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Question de :
M. Philippe Vitel
Var (2e circonscription) - Les Républicains
M. Philippe Vitel attire l'attention de M. le ministre de la défense. À la suite des attentats des 7 et 9 janvier derniers le plan Vigipirate a été élevé au niveau "Alerte attentat". Le 12 janvier a été lancée l'opération "Sentinelle" avec 10 500 militaires déployés sur le territoire national pour protéger 830 sites sensibles. Opération que vous avez qualifiée d'opération militaire intérieure. Pour l'heure, deux niveaux d'alertes sont maintenus "alerte attentats" pour l'Ile de France et les Alpes- Maritimes et "vigilance renforcée" pour le reste de la France, ce dispositif qui avait été étendu jusqu'au 10 avril sera prolongé aussi longtemps que nécessaire selon les services du Premier ministre. Les missions confiées à nos soldats, quelle que soit leur arme d'appartenance-militaires des armées de terre, de l'air, de la marine, de la gendarmerie et exceptionnellement des polices nationale et municipale-correspondent à des "actions de feu ou de combat" telles que définies par l'arrêté n° 80066/DEF/DAJ/D2P/EGL du 10 décembre 2010. Il souhaiterait savoir quelles sont les mesures que compte prendre le Gouvernement afin de reconnaitre les risques pris par ces soldats dans l'accomplissement de leurs missions sur le sol national qualifiées d'opération militaire intérieure et de ce fait leur attribuer la "carte du combattant" dans les mêmes conditions que celles retenues pour les opérations extérieures.
Réponse en séance, et publiée le 20 mai 2015
RECONNAISSANCE DES RISQUES PRIS PAR LES SOLDATS PARTICIPANT À L'OPÉRATION « SENTINELLE ».
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, pour exposer sa question, n° 1064, relative à la reconnaissance des risques pris par les soldats participant à l'opération « Sentinelle ».
M. Philippe Vitel. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense. À la suite des attentats des 7 et 9 janvier derniers, le plan vigipirate a été élevé au niveau « alerte attentat ». Le 12 janvier a été lancée l'opération Sentinelle et 10 500 militaires ont été déployés sur le territoire national pour protéger 830 sites sensibles. C'est la première fois depuis la Seconde guerre mondiale que plus de militaires sont déployés en France qu'en opérations extérieures – OPEX. Cette opération a été qualifiée d'opération militaire intérieure par Jean-Yves Le Drian lui-même, le 22 janvier, devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale.
Pour l'heure, deux niveaux d'alertes sont maintenus : « alerte attentat » pour l'Île-de-France et les Alpes-Maritimes, et « vigilance renforcée » pour le reste de la France. Ce dispositif, prévu dans un premier temps jusqu'au 10 avril, sera prolongé aussi longtemps que nécessaire selon Matignon et l'Élysée. Ainsi, le Conseil de défense du 29 avril a stabilisé à 7 000 le nombre de militaires déployés, sans limite de dates.
Les missions confiées à nos soldats, quelle que soit leur arme d'appartenance, qu'ils soient des militaires des armées de terre, de l'air, de la marine ou de la gendarmerie, correspondent à des actions de feu ou de combat telles que définies par l'arrêté no 80066/DEF/DAJ/D2P/EGL du 10 décembre 2010. Le 3 février, deux militaires du 54e régiment d'artillerie d’Hyères, dans le Var, étaient sérieusement blessés devant un lieu de culte israélite à Nice. Au 13 février, alors que 10 412 militaires étaient déployés, on avait déjà recensé 371 incidents, dont 14 agressions graves.
Monsieur le secrétaire d’État, les risques sont donc potentiellement aussi importants en « Sentinelle » qu'en OPEX : les militaires sont des cibles en France, partout où ils sont en faction statique. Pourtant, ils ne semblent pas avoir les mêmes avantages. Par exemple, l'indemnité de 34 euros versée aux engagés volontaires de l'armée de terre est fiscalisée, contrairement à l'indemnité de sujétion spéciale à l'étranger des OPEX, qui est légitimement dispensée de tout impôt.
Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le secrétaire d’État, afin de reconnaître les risques pris par ces soldats dans l'accomplissement de leurs missions sur le sol national, qualifiées d'opérations militaires intérieures ? Et, de ce fait, pensez-vous leur attribuer la carte du combattant dans les mêmes conditions que celles prévalant pour les opérations extérieures ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le député, vous souhaitez voir attribuée la carte du combattant aux militaires de l'opération militaire Sentinelle, mise en place sur le territoire national depuis le 12 janvier dernier, par assimilation avec les conditions retenues pour les opérations extérieures, les OPEX.
La reconnaissance de la qualité de combattant résulte des articles L. 253 et suivants et R. 224 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Ont ainsi vocation à se voir reconnaître la qualité de combattant, et donc à se voir attribuer la carte du combattant, s'agissant des OPEX, les militaires des forces armées françaises qui ont participé, au sein d'unités, à des conflits armés ou à des missions menées conformément aux obligations et aux engagements internationaux de la France.
Les opérations effectuées sur le territoire national n'entrent donc pas dans ce cadre légal et nécessiteraient, par conséquent, une modification de ces dispositions.
Au-delà des procédures juridiques, il convient de s'interroger sur le fondement qui justifierait l'assimilation pure et simple des opérations de type Sentinelle à des OPEX.
Potentiellement périlleuses, vous l'avez dit, les opérations conduites dans le cadre de Sentinelle ne paraissent néanmoins pas assimilables aux OPEX qui se déroulent sur des périodes de plusieurs mois, dans un contexte de violence généralisée et une hostilité ambiante. Elles le sont encore moins aux conflits traditionnels.
L'ouverture du droit à l'attribution de la carte du combattant aux militaires participant à Sentinelle ne manquerait pas de poser la question de l'égalité de traitement des militaires dans le temps. Ainsi, ceux qui ont participé aux événements violents en Nouvelle-Calédonie à Ouvéa au printemps 1988, ou ceux qui ont participé à des opérations de sécurité lors de prises d'otages sur le territoire national, n'ont jamais obtenu ce titre.
Une telle évolution poserait également la question de son éventuelle extension aux forces de police, tant pour le présent que pour le passé. Enfin, autre élément qui ne milite pas en faveur de la mesure que vous proposez : les conséquences financières attachées à la détention de la carte du combattant - même si elles n'ont pas, à ce jour, été évaluées.
Il convient de rappeler que ce titre ouvre droit au bénéfice de la retraite du combattant à l'âge de 65 ans, à la souscription d'une retraite mutualiste du combattant avec majoration de l'État, à une demi-part fiscale supplémentaire dans la déclaration de revenus à compter de l'âge de 75 ans, ainsi, naturellement qu'au bénéfice de l'action sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, puisque les militaires concernés deviendraient ressortissants de cet établissement public.
Si l'attribution de la carte du combattant ne paraît donc pas adaptée aux opérations de type Sentinelle, leur spécificité et leur impact méritent qu'une reconnaissance particulière accompagne cette mission de protection militaire du territoire national. Une réflexion est actuellement en cours pour marquer la reconnaissance de la nation à l'engagement spécifique des armées dans cette mission de protection renforcée qui se déploie, non sur un théâtre extérieur, mais sur notre propre territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.
M. Philippe Vitel. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions. Il faut aujourd'hui, effectivement, tenir compte de l'évolution des crises et des menaces, ainsi que des moyens dont nous disposons pour y répondre. Vous avez évoqué une réflexion : je souhaiterais que la représentation nationale y soit associée.
Auteur : M. Philippe Vitel
Type de question : Question orale
Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre
Ministère interrogé : Défense
Ministère répondant : Défense
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 2015