Question orale n° 1147 :
terrorisme

14e Législature

Question de : M. Olivier Falorni
Charente-Maritime (1re circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste

M. Olivier Falorni attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la montée de l'islam radical en milieu carcéral. Qu'il s'agisse des attaques de Khaled Kelkal en 1995, de Mohammed Merah en 2012, ou des frères Kouachi et d'Amedy Coulibaly en 2015, cette nouvelle forme de radicalité implique généralement des groupes informels, voire des individus isolés, qui ont toujours connu un parcours dans la délinquance et le milieu carcéral. Entrés en prison pour des délits de droit commun, ils en sont sortis en de véritables bombes humaines afin de semer la terreur sur notre territoire, mettre à mal la sureté de l'État et attenter à la sécurité de nos concitoyens. Ils se sont tous radicalisés en prison aux côtés d'imams autoproclamés. Les prisons ne peuvent demeurer ces lieux de radicalisation et il apparaît déterminant de renforcer la lutte contre la création de nouvelles filières au sein des établissements pénitentiaires pour éviter que nos prisons deviennent des pépinières à djihadistes. Il faut donc agir avec fermeté. Lors de sa récente visite à Saint-Martin-de-Ré, dans la cour du quartier Caserne de la maison centrale, il a découvert l'existence des « casinos ». Préfabriqués qui abritaient historiquement les lieux d'audience pour le personnel d'insertion et de probation, ils sont aujourd'hui consacrés aux activités des détenus. Il existe ainsi sept « casinos », qui fonctionnent selon les affinités ou plus souvent en fonction de communautés. Musulmans, Haïtiens, Basques, etc., disposent chacun de leurs locaux. Celui que se sont réservés les musulmans fait régulièrement office de mosquée clandestine salafiste malgré la vigilance des gardiens. Cette situation est intolérable. Aussi, devant le danger que représente cette zone de non-droit, il lui demande si elle est prête à détruire ces « casinos » et à reconstruire une infrastructure ouverte, décloisonnée et surveillée comme le préconise son rapport de visite, pour mettre fin à ces pratiques religieuses interdites.

Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2015

INFRASTRUCTURES PÉNITENTIAIRES DESTINÉES AUX ACTIVITÉS DES DÉTENUS
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Falorni, pour exposer sa question, n°  1147, relative aux infrastructures pénitentiaires destinées aux activités des détenus.

M. Olivier Falorni. Je regrette l'absence sur nos bancs de Mme la garde des sceaux, et m'adresse donc au Gouvernement dans son ensemble.

Le 2 octobre dernier, je me suis rendu de façon impromptue à la Maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, dans ma circonscription. Dans la cour de cette prison sont installés deux ensembles préfabriqués, que chacun, du côté des détenus comme de l'administration, appelle des « casinos ». Cela prêterait à rire si la situation n'était pas aussi grave et dramatique. L'un de ces « casinos », en effet, n'appartient ni au groupe Barrière, ni au groupe Partouche, mais plutôt au groupe Daech, puisqu'il fait régulièrement office de mosquée clandestine salafiste, tenue par quelques détenus radicalisés extrêmement dangereux, malgré la vigilance des gardiens.

À l'intérieur de cette prison, tout le monde le sait et le voit. Alors, madame la ministre, aujourd'hui, je vous le dis : je suis très en colère. Très en colère car j'ai adressé à Mme la garde des sceaux, le 19 octobre dernier – un mois avant le 13 novembre – un rapport circonstancié de ma visite qui contenait des propositions à mettre en œuvre de façon urgente, compte tenu de la gravité de la situation. Aucune réponse, aucun accusé de réception !

Je suis en colère car cela fait des années que l'administration judiciaire connaît l'existence de ces pratiques et ferme les yeux. Je le suis également car on laisse une zone de non-droit – un centre de formation pour apprentis djihadistes accessible à des détenus par ailleurs tous condamnés à de très lourdes peines – perdurer au sein de cette maison centrale.

Madame la ministre, le Premier ministre Manuel Valls a dit qu'il voulait fermer les mosquées salafistes. Je vous demande tout simplement, mais de façon pressante et solennelle, de détruire l'une d'entre elles qui existe au sein même d'une prison de la République.

Je vous demande donc une chose très simple, car il en va de la sécurité des gardiens, à l'intérieur de la prison, mais aussi de celle de tous les Français : détruisez ces « casinos » au sein de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le député, je suis désolée que Mme la garde des Sceaux n'ait pas pu être disponible à l'heure où je m'exprime, mais bien évidemment, le contenu de votre question lui a été transmis : l'alarme que vous avez souhaité déclencher a donc fonctionné.

Vous l'avez interpellée sur la question de la radicalisation islamiste dans les établissements pénitentiaires, et plus particulièrement sur la destruction de préfabriqués consacrés aux activités des personnes détenues à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré.

Concernant la destruction de préfabriqués au sein de cette maison centrale, la garde des sceaux vous informe qu'une autorisation d'engagement a été mise en place afin de les supprimer et de créer des locaux d'activités et d'audience au sein même des autres bâtiments.

Comme vous le savez, le gouvernement a fait beaucoup d'efforts pour lutter contre la radicalisation. Le 25 juin 2014, les ministères de la justice et de l'intérieur ont diffusé une circulaire commune relative à la lutte contre la radicalisation. Depuis janvier 2015, un directeur des services pénitentiaires a été mis à disposition de l'Unité de coordination et de lutte anti-terroriste – l'UCLAT –, et l'administration pénitentiaire participe aux réunions hebdomadaires de cette unité ainsi qu'aux réunions des états-majors de sécurité au niveau départemental.

S'agissant du milieu fermé, un plan de sécurisation majeur des établissements pénitentiaires a été décidé le 3 juin 2013 : il est financé à hauteur de 33 millions d'euros.

Le plan de lutte contre le terrorisme, annoncé par le Premier ministre le 21 janvier 2015, comporte un important volet pénitentiaire visant à renforcer ce qui avait déjà été accompli.

Au-delà des mesures spécifiques de prise en charge de personnes détenues radicalisées, et d'un plan ambitieux de formation des personnels pénitentiaires et intervenants, il a été décidé de mettre en œuvre une politique de prévention auprès de toutes les personnes détenues : elle passe notamment par le recrutement de soixante aumôniers supplémentaires. Trente aumôniers avaient été recrutés entre 2013 et 2014, contre quatre entre 2009 et 2012.

En outre, des interventions collectives sont en cours de généralisation au sein des quartiers « arrivants » des maisons d'arrêt. Par ailleurs, le principe des stages de citoyenneté en milieu ouvert a été validé.

De plus, quatre unités dédiées, en plus de celle expérimentée à la maison d'arrêt des hommes de Fresnes, seront opérationnelles début 2016. Enfin, le système de brouillage des établissements pénitentiaires sera renforcé, de même que les effectifs et les moyens alloués au renseignement pénitentiaire.

Les mesures qui tendent à améliorer des conditions de détention, et qui contribuent également à la déradicalisation, sont financées à hauteur de 26 millions d'euros sur trois ans.

Enfin, le Président de la République a annoncé la création de postes supplémentaires au sein du ministère de la justice, notamment au sein de l'administration pénitentiaire. Vous voyez que le très grave problème que vous avez signalé est pris en compte par le ministère de la justice.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je prends surtout acte de la décision de Mme la ministre de la justice d'engager la destruction de ces « casinos » : il s'agit d'une décision importante, que je suivrai de près afin que cette déclaration soit, le plus rapidement possible, suivie d'actes. Je l'ai dit : il en va de la sécurité des Français.

Je suivrai bien évidemment ce dossier afin de faire en sorte que, dans notre République, il ne puisse plus exister de lieux de non-droit d'où est professé l'islamisme radical.

Données clés

Auteur : M. Olivier Falorni

Type de question : Question orale

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2015

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