Question au Gouvernement n° 438 :
contrats à durée déterminée

14e Législature

Question de : M. Bruno Le Roux
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen

Question posée en séance, et publiée le 16 janvier 2013

ACCORD SUR LA SÉCURISATION DE L'EMPLOI

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (De nombreux députés des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI continuent de scander " Référendum ! ") Regardez le spectacle que vous êtes en train de donner !
Je vous préviens que, si cela continue, je vais suspendre la séance ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) On ne peut pas continuer comme cela ! L'opinion des uns et des autres doit trouver à s'exprimer ! Il faut veiller au bon déroulement de nos séances.
Monsieur Le Roux, vous avez la parole.
M. Bruno Le Roux. Il est étonnant de prétendre défendre la démocratie avec un tel comportement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. - Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.) Assumez vos responsabilités, vous qui avez été élus ! Assumez le débat ici, plutôt que d'adopter ce comportement infantile, à vouloir vous protéger derrière le peuple ! (Mêmes mouvements.) Vous n'êtes pas à la hauteur de la responsabilité qui vous a été confiée par le peuple français ! (Mêmes mouvements.)
Monsieur le Premier ministre, vendredi, à l'issue de discussions marathons, les partenaires sociaux ont finalisé un accord crucial pour la sécurisation de l'emploi. Habituellement, l'État décide seul et il impose ses vues aux partenaires sociaux. Or vous avez fait un pari, nécessaire mais risqué, et désormais réussi. L'accord trouvé entre les partenaires sociaux est une promesse pour l'avenir de notre pays. Il permet de sortir de la logique de la confrontation et du passage en force qui a trop souvent prévalu dans notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)
Cet accord succède à celui sur les contrats de génération et, pour l'un comme pour l'autre, nous devons veiller à les retranscrire fidèlement dans la loi.
Monsieur le Premier ministre, les partenaires sociaux ont, avec votre feuille de route, trouvé un compromis équilibré. Ils ont réussi à le faire en limitant le recours aux CDD, qui avait doublé au cours des dix dernières années, en facilitant l'accès des travailleurs à la formation et à la santé (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP), en élaborant un cadre permettant tout à la fois de rendre le marché du travail plus fluide pour les entreprises et plus protecteur pour les salariés.
Un échec vous aurait été reproché si le dialogue n'avait pu aboutir et si les partenaires sociaux n'avaient pas trouvé un accord vendredi. Or l'accord a abouti, et les députés SRC veulent vous exprimer leur soutien pour cette méthode et ce résultat qui tranchent singulièrement avec la façon dont le rapport de force était systématiquement recherché par l'ancienne majorité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Nous souhaiterions connaître, monsieur le Premier ministre, la lecture que vous faites de ce compromis social, historique dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Le Roux, il y a dans notre pays, d'abord, la démocratie politique, c'est-à-dire celle qui s'exprime par le suffrage universel, par l'élection du Président de la République et des députés par tous les Français, dont vous êtes les représentants légitimes. C'est à ce titre, et en toute légitimité, que vous aurez à vous prononcer sur des réformes de droit constitutionnel, de droit public, de droit économique ou social, comme sur beaucoup d'autres sujets ou projets : j'ai entièrement confiance dans vos choix.
M. Gérald Darmanin. Référendum !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais aujourd'hui, vous évoquez un autre volet de notre démocratie : la démocratie sociale. Vous savez que, lors de sa campagne, le Président de la République avait fait de la modernisation de notre pays l'un de ses axes prioritaires. Nous savons que la France doit changer, qu'elle doit se réformer,...
M. Guy Geoffroy. Ça, c'est vrai !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ...mais elle ne peut pas le faire de n'importe quelle façon. L'histoire a montré qu'une réforme du droit du travail qui ne se faisait que par la loi, de façon autoritaire, ne pouvait mener qu'à l'échec. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
Ce qui s'est passé vendredi est le résultat d'une volonté partagée. Celle, d'abord, du Gouvernement qui, lors de la grande conférence sociale de juillet, a su créer les conditions d'un renouveau du dialogue social dans notre pays, en fixant, avec les partenaires sociaux, les grandes priorités sur une feuille de route. Cette feuille de route se concrétise par la grande négociation sur la sécurisation des parcours professionnels, qui s'est conclue vendredi par un accord. Il appartient maintenant aux différentes organisations patronales et syndicales de se prononcer pour dire si elles lui donnent une suite concrète, en signant les résultats de cette négociation. Mais nous savons qu'une majorité d'entre elles ont déjà donné leur accord pour que ce qui a été obtenu par la négociation devienne rapidement une réalité, pour les entreprises mais également pour les salariés. C'est ce qu'il vous appartiendra très rapidement, selon la volonté du Gouvernement, de traduire dans le droit du travail, par un projet de loi qui sera minutieusement préparé et soumis à votre délibération.
Cet accord est effectivement sans précédent : sans doute que, depuis plus de trente ans, il n'y a jamais eu de négociation d'une telle ampleur (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP), et je suis sûr que ce n'est pas la dernière. En tout cas, la sécurisation des parcours professionnels, réclamée depuis tant d'années pour les salariés des petites, des moyennes et des grandes entreprises, va devenir une réalité.
Cet accord est un compromis, comme toute négociation. D'un côté, il offre aux entreprises plus de souplesse pour faire face aux mutations économiques et aux nécessaires réorganisations, sans faire peser sur les salariés le risque d'un licenciement, et sans que ceux-ci soient les variables d'ajustement ; de l'autre côté, en contrepartie, ce sont des droits nouveaux qui vont accompagner le salarié tout au long de sa carrière, quelle que soit l'entreprise à laquelle il appartient, que ce soit en matière de couverture complémentaire santé, de droit " rechargeable " aux indemnités de chômage ou à la formation professionnelle - et j'ajoute cette innovation essentielle, réclamée depuis longtemps : les contrats précaires et de courte durée seront, par une taxation accrue, rendus plus difficiles à conclure, de façon à favoriser ce qui doit devenir le contrat principal, c'est-à-dire le contrat à durée indéterminée. Tout cela se trouve dans l'accord et c'est un vrai progrès pour le monde du travail.
Je vous l'ai dit, il vous appartient maintenant, mesdames et messieurs les députés - et c'est votre responsabilité - de traduire dans la loi cet accord. Cela vous demandera un certain travail, mais c'est d'abord le Gouvernement, avec le ministre du travail, Michel Sapin, qui va le faire en rédigeant un projet de loi. Pourquoi faut-il aller vite ? Parce qu'il y a urgence - vous l'avez déjà compris puisque vous avez adopté les mesures relatives aux emplois d'avenir - mais il faut que cela se concrétise désormais sur le terrain. Vous allez débattre, dès cet après-midi, du projet de loi créant les contrats de génération. Mais il y a aussi le pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi : le crédit d'impôt pour les entreprises, que vous avez voté avant la fin de l'année, est opérationnel depuis le 1er janvier.
Nous menons une bataille pour l'emploi, et cette négociation est une contribution supplémentaire à cette bataille. Il n'y pas de temps à perdre. Je compte sur le Parlement, je compte sur la majorité, je compte sur ceux qui ont compris et comprendront l'essentiel : l'emploi, des droits nouveaux pour le monde du travail, la compétitivité qui ne peut exister sans dialogue social, sans justice sociale, car sans solidarité il ne peut y avoir d'efficacité économique. Le processus est en marche et je compte sur l'Assemblée nationale, sur le Parlement, pour franchir cette nouvelle étape dans les progrès en faveur de l'emploi et de la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Données clés

Auteur : M. Bruno Le Roux

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2013

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