Question orale n° 1003 :
DOM-ROM : Guyane

14e Législature

Question de : M. Gabriel Serville
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Gabriel Serville interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le projet de second gros barrage hydroélectrique en Guyane.

Réponse en séance, et publiée le 6 mai 2015

PROJET DE BARRAGE HYDROÉLECTRIQUE EN GUYANE
M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour exposer sa question, n°  1003, relative au projet de barrage hydroélectrique en Guyane.

M. Gabriel Serville. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Alors que le projet de loi sur la transition énergétique et la croissance verte s'apprête à nous revenir en deuxième lecture, j'aimerais connaître la position du Gouvernement sur la stratégie à adopter en matière d'approvisionnement électrique de la Guyane. En effet, selon le directeur régional d'EDF lui-même, la Guyane risque la surchauffe à très court terme faute de décision rapide. De fait, la démographie galopante et les nouvelles infrastructures obligeront à produire près de cinquante mégawatts supplémentaires d'ici 2020 en sus des projets miniers prometteurs prévus à l'est et à l'ouest du département. La collectivité régionale et l'opérateur public ont déjà fait part publiquement de leur préférence pour la construction d'un deuxième barrage hydroélectrique, sur la Mana probablement. Ce projet présente certes l'avantage de produire une énergie renouvelable mais semble particulièrement inadapté à la situation locale.

Le barrage de Petit-Saut demeure très controversé en raison de ses impacts en matière d'émissions de gaz à effet de serre, de disparition de la biodiversité forestière, de perturbation du cycle du mercure et du milieu aquatique et de la faible création d'emplois qui en a résulté. C'est bien simple : selon le Plan énergétique régional pluriannuel de prospection et d'exploitation des énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie publié en avril 2012, « la centrale de Petit-Saut, par la dégradation du stock de carbone consécutif à l'ennoiement de la forêt, aurait un impact en matière de gaz à effets de serre du même ordre de grandeur qu'une centrale électrique thermique de même taille » ! Renouveler l'expérience dans le cadre d'une dynamique de croissance verte semble donc d'une pertinence discutable. Plus globalement, les retours d'expérience ont clairement montré que les barrages en milieu amazonien, établis sur des reliefs faibles, ennoient de très larges zones de forêt primaire, ce qui entraîne la production massive de gaz à effet de serre. Ainsi, les chercheurs ont calculé que les émissions de gaz à effet de serre des barrages envisagés équivaudraient à 172 % des émissions dues aux énergies fossiles dans la région en 2025 !

Outre son coût environnemental sans doute très élevé, le projet de grand barrage n'apporte pas nécessairement une solution à la forte dichotomie séparant communes du littoral et sites isolés de l'intérieur. Au contraire, les solutions alternatives, certes moins productives mais ayant le mérite d'exister, telles que l'énergie micro-hydroélectrique, la biomasse ou encore l'énergie éolienne, produisent au plus près des bassins de vie de l'électricité rapidement modulable en fonction de l'évolution de la demande. La Guyane se distingue du reste du territoire national car elle est la première région de France où l'objectif d'une production électrique issue pour moitié des énergies renouvelables fixé lors du Grenelle de l'environnement est déjà dépassé. Il nous appartient désormais de continuer sur cette lancée en faisant de ce territoire le laboratoire de l'excellence énergétique, ce qui suppose bien évidemment des solutions renouvelables mais surtout pérennes, durables et vertes, conformément à l'intitulé du projet de loi. Voilà pourquoi je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce point et les solutions envisagées afin de garantir à la Guyane un approvisionnement électrique de qualité.

Je dresserai pour finir un parallèle avec le barrage de Sivens qui a littéralement embrasé notre pays il y a peu. À Sivens, douze hectares de zone humide sont en jeu ; à Petit-Saut, 370 km2 de forêt amazonienne primaire ont été engloutis et il y en aura peut-être plus demain. Espérons que cela ne se produise pas, comme de coutume, dans l'indifférence générale.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. La production électrique de Guyane provient en grande partie d'énergies renouvelables. La production hydroélectrique couvre plus de la moitié des besoins du territoire grâce au barrage de Petit-Saut, sur le fleuve Sinnamary, mis en service en 1994. La consommation électrique guyanaise, très dynamique, augmente d'environ 3,5 % par an. Il est donc nécessaire de poursuivre le développement des énergies renouvelables et les efforts en matière d'efficacité énergétique. Le développement de l'hydroélectricité, de la biomasse et de l'énergie solaire apporte une solution aux nouveaux besoins des Guyanais. Le territoire présente un potentiel hydroélectrique important sur les fleuves Mana à l'Ouest et Approuague à l'Est et sur quelques cours d'eau plus petits. L'idée d'un second grand barrage a fait l'objet de réflexions menées par le Conseil régional et EDF mais d'autres solutions sont possibles comme l'installation de plusieurs centrales au fil de l'eau.

Les solutions doivent être appréciées au regard des besoins en électricité du territoire et de leur nature, de pointe ou de base, mais aussi des impacts sur l'environnement qu'entraîne la création des barrages. Ces points devront être examinés par les acteurs de terrain dans le cadre de l'élaboration de la programmation pluriannuelle de l'énergie de Guyane. Mme la ministre a d'ores et déjà écrit au président du conseil régional et au préfet afin qu'ils entament cette élaboration sans attendre la promulgation de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte afin d'accélérer la mise en œuvre de la transition énergétique dans le territoire.

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Je prends acte de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Chacun aura compris que le temps ne joue pas en notre faveur. Il faut donc aller très vite. J'espère ainsi que les acteurs locaux de Guyane sauront mettre en œuvre le processus afin de trouver rapidement les réponses attendues par la population.

Données clés

Auteur : M. Gabriel Serville

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 avril 2015

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