investissements
Question de :
M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
Question posée en séance, et publiée le 19 janvier 2017
PROPOS DE M. DONALD TRUMP ET EXTRATERRITORIALITÉ DU DROIT AMÉRICAIN
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Joël Giraud. Lundi, le Président élu des États-Unis, Donald Trump, s'est laissé aller à intimider les États européens par la menace d'une extinction de l'Alliance atlantique et la promotion d'un accord commercial rapide entre Londres et Washington, tout en affirmant sa volonté de sanctionner lourdement une entreprise allemande.
Il ne suffit pas de déclarer que ces propos sont inadmissibles. Il faut se donner les moyens d'affirmer notre souveraineté, comme le font les autres puissances globales, la Russie, les États-Unis et la Chine. Mais cette souveraineté ne repose pas, en Europe, sur l'affirmation de la force et sur l'intimidation : elle repose sur le droit. L'Europe, c'est déjà – et cela restera – un espace public fondé sur le droit.
Les États-Unis aussi s'appuient sur la force de leur droit, dont la primauté est assise sur l'arme redoutable qu'est le dollar. Comme ils considèrent que toute opération libellée en dollars dans le monde doit être conforme à la législation américaine, ils confient à une administration, et non à un tribunal, le soin d'instruire les sanctions qui visent notamment nos entreprises en les mettant lourdement à l'amende, et continuent à vouloir s'imposer comme le « tribunal économique » du monde.
Nous devons réagir, car nous sentons poindre, à la lecture du très conservateur Die Welt, la tentation allemande d'une escalade dangereuse dans la libéralisation économique que ne renient pas les conservateurs français. Cela revient à privilégier le lien transatlantique par rapport au lien européen. En ce sens, la réponse de la chancelière Merkel – « Les Européens ont leur destin en main » – ne suffit pas. Cette réaction est même inquiétante par sa prudence.
Alors, la France peut-elle répondre fermement avec les armes qui sont les nôtres, celles du droit ? La France peut-elle être à l'initiative pour demander la création de l'équivalent européen de l'Office of foreign assets control – OFAC – américain, afin de répondre à l'offensive juridique de notre allié ? La France peut-elle appuyer les propos tenus par le commissaire européen aux affaires économiques, selon lesquels les traités dont les britanniques sont toujours membres interdisent à ceux-ci de nouer un partenariat commercial extérieur à l'Union tant qu'ils en sont membres, ce qui est bien le cas ? La France peut-elle enfin, pour répondre à l'extraterritorialité du droit américain, rappeler qu'une des règles institutives de l'Union européenne est la préférence communautaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Vous avez évoqué, monsieur Giraud, l'entrée en fonction, dans quelques jours, du nouveau Président américain, Donald Trump, qui s'est longuement exprimé dans les colonnes de deux journaux, l'un allemand et l'autre britannique. Nous avons bien entendu lu cette interview avec beaucoup d'attention.
Vous avez aussi évoqué, pour conclure votre propos, l'extraterritorialité du droit américain, lequel peut nous pénaliser. Le Parlement – et en particulier l'Assemblée nationale – s'est d'ailleurs saisi de cette question, ancienne mais réelle, et j'ai rencontré les deux auteurs du rapport qui lui a été consacré, M. Lellouche et Mme Berger, avec la présidente de la commission des affaires étrangères de votre assemblée. Ce travail est une contribution utile. La direction du Trésor et le ministère des affaires étrangères ont également décidé d'accélérer leurs travaux en vue de formuler des propositions au niveau européen, car une situation aussi inéquitable et préjudiciable à nos intérêts ne peut perdurer.
Les relations entre les États-Unis et la France sont anciennes et nous voulons les préserver, mais sur la base de principes que sont notre attachement commun à la démocratie, à la liberté et aux droits de l'homme. Nous n'en sommes pas moins attachés à notre propre indépendance et à la défense de nos intérêts ; de sorte que, lorsque nous décidons d'organiser une conférence, comme celle de dimanche dernier sur la paix au Proche-Orient, nous le faisons en toute liberté et en toute indépendance.
J'attends l'entrée en fonction du nouveau secrétaire d’État et l'inviterai à Paris ; nous pourrons alors aborder toutes les questions qui se posent, l'avenir de l'Alliance atlantique et de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord – OTAN –, l'avenir de l’Union européenne et des relations avec les États-Unis, l'avenir de l'accord sur le nucléaire iranien et l'avenir du traité sur le climat : beaucoup de questions, donc, que nous sommes légitimement en droit de poser. Nous sommes bien entendu alliés des Américains, nous l'avons prouvé à maintes reprises dans notre histoire, mais nous sommes également soucieux de défendre nos intérêts et l'avenir de l’Union européenne.
Auteur : M. Joël Giraud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2017