médecine du travail
Question de :
M. Michel Heinrich
Vosges (1re circonscription) - Les Républicains
M. Michel Heinrich appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la loi du 20 juillet 2011 concernant l'application des règles de la médecine du travail au personnel temporaire des associations intermédiaires. Le coût résultant de ces visites médicales est insurmontable pour certaines d'entre elles qui vont disparaître en même temps que la mission d'insertion qu'elles exerçaient. De plus, de nombreux services de médecine très engorgés ne parviennent déjà pas à gérer les dossiers actuels et ce surcroît de travail semble impossible à assumer dans certains services. Aussi souhaite-t-il faire une proposition intermédiaire : une solution, déjà étudiée dans certaines villes (Vandoeuvre, Tours et Lilles par exemple), pourrait consister à homologuer les centres de médecine préventive pour leur permettre de pratiquer les visites d'aptitude au travail pour les salariés travaillant jusqu'à mi-temps et les autres salariés seraient, quant à eux, soumis à la médecine du travail. Il lui semble que cette proposition est bien adaptée à la particularité de ces associations et pourrait les soulager en respectant les règles de la médecine du travail.
Réponse en séance, et publiée le 27 février 2013
APPLICATION DES RÈGLES DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL
AU PERSONNEL TEMPORAIRE DES ASSOCIATIONS INTERMÉDIAIRES
M. Michel Heinrich. Merci, madame la présidente. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Aucune loi n'est parfaite et la loi du 20 juillet 2011 sur l'organisation de la médecine du travail s'applique désormais aux associations intermédiaires et, au-delà du personnel permanent, à tout leur personnel temporaire, ce qui peut apparaître comme une excellente chose
Mais, alors que cette mesure est applicable depuis le 1er juillet 2012, la grande majorité des associations intermédiaires rencontre de grosses difficultés, de plusieurs ordres.
D'abord le coût : en moyenne, il est de 120 euros par salarié, en ajoutant à la visite des frais de déplacement et de gestion. Certaines associations, étranglées par le poids financier de cette mesure, risquent de devoir fermer. Ce seront de nombreuses personnes en difficulté d'insertion qui vont donc cesser leur processus d'insertion et donc cesser toute activité professionnelle, sans grand espoir de retrouver un emploi
D'autre part, l'organisation va poser problème pour de multiples raisons, mais je vais me limiter à une seule : l'engorgement des services de santé au travail. À Épinal, par exemple, ce sont quatre cents salariés qu'il faudra recevoir dès la première mise à disposition aux particuliers ou aux entreprises, et près de sept cents par an. Le service de médecine du travail est aujourd'hui saturé et n'a pas pu répondre aux sollicitations des associations locales sur les coûts et sur l'organisation future.
Enfin, l'aspect " santé " me préoccupe. Souvent, ces associations intermédiaires travaillaient jusqu'alors avec les services de la médecine préventive, et ceci gratuitement : chaque salarié bénéficiait ainsi d'un bilan de santé complet, souvent élargi à toute la famille, avec vaccination éventuelle et entretien médical pour le suivi médical.
S'agissant d'un public particulièrement fragile, ce système avait le mérite d'assurer un contrôle médical poussé que les bénéficiaires ne pourront retrouver dans un service de santé au travail.
C'est pourquoi je souhaite faire une proposition intermédiaire.
La solution est d'ailleurs étudiée dans certaines villes, comme Tours et Lille : elle pourrait consister à homologuer les centres de médecine préventive pour leur permettre de pratiquer les visites d'aptitude au travail pour les salariés jusqu'à mi-temps, cependant que les autres salariés seraient, quant à eux, soumis à la médecine du travail Il me semble que cette proposition est bien adaptée à la particularité de ces associations intermédiaires et pourrait les soulager en respectant les règles de la médecine du travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Madame la présidente, monsieur le député, permettez-moi d'abord d'excuser M. le ministre du travail, qui a souhaité vous apporter les précisions suivantes.
Effectivement, en votant la loi du 20 juillet 2011 relative à l'organisation de la médecine du travail, le législateur a tenu à ce que les associations intermédiaires adhèrent obligatoirement à un service de santé au travail interentreprises pour le suivi de leurs travailleurs et notamment pour la visite d'embauche à l'occasion de la première mise à disposition. Contrairement à d'autres publics, le suivi de ces travailleurs par un autre médecin que le médecin du travail a été écarté. Le législateur a en effet limité la possibilité de recourir à de tels médecins aux seuls salariés du particulier employeur et aux mannequins, sous certaines conditions.
Toutefois, pour tenir compte des spécificités des associations intermédiaires, ce suivi a été adapté et aménagé par les deux décrets du 30 janvier 2012, notamment sur la visite d'embauche qui n'est obligatoire qu'à partir de la mise à disposition effective des travailleurs, dans un délai d'un mois, ou sur l'avis d'aptitude qui est rendu pour trois emplois et non pour un poste. Cette possibilité permet, par exemple, à un même travailleur d'exercer, s'il est déclaré apte, un emploi de jardinier, d'aide ménager et de peintre en bâtiment. Ces visites médicales du travail ne sont donc pas renouvelées à chaque changement d'employeur mais tous les deux ans ou davantage, si l'agrément du service de santé au travail interentreprises fixe une autre périodicité pour ce public.
En revanche, ces aménagements ne peuvent pas porter sur le choix d'un autre service de santé qu'un service de santé au travail interentreprises, quel que soit le nombre d'heures travaillées. En l'état actuel des textes, il n'est pas possible de faire suivre les travailleurs par des médecins de prévention, même dans le cadre de conventions conclues avec le service de santé au travail interentreprises. De plus, les centres médicaux de prévention sont eux aussi confrontés à des problèmes de démographie médicale.
Par ailleurs, afin d'atténuer cette charge financière supplémentaire pour les associations intermédiaires, le Gouvernement, en lien avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, a modifié les critères et les modalités de leur cotisation AT-MP, répondant ainsi à une demande des associations intermédiaires, le but étant de baisser leur cotisation et de contribuer aussi à valoriser financièrement les actions de prévention des risques professionnels proposées par les services de santé au travail. Cette baisse de cotisations est intervenue depuis janvier 2013. De plus, le coût de cette adhésion permet d'assurer un suivi de la santé des travailleurs et de donner des conseils aux associations en matière de prévention des risques professionnels et de conduites addictives, par exemple.
Enfin, compte tenu de l'importance des modifications contenues dans cette réforme de l'organisation de la médecine du travail, que les services de santé au travail, les entreprises, comme l'administration du travail et les services de l'assurance maladie commencent à mettre en oeuvre, Michel Sapin estime prématuré d'envisager de nouveaux changements avant d'avoir pu en évaluer les réalisations et les effets dans un diagnostic partagé et formaliser en concertation les pistes d'amélioration possibles. Cette réforme fera, comme il s'y est déjà engagé, l'objet d'un suivi attentif de la part des services compétents du ministère, au niveau national comme au niveau régional, pour identifier les difficultés, les blocages, mais aussi les avancées qu'elle porte en germe.
Auteur : M. Michel Heinrich
Type de question : Question orale
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 février 2013