Question orale n° 1048 :
aménagement du littoral

14e Législature

Question de : M. Stéphane Travert
Manche (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Stéphane Travert interroge Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur l'insécurité juridique à laquelle sont confrontés les élus locaux des zones urbanisées littorales. Les territoires littoraux produisent des projets de développement agricole et économique visant à l'urbanisation des côtes et des communes littorales dans des conditions normales. Or, ces dernières années, les élus locaux doivent faire face à la montée du nombre de recours fondés sur une interprétation extensive de la loi littoral. De plus, ils rencontrent de réelles difficultés en matière d'urbanisation, notamment de communes littorales situées dans l'arrière-pays avec ce que l'on appelle les « dents creuses », mais aussi la question de la continuité des hameaux. Une circulaire est attendue depuis deux ans afin de résoudre ces difficultés. C'est pourquoi il l'interroge sur le contenu et la date de publication de cette circulaire qui permettra une application plus juste et cohérente de la loi en matière d'urbanisme littoral.

Réponse en séance, et publiée le 20 mai 2015

DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA LOI LITTORAL
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Travert, pour exposer sa question, n°  1048, relative aux difficultés d'application de la loi littoral.

M. Stéphane Travert. Madame la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, depuis quelques années, le département de la Manche et son littoral en particulier sont confrontés à de multiples défis pour accompagner et créer les conditions optimales de leur développement économique : préserver notre environnement et nos côtes tout en accompagnant les efforts et le travail des collectivités en matière de défense contre la mer, et développer l'emploi ainsi que le tourisme, donc l'attractivité de notre territoire.

Je souhaite vous faire part ici, madame la ministre, de l'inquiétude des élus du littoral sur les différences d'appréciation dont fait l'objet dans notre département l'application de la loi littoral de la part des services de l'État et de la direction départementale des territoires et de la mer – DDTM.

Je souhaite insister également sur les problématiques liées à la définition des hameaux et des villages, et sur le refus de toute densification des zones déjà urbanisées. Ces dernières années, nous avons dû faire face à de nombreux recours fondés sur une interprétation extensive de la loi littoral : des « recours abusifs » fondés sur des « garde-fous inimaginables ». « Il y a la loi, l'esprit de la loi, et l'ouverture d'esprit ».

Le bon sens, ici, doit prévaloir. Nous faisons face à une application hétérogène de la loi. Le degré de sévérité de son application, par le juge ou l'État, varie souvent d'un département à l'autre. Ainsi, dans la Manche, nous constatons une réelle différence par rapport à ce qui se passe chez nos voisins bretons. Les maires vivent aujourd'hui, pour toutes les décisions relevant de l'urbanisme, dans une forme d'insécurité juridique constante.

Nous sommes naturellement conscients des enjeux de la loi littoral et de sa nécessité, et je veux rappeler ici que la protection des espaces littoraux et des terres agricoles demeure un impératif. Mais l'application rigoriste de cette loi empêche la prise en compte des particularités locales propres à nos littoraux. Une lecture rigide pourrait, à terme, constituer un frein au développement démographique, touristique et économique des communes littorales et rétro-littorales concernées.

Madame la ministre, alors que les décrets d'application ne sont toujours pas parus, trente ans après l'adoption de la loi – mais, bien sûr, ce reproche ne vous est pas adressé – pouvez-vous nous dire quand sera publiée une circulaire qui donnerait aux élus un cadre fixe relatif à l'urbanisation des dents creuses, l'urbanisation des hameaux et le développement des arrière-pays des communes littorales ? Que pouvez-vous nous dire pour rassurer notre territoire, qui doit impérativement, dans les mois à venir, investir pour maintenir les services de proximité, les services publics et la qualité de vie attendus par nos concitoyens ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le député, la loi littoral est un point d'équilibre visant à concilier la préservation des espaces naturels et agricoles et la capacité des collectivités à répondre à la demande de logements et au développement d'activités économiques. Elle garantit notamment l'attractivité touristique de notre pays, même si je suis bien consciente de l'existence de difficultés d'application, que vous avez très justement évoquées dans votre question.

Les conditions d'aménagement des communes soumises à la loi littoral doivent être traduites dans les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et les PLU, les plans locaux d'urbanisme. Les services de l'État restent fortement mobilisés pour accompagner au mieux les élus dans l'application, parfois difficile, de la loi. Il ne s'agit pas d'imposer aux élus une certaine vision de la loi, mais bien de les informer et de les aider à optimiser l'aménagement de leur territoire en intégrant de nombreuses contraintes. Il s'agit en outre d'assurer la légalité des documents d'urbanisme, afin de limiter le nombre de recours contentieux dont vous faites état.

C'est aussi pour cela que les services de mon ministère ont engagé la refonte de la circulaire du 14 mars 2006 relative à l'application de la loi littoral. Le projet d'instruction, en cours de rédaction, insiste sur la nécessité d'intégrer les dispositions de la loi dans les documents d'urbanisme, gage de sécurité juridique. La circulaire sera complétée par des fiches techniques détaillant les principes essentiels de la loi en matière d'urbanisme ainsi que l'état du droit et de la jurisprudence applicables sur l'ensemble du territoire. Elle prévoit enfin l'organisation d'un « réseau littoral » qui regroupera l'ensemble des services de l'État concernés pour échanger sur l'application de la loi dans les territoires, anticiper les difficultés et formuler des solutions adaptées.

Il n'est en effet pas question pour moi de définir précisément au niveau national des notions faisant l'objet de traductions territorialisées, comme les « espaces proches du rivage », les « coupures d'urbanisation » ou encore les « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ». Il revient aux élus du littoral de préciser ces notions dans les SCOT et les PLU : c'est, je le répète, la meilleure garantie de la sécurité juridique des documents d'urbanisme et des autorisations de construire.

Il paraît ainsi particulièrement opportun de définir les hameaux dans les documents d'urbanisme et de les identifier dans les documents graphiques.

Je rappelle enfin que, si l'extension de l'urbanisation aux franges des hameaux existants n'est pas envisageable, il est en revanche possible d'autoriser des constructions nouvelles à l'intérieur des hameaux, dès lors que l'implantation de ces constructions ne remet pas en cause la taille relativement modeste de ces derniers et qu'ils ne constituent pas en réalité une zone d'urbanisation diffuse.

Cette instruction nécessite encore quelques mois de travail, compte tenu de la difficulté du sujet, dont vous êtes conscient, mais elle sera publiée d'ici le mois de septembre.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Travert

Type de question : Question orale

Rubrique : Mer et littoral

Ministère interrogé : Logement, égalité des territoires et ruralité

Ministère répondant : Logement, égalité des territoires et ruralité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 2015

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