Question orale n° 110 :
établissements

14e Législature

Question de : M. Hervé Pellois
Morbihan (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Pellois attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur l'offre d'enseignement public du second degré proposé sur chaque territoire. Entre la refondation de l'école, les nouvelles créations de postes au sein de l'éducation nationale, l'augmentation des crédits budgétaires, le Gouvernement entend agir sur tous les fronts. Plus qu'une priorité, l'éducation est sa priorité, et il l'en félicite. L'élaboration d'une nouvelle carte scolaire est aujourd'hui évoquée afin de rétablir la mixité sociale dans les établissements. Ces dernières années, il est vrai que sa suppression, conjuguée à l'augmentation des enseignements optionnels ont encore creusé les inégalités sociales, les choix n'étant pas appréhendés de la même façon selon les milieux sociaux et culturels. Outre la refonte de la carte scolaire, que bon nombre de députés souhaitent ardemment, il importe de porter une grande attention à l'offre d'enseignement public proposé sur chaque territoire. Son intervention ne cherche aucunement à déclencher une nouvelle guerre scolaire. Il souhaite préparer l'avenir. Cet avenir passe par une véritable filière de service public d'éducation de la maternelle au lycée. Le manque de collèges publics dans certains secteurs contraint les familles à s'orienter vers un établissement privé. Les parents veulent éviter des trajets, source de fatigue à leur enfant, ce qui est naturel. Mais cette orientation basée sur ce critère est regrettable. Le libre choix entre l'école publique ou privée pour toutes les familles est la « clef de voûte » d'un système éducatif moderne. Or les conditions d'un choix réel ne sont pas réunies sur plusieurs sites du territoire. Le département du Morbihan compte 43 collèges publics et 47 collèges privés. Un seul collège public a été inauguré en vingt-cinq ans. Guidel et Saint-Avé restent les deux seules villes françaises de plus de 10 000 habitants sans collège public. Il rencontre régulièrement des parents qui lui disent inscrire leurs enfants dans un collège privé pour des raisons de proximité et de praticité. La plupart des collèges morbihannais ont été construits il y a plusieurs décennies. Le choix de leur localisation et du dimensionnement des bâtiments a été effectué pour satisfaire les besoins des années 1960. Les évolutions de population au sein d'un territoire peuvent être extrêmement rapides. La problématique scolaire doit être vue de manière transversale, globale et prospective pour que l'intérêt de l'enfant soit, et demeure, au cœur de tous les choix qui seront faits. La localisation des collèges publics et la sectorisation scolaire constituent en soi des enjeux économiques et sociaux, par leur intégration à des quartiers, des communes, des aires urbaines. Le conseil général doit continuellement veiller à équilibrer les effectifs en fonction de la capacité d'accueil des collèges, à favoriser la mixité sociale au sein des établissements et à rationaliser les circuits de transport scolaire d'aujourd'hui, mais aussi de demain. Il doit prendre ses décisions en concertation avec un conseil départemental de l'éducation nationale renforcé. L'héritage ne doit pas être incompatible avec la liberté de choix scolaire. L'histoire de la région ne peut justifier les déséquilibres. Dans l'académie de Rennes, plus de 40 % des élèves sont scolarisés dans le privé. Ce taux monte à 49 % dans le Morbihan ! 25 % des communes morbihannaises ne comptent qu'une école, l'école privée. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'éducation, l'éducation est un service public national, dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'État, sous réserve des compétences attribuées par la loi aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public. Chaque commune a, en matière d'instruction, et d'organisation de l'enseignement public des obligations constitutionnelles. L'article L. 212-2 du code de l'éducation prévoit que « toute commune doit être pourvue au moins d'une école élémentaire publique », pour peu qu'elle puisse réunir « au moins quinze enfants d'âge scolaire ». Sachant que la scolarisation est obligatoire jusqu'à seize ans, il souhaite lui poser une question : à l'instar des communes, ne serait-il pas envisageable d'étendre cette obligation aux départements, collectivités chargées des collèges ? Un seuil minimum pourrait ainsi être fixé. Par exemple, mais ce n'est qu'un exemple : « le conseil général doit pourvoir d'un collège public toute commune de plus de 10 000 habitants ou de plus de 400 enfants en âge d'aller au collège ». Aujourd'hui, en cas de refus de pourvoir à une organisation convenable d'offre scolaire publique, l'État peut intervenir « exceptionnellement ». Cela est insuffisant, d'autant que le terme « convenable » est sujet à interprétation. Cette disposition est, dans les faits, inopérante d'où sa proposition. Cette mesure permettra de garantir l'égal accès de l'enfant à l'instruction, principe constitutionnel.

Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2013

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES COLLÈGES PUBLICS

M. le président. La parole est à Hervé Pellois, pour exposer sa question, n° 110, relative à la répartition géographique des collèges publics.
M. Hervé Pellois. Monsieur le ministre, ma question s'inscrit dans le processus de refondation de l'école que vous avez engagé avec courage et détermination. Le libre choix de l'école pour toutes les familles est la clé de voûte de notre système éducatif. Or les conditions d'un choix réel ne sont, hélas, pas toujours réunies. Je prendrai l'exemple du Morbihan, où deux villes de plus de 10 000 habitants, Saint-Avé et Guidel, n'ont pas de collège public, malgré les demandes répétées des élus, des parents et des syndicats d'enseignants. Est-il normal que les deux exceptions françaises soient situées dans un même département ?
Je rencontre régulièrement des parents qui me disent inscrire leurs enfants dans un collège privé pour des raisons pratiques de proximité, même si cela est contraire à leurs convictions laïques. Sachant que la scolarisation est obligatoire jusqu'à seize ans, une question me vient à l'esprit, monsieur le ministre. À l'instar des communes qui ont l'obligation de répondre à la demande des parents dès lors que 15 enfants d'âge scolaire désirent s'inscrire à une école publique locale, ne serait-il pas envisageable d'étendre cette obligation aux départements, collectivité chargée des collèges ? Un seuil minimum pourrait être fixé : par exemple, le conseil général devrait pourvoir d'un collège public toute commune de plus de 10 000 habitants ou ayant plus de 400 enfants en âge d'aller au collège.
À l'heure actuelle, en cas de refus par le département, l'État peut intervenir exceptionnellement. Dans les faits, cette disposition est inopérante : elle n'a même pas été utilisée dans mon département alors que le Conseil départemental de l'Éducation nationale avait choisi à l'unanimité Saint-Avé pour recevoir le dernier équipement public, le département ayant préféré l'implanter dans une commune voisine de 4 000 habitants. Cette mesure nous permettra, monsieur le ministre, de garantir l'égal accès des enfants à l'instruction. Je rappelle que ce principe a une valeur constitutionnelle. Cette mesure confortera enfin les conseils école-collège que vous voulez mettre en place.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député Hervé Pellois, comme vous avez eu la gentillesse de le dire, nous agissons sur tous les fronts pour redresser l'école, qui a été fort malmenée par la politique de nos prédécesseurs. Nous essayons de tracer une perspective, nous donnons des moyens et nous entamons des réformes pédagogiques. Un plan d'urgence a d'ailleurs été déployé dès la rentrée 2012 pour répondre aux difficultés les plus criantes. J'ai présenté au Conseil des ministres un projet de loi de programmation et de refondation de l'école de la République, dont le Parlement débattra bientôt. Nous envisageons, comme vous le savez, la création de milliers d'emplois, en particulier dans l'enseignement primaire. Nous menons actuellement un travail difficile pour recruter des enseignants.
Vous m'avez interpellé sur la situation du département du Morbihan. Au-delà du cas d'espèce, il s'agit d'un problème de principe ; en tout cas, c'est ainsi que je veux l'entendre. Vous le savez, je suis très attaché à l'enseignement public. Je ne veux pas opposer l'enseignement public et l'enseignement privé ; je veille à ne pas opposer les enfants de France, mais plutôt à rebâtir entre eux quelque chose de commun. Néanmoins, le droit des parents à faire éduquer leurs enfants dans le service public de l'éducation doit être respecté.
Pour ce qui concerne la situation locale que vous me signalez, le Conseil général du Morbihan a décidé en septembre 2005 de construire un nouveau collège public dans le secteur nord de Vannes en se fixant deux objectifs principaux. D'abord, atteindre une taille d'établissement conforme aux normes préconisées par le ministère de l'éducation nationale, soit entre 400 et 800 places. Ensuite, réduire le décalage constaté dans le secteur entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Le choix s'est porté sur la ville de Plescop. Deux raisons principales ont motivé ce choix : d'abord, la nécessité de recruter les élèves sur un bassin de population allant de Grand-Champ aux portes de Vannes et de Mériadec jusqu'à Saint-Avé. De ce point de vue, le collège de Plescop s'est avéré un outil efficace d'aménagement du territoire. Ensuite, cet établissement devait permettre, à terme, de scolariser dans le public environ 270 élèves jusqu'alors inscrits dans le privé : cela répond à une de vos préoccupations. Ce collège a ouvert ses portes en septembre dernier et dispose d'une capacité d'accueil de 500 élèves.
D'autres possibilités, à Meucon, Grand-Champ, Elven et Saint-Avé ont été envisagées. Elles présentaient toutes un certain nombre d'inconvénients. C'est pour cela que la commune de Plescop a été retenue, ce qui ne semble pas vous donner pleine satisfaction. En réfléchissant au problème que vous soulevez, j'ai demandé à mes services, en particulier à la direction des affaires juridiques, d'examiner la possibilité de faire évoluer la législation, et de créer le droit que vous demandez. J'espère obtenir une réponse à temps pour le débat parlementaire sur la loi d'orientation sur l'école, pour voir si nous pouvons améliorer ce qui, de fait, est une exception.
M. le président. La parole est à M. Hervé Pellois.
M. Hervé Pellois. Monsieur le ministre, je comprends votre réponse : ce sont les arguments qui ont été avancés par le conseil général. Je souhaite tout de même vous indiquer qu'au cours de mes trente années de vie politique, en tant qu'élu municipal de Saint-Avé, j'ai dû signer le permis de construire d'un collège privé, alors même que nous demandions un collège public. J'ai ensuite signé une autorisation d'extension de ce collège privé, puisque le nombre de places n'était plus satisfaisant. À l'inverse, le Conseil général a refusé de donner à ma commune les moyens normaux de l'enseignement public. Je ne reprendrai pas tous les arguments sur la mobilité des enfants, la cohérence du projet éducatif avec la vie associative locale et la vie quotidienne de nos élèves. Il est vrai néanmoins que les élèves de notre commune qui se rendent à Vannes prennent le car à 7 h 32 le matin, alors que ceux qui sont scolarisés dans le privé arrivent au collège à 8 h 45. Vous ferez vous-même le constat de cet échec.

Données clés

Auteur : M. Hervé Pellois

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement secondaire

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2013

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