entreprises
Question de :
M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Les Républicains
M. Vincent Ledoux attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'accès à la « fiche S » par les sociétés proposant une activité privée de sécurité. Afin de garantir le respect de la vie privée comme la présomption d'innocence et de mieux lutter contre la discrimination à l'embauche, le dispositif réglementaire relatif au fichier des personnes recherchées (FPR), notamment le décret du 28 mai 2010, réserve en son article 5 l'accès au FPR à deux catégories de personnes. D'une part, les personnes compétentes au titre de l'article susmentionné et, d'autre part, les personnes physiques faisant l'objet de ce fichage. Il s'agit dans ce dernier cas de leur droit d'accès indirect. Dès lors, les entreprises proposant une activité privée de sécurité ne disposent pas d'un accès à cette fiche S lorsqu'elles souhaitent recruter un nouvel agent. Or elles concourent à la sécurité des personnes et de leurs biens et contribuent dans l'exercice de leurs fonctions à la lutte contre le terrorisme et à la sauvegarde de l'ordre public. Compte tenu de ces éléments, il apparaît plus que jamais nécessaire de donner la possibilité à ces entreprises de pouvoir vérifier si une personne candidate à un poste d'agent de sécurité est ou non inscrite sur ce fichier, afin d'apprécier son affectation à un poste potentiellement sensible. Des garde-fous sont bien entendu à prévoir pour parer aux éventuelles dérives et préserver la présomption d'innocence de nos concitoyens. À défaut, il demande la création d'une sous-catégorie à la fiche « S » qui regroupera spécifiquement les personnes suspectées de radicalisme. Il s'agira ainsi d'offrir la possibilité aux entreprises privées de sécurité d'avoir accès seulement à cette sous-catégorie. Aussi, le pouvoir réglementaire étant seul compétent pour ouvrir le droit d'accès à la fiche S, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur cette proposition et sur l'opportunité de création d'une sous-catégorie à la fiche S qui regroupera spécifiquement les personnes radicalisées ou en voie de radicalisation.
Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2016
ACCÈS AUX « FICHES S » PAR LES ENTREPRISES DE SÉCURITÉ
M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour exposer sa question, n° 1492, relative à l’accès aux « fiches S » par les entreprises de sécurité.
M. Vincent Ledoux. Madame la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, absent ce matin pour des raisons que nous comprenons tous. Elle porte sur les conditions de sécurité de l'Euro 2016 s'agissant des agents privés de sécurité. On en compte environ 12 000 qui sont répartis sur tous les sites, notamment les « fans zones », dont 20 % d'agents SSIAP – service de sécurité incendie et d'assistance à personnes.
Je souhaite vous interroger sur les conditions de validation des certificats professionnels et d'aptitude de ces personnes, sachant qu'il y a plusieurs situations différentes. Je veux ainsi appeler l'attention du Gouvernement sur les personnes qui sont en formation. Au cours de cette formation, qui se déroule sur six mois, il n'est procédé à aucune enquête de moralité : celle-ci n'est effectuée que lorsque le stagiaire a réussi et va obtenir sa carte professionnelle. On peut donc s'interroger sur ce « temps mort ».
Il y a encore un autre degré de vérification : les agents de sécurité incendie et d'assistance à personnes n'ont pas de carte professionnelle, et ne sont pas non plus soumis à une enquête de moralité. Aussi, sur un même site sensible, ou confidentiel, je pense à l'Imprimerie nationale par exemple, peuvent coexister des agents qui ont un agrément professionnel et d'autres qui n'ont pas le même degré d'agrément. C'est ma première interrogation.
Deuxième interrogation : on sait combien l'Euro 2016 a pu faire « turbiner » les métiers de la sécurité. Dans ma propre métropole, nous nous sommes interrogés sur la façon dont nous devions nous mettre en marche afin de permettre l'accès aux métiers de la sécurité. Tout a été très vite. Le Gouvernement a pris toutes les mesures de prudence nécessaires, ce dont nous lui savons gré. Pour autant, une centaine de personnes ont été « criblées » dans les enquêtes postérieures réalisées par le ministère de l'intérieur, et c'est tant mieux.
Mais cela prouve peut-être que les dispositifs doivent encore être approfondis. Le Conseil national des activités privées de sécurité a été renforcé de huit agents. Peut-être, dans les agences régionales, les effectifs ne sont-ils pas suffisants et faudrait-il les compléter.
Troisième interrogation : pensez-vous que pendant la durée de validité de la carte professionnelle, soit cinq ans, les contrôles sont suffisants ? En effet, une personne peut changer de comportement, en cinq ans !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le député, vous avez très significativement modifié le contenu de votre question. Dans la mesure où je réponds au nom du ministre de l'intérieur et étant mandatée par lui, permettez-moi de rester dans le cadre de votre question initiale.
Votre question initiale évoquait l'ouverture aux entreprises de sécurité privée d'un accès au fichier des personnes recherchées, afin que ces entreprises puissent vérifier si les agents qu'elles recrutent font l'objet d'une « fiche S ». La question du contrôle de la moralité des agents de sécurité privée a paru parfaitement fondée au ministre, mais sa réponse ne peut être celle que vous suggérez. Il n'est en effet pas possible que des acteurs privés puissent accéder librement aux fichiers de police, dont l'utilisation est encadrée par la loi, avec l'intervention préalable et postérieure de la Commission nationale de l'informatique et des libertés – soit un régime extrêmement protégé et encadré.
Par ailleurs, le critère de contrôle ne peut pas être celui de l'existence ou non d'une « fiche S ». D'une part, l'existence d'une « fiche S » constitue, le ministre a eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, un signalement destiné à approfondir le renseignement sur une personne : ce sont les faits reprochés à cette personne, et non la simple existence de la fiche, qui peuvent justifier que des conséquences soient tirées – autrement dit, l'infraction, et non la présomption. D'autre part, d'autres motifs peuvent justifier qu'une personne ne soit pas agréée comme agent de sécurité privée, alors même que ces motifs ne sont pas susceptibles de conduire à l'émission d'une fiche S.
Le contrôle sur le recrutement est exercé par le Conseil national des activités privées de sécurité – CNAPS. Nul ne peut exercer des missions de sécurité privée sans disposer d'une carte professionnelle délivrée par cet établissement public, placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Cette carte professionnelle est délivrée après une vérification de l'aptitude professionnelle des personnes concernées, mais aussi au terme d'une enquête administrative poussée.
Pour la réalisation de ces enquêtes, les agents du CNAPS sont habilités à consulter des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales, et notamment le traitement des antécédents judiciaires ou encore le fichier des personnes recherchées. Vous le voyez, monsieur le député, la vigilance est de mise.
Auteur : M. Vincent Ledoux
Type de question : Question orale
Rubrique : Services
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juin 2016