divorce
Question de :
M. Philip Cordery
Français établis hors de France (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Philip Cordery attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la prise en charge des enfants français lors de divorces ou de séparations de couples binationaux résidant au sein de l'Union européenne. Les juges, s'appuyant sur la convention de la Haye et la réglementation européenne, prononcent généralement la garde de l'enfant en faveur du parent qui maintient son domicile dans le pays de résidence de l'enfant. Par voie de conséquence, ces jugements sont souvent défavorables au parent français qui est venu s'installer à l'étranger pour suivre son conjoint(e), et qui se voit, au moment de la séparation, confronter à un choix cornélien : rester dans le pays pour obtenir la garde de l'enfant ou rentrer en France sans enfant. Lors du débat sur la proposition de loi sur la protection de l'enfant à l'Assemblée nationale, il a été convenu qu'un rapport serait mené pour identifier les difficultés des familles confrontées à de telles situations et in fine proposer des solutions pour préserver l'intérêt de l'enfant dans toutes les circonstances. Il souhaite savoir à quel moment le groupe de travail sera mis en place et quels seront les moyens d'actions proposés.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2015
GARDE DES ENFANTS FRANÇAIS LORS DE DIVORCES OU SÉPARATIONS DE COUPLES BINATIONAUX RÉSIDANT DANS L’UNION EUROPÉENNE
M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour exposer sa question, n° 1185, relative à la garde des enfants français lors de divorces ou séparations de couples binationaux résidant dans l’Union européenne.
M. Philip Cordery. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, que je souhaite interroger sur la prise en charge des enfants français lors de divorces ou de séparations de couples binationaux résidant au sein de l’Union européenne, notamment aux Pays-Bas ou en Allemagne.
Aux Pays-Bas, justement, je suis saisi de nombreuses situations délicates de Français qui, suite à une séparation, ont de grandes difficultés à obtenir la garde de leurs enfants s'ils sont amenés à rentrer en France.
En effet, les juges, s'appuyant sur la Convention de La Haye et sur le règlement européen de Bruxelles II bis, confient généralement la garde de l'enfant au parent qui maintient son domicile dans le pays de résidence de l'enfant, au nom de l'intérêt de ce dernier.
Ces jugements sont donc souvent défavorables au parent français qui est venu s'installer à l'étranger pour suivre son conjoint ou sa conjointe, et qui se voit, au moment de la séparation, confronté à un choix cornélien : rester dans le pays pour obtenir la garde de l'enfant ou rentrer en France sans l'enfant.
Or il se trouve que le parent français qui a suivi son conjoint – souvent la mère, en l'occurrence – n'a pas les connaissances linguistiques suffisantes pour trouver du travail dans le pays. Son réflexe naturel est donc de rentrer en France, mais il ne peut le faire accompagné de son enfant.
Ces décisions judiciaires se fondent sur l'intérêt de l'enfant ; or, vous en conviendrez, cet intérêt ne repose pas forcément sur la stabilité géographique.
Lors de l'examen de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, j'avais interrogé Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie, à ce sujet. Elle m'avait indiqué qu'une réflexion serait menée pour identifier les difficultés des familles confrontées à de telles situations et proposer des solutions pour préserver l'intérêt de l'enfant dans toutes les circonstances.
Pourriez-vous donc me préciser les moyens d'action envisagés ? Mme la garde des sceaux pourrait-elle se rapprocher, par exemple, de son homologue néerlandais pour chercher des solutions bilatérales ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Je veux excuser, monsieur le député, ma collègue garde des sceaux, qui m'a demandé de vous répondre à sa place.
Vous avez appelé son attention sur les difficultés rencontrées par des parents français qui, résidant dans un autre État de l’Union européenne, se heurtent, en cas de séparation, à la préférence accordée, par certains juges étrangers, à l'autre parent, ressortissant national, lors de la fixation de la résidence habituelle de l'enfant commun. De telles décisions les empêcheraient de revenir vivre en France.
Mme la garde des sceaux vous précise que le Gouvernement n'oublie jamais les nombreux compatriotes vivant à l'étranger qui traversent des moments difficiles en raison d'une séparation ; toutefois, il faut rappeler que les principes de séparation des pouvoirs et de souveraineté des États interdisent de porter une appréciation sur le bien-fondé des décisions prises par des juges dans un autre État de l’Union européenne.
En outre, ces décisions reposent souvent sur le principe de la stabilité de la situation de l'enfant, principe que l'on retrouve aussi dans notre droit. Par conséquent le parent étranger qui, résidant en France, souhaite lui-même s'installer dans son pays d'origine avec son enfant après sa séparation, peut également se voir opposer, sans qu'il s'agisse d'un traitement discriminatoire, une décision fondée sur l'intérêt de l'enfant si celui-ci a pris ses habitudes sur notre territoire.
Le principe qui prévaut entre les autorités européennes est aussi celui de la confiance mutuelle. Ce principe a été traduit dans le règlement dit « Bruxelles II bis », qu'il est question de renforcer dans le cadre de sa révision, avec le souci d'une meilleure reconnaissance et d'une meilleure exécution des décisions de justice au sein de l’Union.
Améliorer la connaissance, par nos concitoyens qui n'en sont pas forcément bien informés, des droits étrangers, notamment dans les circonstances que vous avez rappelées, paraît également important.
Mme la garde des sceaux vous confirme aussi sa disponibilité et celle de ses services pour organiser, avec vous et à votre convenance, une réunion sur ces questions.
M. le président. La parole est à M. Philip Cordery.
M. Philip Cordery. Je prends bonne note de cette réponse de Mme la garde des sceaux et vous remercie de me l'avoir transmise.
Je comprends les principes de séparation des pouvoirs et de souveraineté des États, comme celui de la confiance mutuelle entre les pays de l'Union, mais nous sommes face à des problèmes humains importants. Je m'entretiendrai donc avec Mme la garde des sceaux, notamment pour l'inviter à prendre contact avec son homologue néerlandais, de façon que soient trouvées, au niveau bilatéral, des solutions équitables pour les familles.
Auteur : M. Philip Cordery
Type de question : Question orale
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2015