emploi et activité
Question de :
M. Philippe Le Ray
Morbihan (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Philippe Le Ray attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par le milieu agricole dans le Morbihan. L'agriculture est l'un des poumons économiques du Morbihan, au niveau national le département est le premier en production de volailles de chair et en production de légumes industrie, c'est le deuxième en production d'œufs, le troisième en production de porcs ou encore le sixième en production de lait. C'est lui dire l'importance du Morbihan dans la carte agricole française. Aujourd'hui les agriculteurs de son département lui disent stop. Stop à l'accumulation des contraintes administratives et environnementales, stop aux normes françaises plus contraignantes dans tous les domaines que les normes édictées par l'Union européenne. Un exemple tout récent d'une nouvelle mesure coercitive : la création d'un régime d'autorisation-déclaration administrative pour tout changement dans la gestion des haies par l'exploitant. Alors que les agriculteurs du Morbihan ont fait d'importants efforts depuis plus de 10 ans pour maintenir et développer les haies, une fois de plus le Gouvernement leur impose des contraintes administratives. Les exploitants agricoles sont des chefs d'entreprise, avec des compétences pointues dans beaucoup de domaines. Ce sont des personnes responsables qui souhaitent que l'administration les accompagne dans le cadre de leur travail et non qu'elle ne fasse que les contrôler et les sanctionner. Ils veulent également que durant la période de mise en place de la nouvelle politique agricole commune, aucun contrôle ne soit effectué tant que les règles précises de mise en place de celles-ci ne soient clairement définies. Enfin, suite à la réforme territoriale, ils s'inquiètent de l'éventuel transfert de la compétence économique à la région. Ils ont le sentiment d'une perte de proximité, accentuée par le transfert de gestion des fonds européens au conseil régional. Les orientations agricoles du Conseil régional de Bretagne, uniquement en faveur du bio et des petites exploitations, vont encore accentuer le décrochage de l'agriculture bretonne. Il lui demande ainsi quelles réponses concrètes il pense pouvoir apporter afin de répondre aux inquiétudes légitimes des agriculteurs du Morbihan.
Réponse en séance, et publiée le 6 mai 2015
DIFFICULTÉS AGRICOLES DU MORBIHAN
M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour exposer sa question, n° 1023, relative aux difficultés agricoles du Morbihan.
M. Philippe Le Ray. Vous connaissez bien l'agriculture morbihanaise, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et vous savez qu'il s'agit d'un véritable poumon économique : le Morbihan est le premier département producteur de volailles, le deuxième pour les œufs, le premier pour les légumes industriels, le troisième pour le porc et le sixième pour le lait. C'est dire son importance dans la carte agricole française.
Or les agriculteurs morbihanais, que je rencontre régulièrement, disent aujourd'hui « stop », deux fois « stop » ! Ils n'en peuvent plus des contraintes administratives et environnementales. Le dernier exemple en date est la déclaration administrative des haies dans la déclaration PAC – politique agricole commune. Ils prennent cette nouveauté comme une provocation, d'autant qu'ils ont plutôt bien préservé leurs haies, notamment grâce à l'opération « Breizh Bocage » lancée il y a quelques années.
Contrairement à ce que l'on peut entendre, le sujet n'est pas qu'européen : il y a bien un problème franco-français. Le constat est hallucinant. Les règles de déclaration évoluent au jour le jour. Les modifications « tombent à petite dose », et les nouvelles contraintes peuvent entraîner des pertes d'aides atteignant 15 % par exploitation. C'est aussi une particularité du département du Morbihan, du fait de ses références historiques : ces pertes sont liées à la surface des haies devant être soustraites des surfaces éligibles.
Pis, vous demandez aux agriculteurs de dessiner leur assolement sur des cartes IGN et ce sont les services de l'État qui feront les calculs. Le trait de plume devra être très fin !
Évidemment, les risques d'erreur sont importants : pas de règles claires, approximations possibles, pertes de surface…
Monsieur le ministre, les agriculteurs morbihanais souhaitent que vous les rassuriez et que les éventuels contrôles, qui débuteraient dès août 2015, soient uniquement pédagogiques.
J'aimerais enfin que vous précisiez si les déclarations pour 2015 sont synonymes de sanctuarisation des haies, ce qui serait particulièrement pénalisant pour le Morbihan.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Cette question sur les surfaces bocagères et agricoles du Morbihan est à plusieurs entrées et j'ai du mal à discerner quelle en est la sortie.
Faut-il ou non conserver les haies ? D'après ce que je comprends, monsieur le député, vous souhaitez préserver le système bocager. Pour y parvenir, il faut s'efforcer d'intégrer les haies dans les bonnes pratiques agricoles et environnementales, de manière à les décompter dans les surfaces. Ainsi, les agriculteurs toucheront des aides pour tous les hectares, même s'il existe des haies. Est-ce bien l'objectif ?
M. Philippe Le Ray. Tout à fait.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Par ailleurs, les règles n'évoluent plus. Les déclarations sont en cours. Je sais bien que c'est un peu compliqué, mais nous sommes obligés de redéfinir la cartographie. Tout cela, me dira-t-on, est également la conséquence d'un débat au niveau européen. Je ne souhaite pas y revenir et rejeter la faute sur les autres. Toujours est-il que nous avons dû verser à l'Europe un apurement de 1,1 milliard d'euros au titre des aides versées antérieurement. Dès lors, nous sommes bien obligés d'apporter des corrections !
Il est cependant important de souligner que nous aiderons les agriculteurs dans cette démarche. Pour la première fois, l'État est à leurs côtés pour établir les déclarations. Notre objectif cardinal est de préserver le bocage et les haies, et, surtout, de permettre aux agriculteurs touchent leurs aides à la fin de l'année. Nous mettrons tout en œuvre pour y parvenir.
Du reste, comme le Premier ministre a annoncé au congrès de la FNSEA, nous devrons débloquer des avances dès septembre, afin que les agriculteurs ne perdent pas le bénéfice des avances habituelles dans cette phase de mise en œuvre de la nouvelle PAC.
J'ai souvent l'occasion de discuter de ces sujets avec les agriculteurs, notamment en Bretagne. La baisse des aides consécutive au passage des DPU – droits à paiement unique – aux DPB – droit à paiement de base – n'est pas de ma responsabilité. Le choix a été fait en 2003, lorsque l'on a abandonné les références historiques pour se diriger vers des références à l'hectare. Nous essayons d'en corriger les conséquences, notamment par le moyen des paiements redistributifs. Dans les départements bretons – Morbihan, Ille-et-Vilaine, Côtes-d'Armor, Finistère – et dans tout l'Ouest, on concentre ainsi plus d'aides sur les cinquante-deux premiers hectares. C'est un enjeu stratégique pour l'agriculture de notre grande région.
Je tiens donc à vous rassurer : les règles ne changent pas ; l'aide que nous apportons vise à réussir les déclarations ; surtout, l'objectif est d'assurer le versement des aides à la fin de l'année.
M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.
M. Philippe Le Ray. Tout en vous remerciant pour votre réponse, monsieur le ministre, je souhaite revenir sur deux points importants.
D'abord celui de la sanctuarisation. Comme nous tous, les agriculteurs sont d'accord pour protéger les haies. Par contre, ils souhaitent savoir si on va les sanctuariser en établissant des cartes très précises ou si l'on prévoit un décompte des surfaces qui leur laissera une certaine liberté.
Ensuite celui des paiements. Nous avons compris que ce seraient soit l'État, soit les banques qui feraient les avances, puisque les fonds européens ne seront versés qu'en fin d'année.
S'agissant des références historiques, sans doute conviendrait-il de rassurer les agriculteurs passés du statut d'EARL – exploitation agricole à responsabilité limitée – à celui de GAEC – groupement agricole d'exploitation en commun. Il s'agit d'une avancée, mais qui risque de bloquer les références historiques, ce qui pénaliserait les exploitants concernés.
Auteur : M. Philippe Le Ray
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 avril 2015