Syrie
Question de :
M. Stéphane Saint-André
Pas-de-Calais (9e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
Question posée en séance, et publiée le 11 janvier 2017
RÉSOLUTION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES SUR LA SYRIE
M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Stéphane Saint-André. Monsieur le Premier ministre, le 31 décembre 2016, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, à l'unanimité, une résolution, proposée par la Russie, relative à la Syrie. Alors même que notre diplomatie, suivant en cela celle des États-Unis, n'a eu de cesse de s'opposer à l'action de la Russie et de la Turquie en Syrie, nous avons dû adopter, après un débat extrêmement bref, une résolution qui, entre autres, « salue et appuie les efforts déployés par la Fédération de Russie et la République turque pour mettre fin à la violence en République arabe syrienne et lancer un processus politique […] ».
À la suite de la prise d'Alep par les forces armées du gouvernement syrien, appuyées par l'aviation russe, et malgré le texte discutable de la résolution des Nations unies, je veux croire, monsieur le Premier ministre, que nous condamnons toujours fermement les agissements du gouvernement illégitime de Bachar el-Assad.
La chute d'Alep a changé la donne diplomatique : désormais, la Russie est au premier rang…
M. Claude Goasguen. La faute à qui ?
M. Stéphane Saint-André. …et à l'initiative, en liaison avec les acteurs majeurs que sont les gouvernements syrien et turc, alors que les puissances arabes, acteurs pourtant incontournables, restent écartées de la discussion. Notre diplomatie doit exprimer une position renouvelée, qui prenne en compte l'évolution des faits et leurs conséquences. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous exprimer la position présente de la France sur la question syrienne, à la suite de la résolution du 31 décembre 2016, et exposer la situation du siège de Mossoul et les perspectives de cette action militaire majeure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le député, chaque jour, des images nous parviennent de la tragédie humanitaire qui se joue en Syrie, des images des massacres, des tortures, des exactions qui sont le fait d'un régime qui a fait le choix, délibérément, de massacrer son propre peuple. À l'initiative de la France – vous l'avez rappelé dans votre question –, une résolution a été adoptée qui vise à déployer un dispositif humanitaire permettant l'accès à l'aide humanitaire pour les populations, la protection des hôpitaux, la mise en place d'observateurs indépendants : il s'agit de la résolution 2328 du Conseil de sécurité des Nations unies.
L'impulsion donnée par notre pays au moment de l'adoption de cette résolution a eu un impact incontestable sur la prise en compte, par la communauté internationale, de la gravité de la situation, et un accord russo-turc de cessez-le-feu – vous l'avez également rappelé – a été trouvé à la fin du mois de décembre. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une nouvelle résolution qui prend note des efforts russo-turcs et les salue, sans pour autant – il faut également avoir cela à l'esprit – les endosser totalement.
Des négociations intersyriennes doivent se tenir à Astana à la fin du mois, mais le format de cette réunion et son articulation avec le cadre onusien demeurent, à ce stade, très ambigus. Vous m'avez demandé d'être clair sur la position de la France : je veux rappeler que, pour nous, la résolution qui fait référence est la résolution 2254, qui doit permettre, dans le cadre d'une démarche inclusive, de dégager une solution politique durable qui mette fin à la fois aux massacres et au terrorisme qui sévit dans cette zone, avec toutes les conséquences que l'on sait pour l'Europe et pour notre pays.
Je veux toutefois insister sur la fragilité de cette résolution, qui est d'ailleurs reconnue par l'Organisation des Nations unies elle-même. Fragilité, d'abord, parce que le texte de l'accord russo-turc comporte des zones d'ombre : nous ne sommes pas encore certains, en particulier, de l'adhésion réelle de ceux qui ont proposé cette résolution à sa mise en œuvre. Or, il n'y a pas de résolution qui puisse aboutir à un résultat si les parties à celle-ci ne sont pas elles-mêmes décidées à la mettre en œuvre.
Fragilité aussi, il faut le dire très clairement, car le cessez-le-feu préconisé par cette résolution a déjà été violé par le régime de Bachar el-Assad, qui mène de façon incessante des bombardements et poursuit son offensive, notamment dans la vallée de la Barada, à proximité de Damas, avec les conséquences que l'on sait.
Fragilité, enfin, parce que la tentation est grande, pour certains acteurs, de ne pas s'inscrire pleinement dans le cadre du processus onusien, qui reste, pour la France, le seul cadre de référence légitime d'un règlement politique durable en Syrie.
Certains peuvent considérer qu'une autre politique est possible, avec d'autres alliés. Je remarque d'ailleurs que ces mêmes alliés, qui nous sont présentés comme pouvant être à l'origine d'une solution, soutiennent publiquement, dans les grands médias français, l'idée d'un changement de notre politique en la matière, et vont même, pour certains d'entre eux, qui ne sont pas les moins coupables, à désigner le candidat de leur choix pour les élections que nous aurons à arbitrer par la souveraineté nationale.
M. Christian Jacob. Quelle médiocrité !
M. Claude Goasguen. C'est incroyable ! Alors qu'Alep est à feu et à sang !
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je crois au contraire qu'en matière de politique étrangère, parce que nous sommes un grand pays, nous devons impérativement faire preuve de constance, de courage, face à ce qu'il nous faut bien appeler une tragédie humanitaire. La constance de nos positions, monsieur le député, consiste d'abord à affirmer notre détermination à ne jamais renoncer, comme en ont d'ailleurs témoigné les multiples initiatives prises par notre pays et inlassablement portées devant le Conseil de sécurité des Nations unies.
Un député du groupe Les Républicains. Ce n'est pas brillant !
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Cela consiste, ensuite, à avoir le mérite du réalisme sur les enjeux du drame syrien car, ce dont il s'agit, je le redis avec force, c'est de créer les conditions d'une Syrie apaisée, à l'intégrité territoriale préservée, respectueuse des droits de l'homme et de la diversité du pays. À défaut, la Syrie restera un lieu de chaos, un sanctuaire pour le terrorisme. Il faut en effet être extrêmement clair sur un point : le régime de Bachar el-Assad nourrit le terrorisme davantage qu'il ne le combat, comme nous l'avons vu, d'ailleurs, à travers les événements récents de Palmyre.
M. Claude Goasguen. Et Al-Qaïda alors ? C'est incroyable !
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. C'est enfin, pour nous, la nécessité de rester fidèles aux valeurs universelles qui correspondent aux discours que les peuples du monde ont toujours attendus de la France et aimés. Ce n'est que bon sens de considérer que l'on ne peut pas fonder l'avenir d'un pays autour d'un homme et d'un régime responsables de plus de 300 000 morts et du déplacement ou de l'exil de plus de la moitié de sa population, un homme qui n'a pas hésité à systématiser la torture, à recourir aux armes chimiques. Sur ce sujet aussi, il nous revient, notamment dans la perspective politique qui se présente au pays, de faire preuve non seulement de la plus grande clarté, mais aussi de la plus grande fermeté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. Claude Goasguen. Ce serait bien, en effet !
Auteur : M. Stéphane Saint-André
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 janvier 2017