalité du Mali. Ne rien faire et laisser le Mali devenir un sanctuaire pour les groupes terroristes n'aurait pas contribué à la libération, que nous souhaitons tous, de nos otages.
Pour la protection du territoire national, plusieurs mesures du plan Vigipirate ont été renforcées, notamment dans les transports, les bâtiments publics et les lieux de culte.
Je vous l'ai dit, j'ai réuni hier soir les représentants du Parlement en présence du ministre de la défense et du ministre de l'intérieur, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, se trouvant avec le Président de la République, aux Émirats arabes unis, était représenté par son directeur de cabinet. Nous avons, à cette occasion, présenté les objectifs de l'intervention et répondu à de nombreuses questions particulièrement précises et utiles, conformément au rôle que vous avez à jouer, en tant que représentants parlementaires, dans le cadre de la Constitution : vous avez tous en mémoire son article 35. Un débat sans vote se déroulera donc mercredi après-midi, comme M. le président de l'Assemblée nationale vient de le rappeler. Un débat similaire se tiendra en même temps au Sénat.
Je me félicite en tout cas, d'ores et déjà, du soutien manifesté depuis le 11 janvier par l'ensemble des forces politiques de notre pays.
M. Patrick Balkany. Et les Verts ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je remercie tout particulièrement les représentants et les présidents de groupes qui se sont exprimés cet après-midi. Notre pays est uni dans ce combat contre les groupes terroristes. Ce combat est aussi un combat pour nos valeurs. Il est un combat pour les valeurs des Nations unies. L'intervention de la France bénéficie, en effet, du soutien de la communauté internationale, à commencer par les États africains eux-mêmes. Plusieurs de nos partenaires, notamment le Royaume-Uni, le Danemark, les États-Unis, le Canada et l'Allemagne, nous apportent, déjà, leur appui sous diverses formes. La France est, aujourd'hui, en première ligne, en appui à l'armée du Mali, mais, d'ici à une semaine, les forces africaines commenceront à se déployer sur le terrain. Un échelon précurseur de l'état-major de la MISMA est déjà à Bamako. Plusieurs pays africains ont confirmé la mise à disposition de premiers contingents.
La mise en place de la mission de l'Union européenne de formation et de soutien logistique aux forces armées maliennes est également en train de s'accélérer. Une réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne se tiendra jeudi dans cette perspective. La perspective, les uns et les autres l'avez rappelé, est politique. Elle est de redonner au Mali la stabilité à laquelle il prétend à juste titre. Elle est aussi de redonner à ce pays des institutions démocratiques stables et durables au service d'un Mali pleinement souverain et capable de garantir sa propre sécurité. L'ambition du Gouvernement et des forces politiques largement rassemblées est aussi de donner une perspective de développement non seulement au Mali, mais à toute cette région de l'Afrique particulièrement pauvre. Mais il n'y a pas de développement sans sécurité et il n'y a pas de sécurité durable sans développement.
Avant de conclure, mesdames, messieurs les députés, je voudrais, à mon tour, saluer le courage de nos soldats. Je présiderai dans quelques instants, juste après cette séance, avec le ministre de la défense et le ministre chargé des anciens combattants, la cérémonie d'hommage national au chef de bataillon Damien Boiteux qui a péri vendredi, au premier jour, je dirai aux premières heures, de l'intervention. Mais, mesdames, messieurs les députés, vous lui avez déjà rendu hommage comme la nation tout entière le fera.
Face à la menace terroriste, la détermination du Gouvernement est entière. Fort de votre appui et de celui de toutes les forces politiques nationales, de la nation tout entière et de la communauté internationale, cette détermination ne faiblira pas ! (Applaudissements sur tous les bancs. - Les députés des groupes SRC et RRDP ainsi que quelques députés du groupe Écologiste se lèvent et applaudissent vivement.)
Auteur : Mme Danielle Auroi
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2013