évasion fiscale
Question de :
M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Question posée en séance, et publiée le 10 avril 2013
ÉVASION FISCALE ET PARADIS FISCAUX
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, au-delà de l'acte scandaleux d'un ministre pris la main dans le pot de marmelade (Mouvements divers), l'évasion fiscale doit être attaquée sur le fond. Moraliser la vie politique, c'est très bien ; mettre fin à l'immoralité systémique et aux dérives dangereuses du capitalisme financier, c'est encore mieux.
Le jeu cynique des prix de transfert des multinationales, les schémas d'optimisation fiscale, les carrousels à la TVA, c'est devenu un sport mondial !
M. Daniel Fasquelle. Augier !
M. Alain Bocquet. Avec notre collègue Nicolas Dupont-Aignan, nous en découvrons tous les jours en préparant notre rapport pour la commission des affaires étrangères : 60 milliards d'euros " planqués " en Suisse par 2 000 familles françaises, 30 milliards dissimulés dans les paradis fiscaux, 1 000 milliards d'euros d'évasion fiscale en Europe, de grandes banques françaises impliquées, des services fiscaux désarmés dans lesquels on a supprimé 25 000 emplois en dix ans.
Plusieurs députés du groupe UMP. Augier !
M. Alain Bocquet. Ces impôts volés sont aussi des emplois supprimés en France.
Il est urgent d'obtenir la transparence et l'échange automatique d'informations bancaires. Monsieur le ministre, quels moyens concrets allez-vous enfin mettre en oeuvre contre la fraude fiscale ? Qu'attendez-vous pour créer un haut commissariat contre l'évasion fiscale (" Ah ! " sur les bancs du groupe UMP), comme le propose, unanime, la commission d'enquête sénatoriale, parmi ses soixante propositions ? La France ne devrait-elle pas être aux avant-postes pour lever l'intolérable opacité qui existe au Luxembourg et en Autriche, et mettre en place un FATCA européen ? Enfin, avez-vous vraiment la volonté de faire avancer l'harmonisation fiscale en Europe, qui est sans doute l'une des meilleures réponses à l' offshore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Merci beaucoup, monsieur le député, pour votre question. Vous avez raison d'insister sur le fait que la lutte contre la fraude fiscale doit être implacable.
C'est la raison pour laquelle, contrairement à ce qui pu se passer à certains moments de l'histoire de notre République, il n'y aura pas de cellules de régularisation appliquant un droit dérogatoire à l'égard de ceux qui ont commis des fraudes fiscales et qui souhaitent rentrer en France. Cela n'existera plus.
Il n'y aura pas non plus, contrairement à ce qu'ont pu faire certains pays européens, d'accords dits " Rubik ", qui garantissent des ressources fiscales à un pays par un prélèvement à la source sur les comptes détenus par ses ressortissants à l'étranger, tout cela dans l'opacité et le secret bancaires les plus grands. Cela n'aura pas lieu.
Il n'y aura pas non plus d'amnistie fiscale pour ceux qui ont placé leurs comptes à l'étranger et pourraient être tentés de revenir dès lors qu'ils seraient assurés de la clémence et de la mansuétude de l'État.
Un député du groupe UMP. Augier !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le droit fiscal s'appliquera à tous les contribuables, quels qu'ils soient.
Vous avez raison, monsieur le député : si nous voulons remettre la finance en ordre, il faut aller beaucoup plus loin dans la lutte contre la fraude, et mettre en oeuvre des dispositions en France et en Europe.
En ce qui concerne, tout d'abord, la France, il s'agit de durcir considérablement la liste des paradis fiscaux, en ne nous contentant pas de simples conventions d'échange d'informations mais en veillant à ce que l'échange d'informations soit total, absolu, avec tous les pays de l'Union européenne, y compris l'Autriche et le Luxembourg, mais également avec les pays tiers.
Nous devons harmoniser au sein de l'Union européenne la fiscalité de l'épargne. Il faudra notamment, comme vous l'avez dit, mettre en place des accords de type FATCA, qui permettent, à l'instar de ce qu'ont fait les États-Unis, d'obtenir toutes les informations concernant les comptes détenus à l'étranger.
M. Julien Aubert. Et la rue de Solférino ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Enfin, je veux demander à la presse, qui dit détenir des éléments et des fichiers, de bien vouloir les communiquer à la justice, de manière que celle-ci puisse faire son travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Auteur : M. Alain Bocquet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Budget
Ministère répondant : Budget
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 avril 2013