établissements
Question de :
M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Jacques Candelier attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion sur le placement des personnes handicapées. 6 500 sont contraints à un exil forcé en Belgique faute de réponse adaptée. Il faut en finir avec l'exil contraint et mettre en place une réponse adaptée, de proximité. Le Gouvernement a annoncé un déblocage de 15 millions d'euros pour répondre à cette situation. Cette décision est très éloignée des besoins réels. Il lui demande si le Gouvernement compte trouver de nouvelles sources de financement pour une politique ambitieuse, en mettant à contribution les revenus financiers.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2015
PLACEMENT DES PERSONNES HANDICAPÉES CONTRAINTES À PARTIR À L'ÉTRANGER
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour exposer sa question, n° 1132, relative au placement des personnes handicapées contraintes à partir à l'étranger.
M. Jean-Jacques Candelier. En août 2015, j'interpellais le Gouvernement à propos de la situation d'un enfant autiste dont la mère recherchait désespérément une place d'hébergement. Cette situation, qui n'est pas isolée, n'est toujours pas réglée de façon définitive.
Dans son Livre noir du handicap, l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis – UNAPEI – déclare que 47 000 personnes frappent vainement à la porte des services et des établissements français. Sans solution d'accueil, ces personnes autistes, polyhandicapées ou souffrant de maladies rares doivent vivre au domicile de leurs parents ou dans des structures inadaptées.
Face au manque de places disponibles, 6 500 Français, dont 2 500 habitants du Nord-Pas-de-Calais sont contraints à un exil forcé en Belgique. Les conséquences pour ces personnes en situation de handicap et pour leurs proches sont souvent dramatiques. Cet exil provoque des déplacements coûteux et un éloignement familial insupportable. Il a en outre un coût pour la collectivité – 250 millions d'euros par an –, financé par l'assurance maladie et les départements. Il faut donc en finir avec l'exil contraint et trouver une réponse adaptée, de proximité.
Le Gouvernement a annoncé un déblocage de 15 millions d'euros pour répondre à cette situation. Cette décision est très éloignée des besoins réels : selon l'UNAPEI, le financement de l'ensemble des places nécessite la création d'un fonds dédié, doté de 90 millions d'euros par an, pour créer de nouvelles places.
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie estimait en outre fin 2015 qu'il manquerait, pour achever le plan de création de places 2008-2018, 3 600 places en établissement et service d'aide par le travail, dont je dénonçais ici même le 3 novembre le gel de création depuis 2013, 3 650 places pour adultes et 1160 places pour enfants, soit un total de 8 410 places pour 47 427 personnes sans solution, auxquelles s'ajoutent les 6 500 personnes exilées en Belgique.
Les plans d'économies sont l'alpha et l'oméga de la politique du Gouvernement dans les domaines de la santé et de la protection sociale. C'est une erreur en termes de santé publique et de développement économique. Il est temps d'appliquer une politique de développement humain et de solidarité créatrice d'emplois, qui aura des répercussions sur les services, l'industrie, le bâtiment, mais aussi sur les recettes fiscales et sociales de l'État et de la Sécurité sociale.
Cette politique doit s'articuler autour de trois priorités : construire, aménager et équiper des services et des établissements d'accueil, développer des filières de formation dans toutes les professions concernées, soutenir les investissements qui favorisent l'accueil et la mobilité des personnes en situation de handicap dans les lieux et services publics. Les sources de financement existent.
Madame la secrétaire d'État, le groupe Front de gauche n'a de cesse de vous proposer de relever les taux de cotisation sur les revenus financiers des entreprises au niveau de ceux appliqués aux revenus des salariés. Le Gouvernement pourrait aussi mobiliser les ressources affectées aux multiples exonérations fiscales et sociales, dont bénéficient principalement les grandes entreprises. L'enjeu est de taille : des Français obligés de s'exiler en Belgique se sentent aujourd'hui bannis de notre république.
Le Gouvernement envisage-t-il de s'engager dans un tel plan de développement ? À défaut, quelles sont les mesures d'urgence que vous prônez, madame la secrétaire d'État, pour répondre à cet enjeu ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Monsieur Candelier, je vous remercie de m'interroger sur les départs des personnes en situation de handicap vers la Belgique. Historiquement, ce pays a toujours été un territoire d'accueil pour les personnes handicapées françaises : un peu plus de 1 500 enfants et 4 500 adultes handicapés sont accueillis aujourd'hui dans un établissement médico-social belge. Ces départs s'expliquent en partie par le manque de solutions suffisamment adaptées en France, notamment pour les situations complexes de handicap.
Je tiens tout d'abord à rappeler qu'un accord franco-wallon relatif à l'accueil des personnes handicapées s'applique depuis mars 2014. Nous contrôlons de près les conditions d'accueil et la qualité de l'accompagnement dans les établissements belges. Cependant, cet accord-cadre ne dédouane pas la France de proposer des solutions au sein de ses établissements et services. Telle est bien notre priorité : à terme, plus aucune personne en situation de handicap ne doit être forcée de s'adresser à un établissement wallon, faute de solution en France.
Dans de rares situations, l'accueil en Belgique est souhaité et adapté. Pour chacune d'elles, lorsqu'elles se présenteront, le libre choix des personnes et des familles sera bien entendu respecté.
Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées ont dédié dès à présent 15 millions d'euros à la création de places sur mesure pour chacune des personnes orientées vers la Belgique contre son souhait ou celui de sa famille. Telle est bien la volonté du Gouvernement : plus aucune personne ne doit être contrainte à partir en Belgique faute de solution en France. Parallèlement aux ouvertures de places classiques, qui se poursuivent au rythme de 4 000 nouvelles places par an, toute place créée par ce dispositif sera fléchée sur une personne en particulier. Il s'agit bien d'un fonds d'amorçage : s'il faut faire plus, plus sera fait.
Par ailleurs, j'ai bien entendu les inquiétudes qui ont pu s'exprimer concernant la continuité du financement par l'assurance maladie de l'accueil des personnes actuellement en Belgique. Nous le redisons ici : nous poursuivons bien le financement par l'assurance maladie de l'accueil des personnes actuellement en Belgique.
Enfin, comme vous le savez, monsieur le député, deux tiers des départs en Belgique relèvent des départements. Plusieurs d'entre eux ont déjà engagé une politique similaire à celle que l'État met en œuvre par ce fonds d'amorçage. Un dialogue constant est entretenu avec les départements sur cette question.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
M. Jean-Jacques Candelier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, dont j'ai pris acte. Aujourd'hui, face à ce problème récurrent, le Gouvernement ne doit pas se contenter d'un saupoudrage : quinze millions d'euros ne sont pas suffisants, il faudrait beaucoup plus. Il doit prendre des décisions pour répondre très rapidement aux besoins des familles exilées en Belgique.
Auteur : M. Jean-Jacques Candelier
Type de question : Question orale
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : Handicapés et lutte contre l'exclusion
Ministère répondant : Handicapés et lutte contre l'exclusion
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2015