Question orale n° 1058 :
ESAT

14e Législature

Question de : Mme Bérengère Poletti
Ardennes (1re circonscription) - Les Républicains

Mme Bérengère Poletti interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 mars 2015 qui assimile les personnes en ESAT à des travailleurs. Elle la prie de bien vouloir lui apporter des précisions sur les effets de cette décision pour ces travailleurs mais aussi pour les établissements et services. Aussi, elle voudrait connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre en la matière.

Réponse en séance, et publiée le 20 mai 2015

CONSÉQUENCES DE L'ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE DU 26 MARS 2015 ASSIMILANT LES PERSONNES EN ESAT À DES TRAVAILLEURS
Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour exposer sa question, n°  1058, relative aux conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 mars 2015 assimilant les personnes en ESAT à des travailleurs.

Mme Bérengère Poletti. Madame la secrétaire d'État, les travailleurs et encadrants des établissements et services d'aide par le travail, les ESAT, sont inquiets pour l'avenir. Dans le département des Ardennes où je suis élue, ils réalisent un travail reconnu de tous et sont partenaires des acteurs économiques. Les ESAT ont une double vocation, médico-sociale d'accompagnement des personnes handicapées à l'emploi en milieu protégé et économique de production de biens et services marchands. Ils accueillent des personnes handicapées à partir de l'âge de vingt ans, dont il a été reconnu qu'elles ne sont pas capables de travailler dans une entreprise ordinaire ou adaptée ni d'exercer une activité professionnelle indépendante. Il existe 1 349 ESAT en France répartis sur tout le territoire et proposant près de 120 000 places. L'âge moyen des travailleurs handicapés, actuellement de 38,3 ans, est en augmentation. L'allocation moyenne par travailleur handicapé s'élève à 12 800 euros, sans doute la moins élevée d'Europe. La dotation globale de fonctionnement s'élève à 1,468 million d'euros, à laquelle s'ajoute la garantie de rémunération des travailleurs handicapés qui s'élève à 1,277 million d'euros.

Les ESAT contribuent peu à la rémunération de leurs travailleurs. Or, depuis 2013, le nombre de places est figé et les dotations n'ont pas été revalorisées. Ce double constat a pour effet pervers d'inciter les ESAT à accueillir en priorité des travailleurs au handicap faible afin d'améliorer la productivité. Actuellement, 47 % des ESAT sont déficitaires et certains sont en dépôt de bilan.

À cette grave situation s'ajoute l'arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 26 mars 2015 assimilant les personnes en ESAT à des travailleurs ordinaires. Une telle assimilation aurait des conséquences sur les intéressés mais aussi sur les établissements et services en matière de recrutement, de protection, de coût et de budget. Cet arrêt, conjugué au rapport de la commission des finances du Sénat publié le 15 avril 2015 enjoignant les ESAT à faire évoluer leur modèle, crée une incertitude juridique et un émoi important, d'autant plus que le rapport sénatorial relève l'insuffisance du dialogue entre les ESAT et leur tutelle.

Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à la décision de justice européenne et au rapport sénatorial ? Surtout, comment le Gouvernement entend-il répondre aux inquiétudes des travailleurs et maintenir leur niveau de protection dans ce nouveau cadre juridique ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Vous avez parfaitement raison, madame la députée, de vous intéresser aux conséquences de l'arrêt Fenoll rendu le 26 mars 2015 par la Cour de Justice de l’Union européenne au sujet du régime juridique des ESAT et des droits des personnes qui y sont accueillies. Comme Mme la ministre de la santé et moi-même, vous aviez certainement été alertée il y a plusieurs mois sur ce point examiné par la CJUE. Par cet arrêt, celle-ci a estimé qu'un travailleur handicapé en ESAT doit être considéré comme un travailleur tel que l'entend le droit de l’Union européenne et bénéficier de l'ensemble des droits et garanties prévues par celui-ci comme n'importe quel travailleur de l’Union européenne. L'arrêt découle d'une question préjudicielle de la chambre sociale de la Cour de cassation posée dans le cadre d'un litige et n'a pas d'effet direct sur le règlement du litige dans le cadre duquel la Cour de cassation tirera au cours des mois à venir les conséquences de l'arrêt de la CJUE.

La décision de la Cour de cassation aura pour seul objet de régler le litige opposant le requérant au gestionnaire de l'établissement ou de renvoyer le règlement du litige au tribunal d'instance. Bien entendu, Mme la ministre des affaires sociales et moi-même suivrons attentivement le dénouement de cette affaire, en collaboration étroite avec le ministère du travail et sous l'égide du Secrétariat général aux affaires européennes. Nous avons d'ores et déjà chargé un groupe de travail commun aux différentes administrations d'analyser les conséquences de l'arrêt de la CJUE et surtout de déterminer si les droits des travailleurs prévus par le droit européen sont bien respectés par les règles nationales appliquées dans les ESAT. Il s'agit de savoir s'il existe des différences entre le droit du travail européen et le droit actuellement en vigueur dans les ESAT. Nous pourrons alors tirer toutes les conséquences de l'arrêt sans exclure une évolution de notre droit national.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d'avoir répondu en personne à la question. En effet, nous n'avons, hélas, pas toujours la possibilité de discuter directement avec le ministre chargé du problème qu'on est amené à soulever. Je suis évidemment attentive aux propositions et aux réponses que vous avez formulées au sujet de l'arrêt de la CJUE. Il serait intéressant de savoir quand seront achevés les travaux que vous avez évoqués afin que des solutions soient envisagées. Peut-être faudrait-il aussi prendre en compte l'environnement général des ESAT, les politiques de soutien mises en place au niveau national et les inquiétudes qu'elles suscitent en général, car ceux qui y travaillent sont inquiets au sujet du nombre de places et des dotations.

Données clés

Auteur : Mme Bérengère Poletti

Type de question : Question orale

Rubrique : Handicapés

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 2015

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