établissements pénitentiaires pour mineurs
Question de :
M. Laurent Degallaix
Nord (21e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
M. Laurent Degallaix attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation de l'établissement pour mineurs de Quiévrechain. Les graves difficultés auxquelles les agents pénitenciers font face nécessitent qu'une réponse tangible leur soit apportée rapidement. Le nombre de détenus à l'EPM a fortement augmenté suite à la fermeture de la section « mineurs » de la prison voisine de Sequedin, près de Lille ; cette nouvelle affluence a gravement dégradé les conditions de détention puisqu'elle n'a aucunement été accompagnée en termes de personnel et d'équipement. Les effectifs de sécurité et de surveillance sont restés les mêmes et les moyens de sécurité n'ont connu aucune amélioration. En effet les systèmes de communication interne sont obsolètes - il n'est plus possible de réparer ou d'échanger le matériel défectueux parce que l'entreprise qui fabriquait les appareils n'existe plus - et le personnel, qui n'est pas équipé d'alarmes portatives, ne peut déclencher d'alerte en cas d'agression que par le biais d'alarmes fixes. Quant au périmètre de sécurité, il est inadapté et les équipements de sécurité n'empêchent aucunement l'introduction d'objets parfois dangereux (téléphones, armes, substances illicites) dans l'enceinte de la prison et dans les cellules. Les abords de la prison, qui ne sont pas sécurisés, sont régulièrement occupés par des membres des réseaux criminels lillois qui accompagnent les détenus transférés et leur transmettent par-dessus les grilles objets et messages au détriment de la sécurité de la prison comme des riverains. En l'absence de réaction, il craint que le mouvement ne prenne de l'ampleur et empêche la bonne marche de l'établissement. Il nourrit, de plus, les plus grandes inquiétudes pour la sécurité des gardiens, qui subissent régulièrement des agressions de plus en plus violentes et doivent faire face à une insécurité grandissante. L'agression d'une gardienne par deux détenues mineure, ainsi que l'incendie qui s'est déclaré dans la prison en avril dernier, causant des dommages corporels à un détenu et à un agent pénitencier en sont des preuves supplémentaires. Face à l'urgence de la situation, il lui demande de bien vouloir mettre en place les mesures nécessaires à la sécurisation de l'EPM et de ses agents.
Réponse en séance, et publiée le 17 juin 2015
SITUATION DE L'ÉTABLISSEMENT POUR MINEURS DE QUIÉVRECHAIN
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer la question n° 1130 de M. Laurent Degallaix, relative à la situation de l'établissement pour mineurs de Quiévrechain.
M. Stéphane Demilly. La question de Laurent Degallaix s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice et concerne la situation, particulièrement grave, de l'établissement pour mineurs de Quiévrechain. Après avoir alerté à plusieurs reprises Mme la garde des sceaux sur les nombreuses difficultés auxquelles les agents pénitenciers doivent faire face, mon collègue souhaite qu'une réponse leur soit enfin apportée.
Le nombre de détenus au sein de cet établissement a fortement augmenté à la suite de la fermeture du quartier pour mineurs de la prison voisine de Sequedin, à côté de Lille. Du fait de cette nouvelle affluence, les conditions de détention se sont dégradées mais les effectifs n'ont pas été renforcés et les moyens de sécurité dont disposent les agents n'ont été ni modernisés ni adaptés.
M. Degallaix est allé à la rencontre des gardiens de prison de l'EPM de Quiévrechain et a ainsi pu mesurer toutes les difficultés auxquelles ils doivent faire face. Les systèmes de communication interne sont obsolètes et il est devenu difficile de donner l'alerte en cas d'agression ou d'évasion. De surcroît, l'entreprise qui fabriquait les appareils a disparu et aucun matériel n'a pu être réparé ou échangé depuis très longtemps. Enfin, le personnel n'est pas équipé d'alarmes portatives. Il faut ajouter à tout cela que le périmètre de sécurité est particulièrement inadapté : il n'y a ni mirador ni caillebotis aux fenêtres pour empêcher l'introduction d'objets dans les cellules.
Les agents pénitenciers se sont déjà mobilisés à plusieurs reprises pour attirer l'attention de l'administration, sans succès. Madame la secrétaire d’État, si aucune réponse n'est apportée à ces inquiétudes, le mouvement pourrait prendre de l'ampleur et empêcher la bonne marche de l'établissement. Pis : de nouvelles agressions contre le personnel ou de nouveaux incidents pourraient être déplorés, alors qu'en février deux gardiennes ont été agressées par une détenue et qu'en avril, un incendie a causé des blessures à un détenu et un agent pénitencier.
Je demande donc à Mme la garde des sceaux de bien vouloir mettre en place les mesures nécessaires à la sécurisation de l'établissement et surtout de ses agents.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, vous interpellez la garde des sceaux sur la situation de l'établissement pénitentiaire pour mineurs de Quiévrechain, dont les difficultés sont bien connues par les services du ministère de la justice.
Ce type d'établissements a été créé essentiellement pour assurer une prise en charge éducative. L'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse assurent conjointement la prise en charge globale des mineurs, avec un taux d'encadrement beaucoup plus élevé que pour les majeurs. La collaboration des personnels se concrétise par l'instauration d'un binôme éducateur-surveillant qui assure la prise en charge quotidienne des mineurs par petits groupes.
Le choix, dans la mesure du possible, de privilégier la sécurité active plutôt que des équipements passifs est une orientation nationale depuis la création des EPM. Des travaux de sécurisation ont toutefois été réalisés depuis l'ouverture de l'établissement que vous évoquez en 2007, tels que l'installation de barreaudages aux fenêtres de l'étage du côté du mur d'enceinte et la réalisation d'une clôture avec portail, portillon et vidéosurveillance. Je veux aussi souligner que, en novembre dernier, des pointes en acier ont été posées sur toutes les toitures des bâtiments d'hébergement afin d'entraver le phénomène de projections d'objets par-dessus les toits.
Certains appareils émetteurs-récepteurs, effectivement, ne fonctionnent pas correctement, ce qui justifie le renouvellement du parc. D'un coût élevé, le remplacement de ces appareils est une priorité de la direction interrégionale de Lille, qui est particulièrement attentive à la situation.
Par ailleurs, vous indiquez que le nombre de personnes détenues à l'EPM a fortement augmenté à la suite de la fermeture du quartier pour mineurs du centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin. C'est étonnant, puisque l'EPM de Quiévrechain a ouvert de manière concomitante avec la fermeture du quartier pour mineurs de Sequedin. En outre, l'établissement n'est actuellement pas totalement occupé. D'une capacité opérationnelle de soixante places, son taux d'occupation était de 83 % au 1er janvier 2013, 68 % au 1er janvier 2014 et 70 % au 1er janvier 2015.
Concernant les actes de violences et les incivilités, l'établissement a signalé huit agressions physiques graves à rencontre du personnel en 2014 et cinq depuis le début de l'année 2015. Chaque semaine se tiennent deux commissions de discipline, et une trentaine de dossiers y sont examinés. Quelle que soit l'importance des actes commis, l'équipe de direction en est immédiatement avisée afin qu'aucun d'entre eux ne soit banalisé. En outre, afin d'avoir une prise en charge adaptée, notamment de jeunes pouvant être amenés à mettre en danger la collectivité, des régimes différents de règles de vie sont mis en place selon les unités, ce sur quoi la ministre a été interrogée par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté en 2013.
Vous avez évoqué l'incendie provoqué en avril dernier par deux jeunes qui avaient mis le feu à leur poubelle et à leurs vêtements : fort heureusement, l'intervention rapide et professionnelle des agents et des pompiers a permis de le circonscrire et d'éviter que quiconque ne soit blessé.
Pour ce qui concerne les effectifs en personnels de surveillance, l'EPM de Quiévrechain comptabilise 51,2 surveillants pour une référence établie à 54, soit un taux de couverture de près de 95 %. Un poste a été publié au profit de cet établissement à la commission administrative paritaire qui se déroulera du 22 au 26 juin 2015, pour une prise de fonction fixée au 14 décembre 2015.
Comme vous le savez, pour combler les vacances de poste dans les établissements pénitentiaires, la ministre de la justice a obtenu en juillet dernier le recrutement exceptionnel de 534 personnes d'ici à 2017. Ainsi, la dernière promotion de surveillants qui vient d'achever sa formation comportait 777 élèves, ce qui est exceptionnel pour l'École nationale d'administration pénitentiaire.
Je vous remercie de porter une telle attention au travail difficile des agents pénitentiaires et à cet établissement particulier, puisqu'il s'agit de mineurs, qui nécessitent une prise en charge spécifique. Nous partageons l'exigence d'un bon fonctionnement de nos établissements pour mineurs, non seulement pour les personnels, bien entendu, mais aussi pour que ces structures remplissent pleinement leurs missions : sanctionner le jeune qui a commis une infraction et préparer son retour dans la société.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. Je transmettrai ces informations à mon collègue Laurent Degallaix. Je ne peux qu'inviter Mme la ministre de la justice à venir visiter cet établissement pour mineurs afin de mieux cerner la réalité de la situation.
Mme la présidente. Votre invitation sera transmise, mon cher collègue.
Auteur : M. Laurent Degallaix
Type de question : Question orale
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2015