lieux de mémoire
Question de :
M. Julien Aubert
Vaucluse (5e circonscription) - Les Républicains
M. Julien Aubert appelle l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire sur l'entretien et les dégradations des cimetières français à l'étranger. Au lendemain des cérémonies du 8 mai, la question de l'entretien et des dégradations des cimetières français à l'étranger est oubliée par le Président de la République. Or les soldats morts pour la France et enterrés sur les lieux de leur décès méritent qu'on les honore dignement et qu'ils ne soient pas oubliés par les pouvoirs publics. On peut ainsi citer l'exemple des cimetières français d'Algérie, dont les croix qui ornaient les tombes ont été remplacées par des blocs, ce qui va à l'encontre des croyances des personnes décédées et remet en question l'héritage judéo-chrétien. On peut aussi citer l'absence de représentants officiels français à la commémoration de la bataille de Dien Bien Phu l'an dernier. Par conséquent, il lui demande de lui indiquer ce que le Gouvernement entend faire afin d'honorer les morts comme il se doit et respecter le devoir de mémoire que la nation doit leur accorder.
Réponse en séance, et publiée le 3 juin 2015
ENTRETIEN DES CIMETIÈRES FRANÇAIS À L'ÉTRANGER
M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour exposer sa question, n° 1085, relative à l'entretien des cimetières Français à l'étranger.
M. Julien Aubert. Monsieur le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire, je souhaite appeler votre attention sur l'entretien des cimetières français à l'étranger et les dégradations qu'ils subissent. Si nous avons recensé récemment certaines profanations de cimetières sur le territoire français, l'actualité n'a pas laissé beaucoup de place aux problèmes qui se posent en dehors de nos frontières. Au lendemain des cérémonies du 8 mai, la question de l'entretien et des dégradations des cimetières français à l'étranger est quelque peu oubliée par le Président de la République. Il va sans dire que les soldats morts pour la France et enterrés sur les lieux de leur décès méritent qu'on les honore dignement et que les pouvoirs publics ne les oublient pas.
Permettez-moi de citer deux cas particuliers. Dans les cimetières français d'Algérie, et plus particulièrement dans celui de Mers el-Kébir, les croix qui ornaient les tombes ont été dégradées : le gouvernement les a remplacées par des blocs, ce qui, selon moi, va à l'encontre des croyances des personnes décédées et remet quelque peu en cause notre héritage judéo-chrétien. Dans le même registre, on peut déplorer l'absence de représentants officiels français à la commémoration de la bataille de Diên Biên Phu l'an dernier, alors qu'il s'agissait d'un anniversaire particulièrement important. Cette absence a été remarquée, notamment par les familles qui s'étaient déplacées.
Par conséquent, j'aimerais vous demander ce que le Gouvernement entend faire afin d'honorer nos morts comme il se doit et de respecter ainsi le devoir de mémoire que la nation doit leur accorder au nom du sang versé pour elle.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le député, l'entretien des sépultures des soldats morts pour la France est une préoccupation permanente du secrétariat d'État dont j'ai la charge. Depuis plusieurs années, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives – DMPA – a entrepris un programme de rénovation des cimetières militaires français à l'étranger. Pour ce faire, elle s'appuie sur les postes diplomatiques – ambassades et consulats – dans quarante-trois pays. En 2014, la DMPA a consacré 2,6 millions d'euros à l'entretien courant des cimetières où reposent 190 000 Français. Depuis 2012, plus de 7 millions d'euros ont permis l'entretien, la rénovation et la valorisation de l'ensemble des sites.
La mobilisation de l'État garantit la dignité de ceux qui sont tombés pour la France. Elle permet aussi de perpétuer leur souvenir, afin que personne ne soit oublié, et répond au souci de transmettre toutes les mémoires, dans leur pluralité, aux jeunes générations. C'est ce que j'ai pu mesurer lors de mes déplacements en Macédoine, à Skopje et Bitola, dont les cimetières français ont fait l'objet d'une rénovation complète pour un coût de près de 410 000 euros, en Grèce, à Thessalonique, où le site de Zeitenlick a été entièrement restauré pour un coût total de 700 000 euros et où un espace muséal a été créé.
Vous m'interrogez plus particulièrement sur les cimetières français d'Algérie. Encore une fois, je veux redire la mobilisation totale des services de l'État, que j'ai pu constater lors de ma visite en avril dernier, en étroite collaboration avec l'État algérien. À Mers el-Kébir, par exemple, le cimetière a été entièrement rénové et l'ossuaire reconstruit. Sur les tombes, les croix ont été remplacées par des stèles en forme de pupitres. Mais là aussi, il faut raison garder : ce modèle de stèle n'est pas une innovation sur les tombes militaires françaises. Il est en vigueur notamment dans les cimetières nationaux de Luynes, dans les Bouches-du-Rhône, de Boulouris, dans le Var, ainsi que dans les cimetières militaires français de Beyrouth, au Liban, et dans le carré français du cimetière militaire international de Pusan, en Corée. Sur chaque stèle est fixée une plaque nominative. Y est également gravé un symbole religieux représentant l'appartenance confessionnelle du disparu lorsque celle-ci est connue. Je pourrais aussi vous rappeler que sur le site de Petit Lac, à Oran, des croix coexistent avec les symboles israélites et musulmans.
Vous le voyez bien, monsieur le député, tous les héritages sont respectés, notamment en Algérie, pour que ces mémoires demeurent vivantes et apaisées.
M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Merci, monsieur le secrétaire d'État, de votre intervention qui n'a couvert que 50 % de ma question, puisque vous n'avez pas répondu au sujet de Diên Biên Phu.
S'agissant des cimetières français en Algérie, j'entends bien ce que vous dites. Cependant, vous n'avez pas expliqué pourquoi, suite à une profanation ou à des dégradations, la décision avait été prise de remplacer des croix par ce que vous appelez des pupitres, qui sont en réalité de petits cubes bétonnés. Cela témoigne aussi d'une forme de capitulation, parfois, devant notre incapacité à protéger ou à faire respecter nos cimetières à l'étranger – c'est d'ailleurs aussi quelquefois le cas sur le territoire national.
J'entends bien ce que vous dites à propos des crédits débloqués. Je vous félicite évidemment de mener cette action, mais j'appelle votre attention sur le fait que, dans ma circonscription, j'ai été sollicité par des associations qui essaient de lever des fonds pour venir en aide à ces cimetières. Cela montre bien qu'il y a aujourd'hui, du point de vue de la société civile, une insuffisance de crédits. Une prise de contact avec le Souvenir français ou d'autres associations permettrait peut-être de faire converger vos diagnostics et d'améliorer ainsi l'entretien de nos cimetières à l'étranger.
Auteur : M. Julien Aubert
Type de question : Question orale
Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre
Ministère interrogé : Anciens combattants et mémoire
Ministère répondant : Anciens combattants et mémoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2015