débits de tabac
Question de :
M. Damien Meslot
Territoire de Belfort (1re circonscription) - Les Républicains
M. Damien Meslot attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les nombreuses inquiétudes des buralistes à propos du paquet neutre. En effet, les buralistes représentent le premier réseau de commerce de proximité et sont d'ailleurs souvent les derniers commerces encore ouverts dans nos communes. Or les plans successifs de lutte contre le tabagisme ont considérablement précarisé cette profession. Aussi, le projet de loi relatif à la santé l'inquiète au plus haut point. Le passage au paquet neutre compliquerait singulièrement la gestion des rayons et des stocks sans que cette mesure n'ait pu démontrer son efficacité. Surtout, elle accroîtrait encore davantage la disparité qui existe avec nos voisins européens. De plus, la contrebande représente déjà un quart de la consommation totale de tabac en France. Ainsi, la mise en place du paquet neutre, ou la hausse du prix du paquet de cigarettes à 10 euros comme le proposent certains députés, seraient de nature à renforcer encore le marché parallèle qui ne cesse de progresser et qui est très alarmant en terme de santé publique. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour que les directives européennes applicables en la matière soient respectées, pour qu'une concurrence loyale entre nos buralistes et ceux des pays voisins soit rétablie et pour lutter contre la contrebande de tabac.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2015
CONSÉQUENCES POUR LES BURALISTES DE LA MISE EN PLACE DU PAQUET DE CIGARETTES NEUTRES
Mme la présidente. La parole est à M. Damien Meslot, pour exposer sa question, n° 1141, relative aux conséquences pour les buralistes de la mise en place du paquet de cigarettes neutres.
M. Damien Meslot. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me fais le relais auprès de vous des nombreuses inquiétudes des buralistes au sujet de la mise en place du paquet neutre. Avec 26 000 points de vente répartis sur l'ensemble du territoire, dont 46 % dans des communes de moins de 3 500 habitants, les buralistes représentent le premier réseau de commerce de proximité. Ils sont d'ailleurs souvent le dernier commerce encore ouvert dans nos villes et nos villages.
Cependant, les plans successifs de lutte contre le tabagisme ont considérablement précarisé cette profession, qui a vu disparaître un grand nombre de points de vente : plus de 1 000 en 2014 et plus de 900 entre janvier et septembre 2015. Dans le Territoire de Belfort, les propriétaires ont vu la valeur de leur fonds de commerce baisser de 30 % en quelques années. Aussi, le projet de loi soumis au Parlement par le Gouvernement inquiète au plus haut point une profession déjà durement touchée, et qui emploie en France pas moins de 100 000 personnes.
En effet, le passage au paquet neutre compliquerait singulièrement la gestion des rayons et des stocks de nos buralistes, sans que l'efficacité de cette mesure soit démontrée. Surtout, elle accentuerait encore plus la disparité avec nos voisins européens : en effet, aucun d'entre eux n'applique cette mesure. La législation européenne applicable en la matière se contente d'exiger l'apposition d'avertissements relatifs à la santé sur l'emballage des produits du tabac. Ces avertissements doivent couvrir au total 65 % de la face avant et arrière des paquets de cigarettes et de tabac à rouler.
La mesure défendue par le Gouvernement est beaucoup plus contraignante que ce à quoi la France est astreinte. La santé est bien évidemment un enjeu fondamental, mais ce sont des milliers de familles et un pan entier de l'économie française que vous mettez en difficulté. Nos buralistes doivent faire face à une concurrence déloyale et pénalisante, surtout lorsqu'ils sont frontaliers, comme c'est le cas dans le Territoire de Belfort. Pour jouer à armes égales, c'est au niveau européen qu'il faudrait décider de la mise en place du paquet neutre.
S'ajoute à cela la contrebande, qui représente désormais un quart de la consommation totale de tabac dans notre pays. Je crains que le paquet neutre, ou encore la hausse du prix du paquet de cigarettes à 10 euros comme le proposent certains députés, ne renforcent encore le marché parallèle qui ne cesse de progresser. Aussi, au regard de cette situation, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour rétablir une concurrence loyale entre les buralistes français et ceux des pays européens voisins, et pour uniformiser la politique de santé à l'échelle européenne.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Monsieur le député, le Gouvernement a fait de la lutte contre le tabagisme l'une de ses priorités en matière de santé publique, au moyen du plan national de réduction du tabagisme qu'a présenté Marisol Touraine en septembre 2014.
Je ne rappellerai pas les chiffres, car vous les connaissez parfaitement : il faut surtout insister sur le caractère préoccupant de la situation de la France au regard de ce que nous constatons dans d'autres pays. Cela exige que nous soyons capables de prendre des mesures fortes et audacieuses.
À l'évidence, la législation actuelle ne suffit plus à enrayer la progression du tabagisme dans notre pays. C'est donc un ensemble de mesures innovantes, et un programme d'action global, qui doivent permettre de faire reculer le tabagisme. Il s'agit de réduire l'attractivité des produits du tabac : l'Australie s'est engagée dans cette voie il y a maintenant trois ans et les résultats sont là. Les associations de lutte contre le tabagisme et de lutte contre les cancers ont unanimement salué l'inscription de cette mesure dans le programme national de réduction du tabagisme.
Par ailleurs, beaucoup d'opposants au paquet neutre affirment qu'il serait préférable d'appliquer la directive européenne exigeant l'agrandissement de la taille des avertissements sanitaires. Mais c'est une évidence : toute mesure qui laisserait à la disposition des industriels du tabac une partie, même très faible, de la surface des emballages, sans imposer la neutralité et la standardisation, leur permettrait de continuer à rivaliser d'ingéniosité pour rendre les paquets plus attractifs. Or nous savons combien la mercatique permet d'attirer les plus jeunes dans le tabagisme ; chaque année, l'industrie du tabac en attire chaque année 250 000 de plus.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite mettre en œuvre, comme prévu, à compter du 20 mai 2016, les paquets neutres des produits de tabac en France. La lutte contre la contrebande de produits de tabac fait par ailleurs l'objet d'un plan d'actions coordonnées, grâce à la ratification en cours du protocole de l'OMS de lutte contre le tabac et à l'inscription de plusieurs mesures dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, lesquelles accroissent notamment le régime des sanctions applicables.
Enfin, monsieur le député, le Gouvernement est attentif à la situation des buralistes. Il est important de rappeler que depuis 2003, 2,6 milliards d'euros d'aides publiques ont été versés pour aider les buralistes à diversifier leurs activités, dans le cadre des contrats d'avenir. Le troisième contrat d'avenir, conclu pour la période 2012-2016, prévoit des primes de service public, ainsi que des remises compensatoires. Parallèlement à la mise en place du paquet neutre, le Gouvernement continuera d'aider les buralistes à transformer progressivement leur activité.
Mme la présidente. La parole est à M. Damien Meslot.
M. Damien Meslot. Je prends bonne note de vos arguments. Cependant vous n'avez pas répondu sur un point : l'uniformisation des règles au niveau européen, qui permettrait de rétablir une concurrence loyale entre les buralistes français et ceux des autres pays européens.
Auteur : M. Damien Meslot
Type de question : Question orale
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2015