politique culturelle
Question de :
Mme Seybah Dagoma
Paris (5e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 19 juin 2013
EXCEPTION CULTURELLE
M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Seybah Dagoma. Ma question s'adresse au Premier ministre. Le 14 juin dernier, au terme d'une longue journée de négociations, la France, obtenait que le mandat de négociation pour un accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis exclue clairement le secteur audiovisuel.
À peine nous félicitions-nous de cette nouvelle pour la préservation de la diversité culturelle, que nous apprenions hier que José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, qualifiait la position française sur l'exception culturelle de « réactionnaire ».
M. Jean-Paul Bacquet. C'est scandaleux !
Mme Seybah Dagoma. Ces propos font suite à ceux de Karel De Gucht, commissaire européen au commerce, qui considère que cette exclusion, décidée par les ministres des 27 États membres, est « provisoire ». Ils sont, pour nous, inacceptables ! Que devons-nous comprendre ? Que la Commission s'arroge le droit d'émettre publiquement des jugements sur des décisions politiques ? Qu'elle souhaite remettre en cause la position unanime des États, position également partagée par le Parlement européen ?
Si tel est le cas, nous le disons avec netteté, nous ne l'acceptons pas ! Les peuples et les États attendent de la Commission qu'elle défende leurs intérêts.
Monsieur le Premier ministre, depuis le début de cette législature, les débats de cette assemblée ont permis l'émergence d'un consensus rare en matière de commerce international, qui traduit l'attachement du peuple français à ces sujets : lutte contre le dumping social, environnemental, monétaire ; réciprocité ; accès au marché ; diversité culturelle, comme l'atteste l'unanimité sur la résolution présentée par mes collègues Danielle Auroi et Patrick Bloche.
Monsieur le Premier ministre, alors que la position unanime du Conseil est attaquée, comment pouvez-vous nous assurer que le mandat de négociation sera respecté par la Commission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Madame la députée, je vous remercie d'avoir rappelé la position de la France, que j'ai rappelée ici même il y a quelques jours devant la représentation nationale.
Vendredi dernier, Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, a défendu la position de la France dans le débat au Conseil européen sur les conditions que l'Union européenne voulait mettre dans le mandat qu'elle donne à la Commission pour engager une négociation d'un accord de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis.
J'avais dit clairement ici que nous souhaitions que cette négociation, si elle démarre, soit basée sur le libre échange, sur le juste échange et qu'elle soit également entourée de précautions - je pense aux industries de défense, je pense à l'agriculture et à l'industrie agroalimentaire. Mais nous avions mis une condition supplémentaire, c'est que la culture, les industries culturelles et audiovisuelles soient exclues de ce mandat.
La représentation nationale, le même jour, a adopté à l'unanimité une résolution qui allait dans le même sens et qui confortait la position de la France dans cette négociation.
Je voudrais remercier la représentation nationale en cet instant, parce que cela a aidé l'exécutif à mener à bien son combat. Nous avons en effet obtenu que le mandat de l'Union européenne exclue la culture et les industries culturelles. Mais la France n'était pas isolée, contrairement à ce que l'on a pu lire ici ou là. Elle s'est battue avec conviction et elle a emporté l'adhésion des autres États membres. Il appartient désormais à la Commission, à son président et à ses commissaires de mettre en œuvre ce qui a été décidé à l'unanimité par le Conseil européen et rien d'autre, mesdames et messieurs les députés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
On dit qu'un mandat peut être revu. C'est ce qu'a dit le commissaire De Gucht. Bien sûr qu'il peut être rediscuté en cours de négociation. Mais toute évolution ne pourra être prise que dans les mêmes conditions politiques. C'est d'ailleurs conforme au traité, c'est la clause de révision générale. La France, en tout état de cause, maintiendra toujours la même position : la préservation de l'exception culturelle.
M. Guy Geoffroy. Et l'agriculture ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je viens d'évoquer l'agriculture, monsieur le député, ainsi que les industries agroalimentaires. Mais s'agissant de l'exception culturelle, il ne s'agit pas d'avoir peur. L'exception culturelle, c'est affirmer que les biens culturels ne sont pas des marchandises comme les autres. Cela n'a rien de « réactionnaire ». Au contraire, c'est le progrès, c'est l'ouverture aux cultures du monde, c'est la défense de la diversité culturelle. Cela s'impose à tous, aux membres de la Commission comme au président de la Commission européenne lui-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Auteur : Mme Seybah Dagoma
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Culture
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 juin 2013