Question orale n° 159 :
chimie

14e Législature

Question de : M. Gaby Charroux
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Gaby Charroux alerte M. le ministre du redressement productif sur la situation de la société Kem One et de ses deux unités de production sises dans le golfe de Fos.

Réponse en séance, et publiée le 1er mars 2013

ACTIVITÉ DE L'ENTREPRISE KEM ONE DANS LES BOUCHES-DU-RHÔNE

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour exposer sa question, n° 159, relative à l'activité de l'entreprise Kem One dans les Bouches-du-Rhône.
M. Gaby Charroux. Ma question s'adresse au ministre du redressement productif, mais je comprends les contraintes qui l'ont éloigné de l'hémicycle ce matin.
La société Kem One s'est rendue propriétaire du pôle vinylique d'Arkema le 2 juillet 2012, entrant ainsi en possession d'un patrimoine industriel, riche de dix sites de production, qui représente 1 800 emplois dans notre pays, principalement dans ma région et en Rhône-Alpes.
La reprise de cette activité industrielle par un financier, Gary Klesch, a été dénoncée l'année dernière, tant sur les bancs de cet hémicycle que par les représentants des salariés. Gary Klesch est connu en effet pour n'avoir jamais gardé une seule entreprise plus de quatre années.
Trois mois seulement après cette reprise, je vous avais d'ailleurs adressé un courrier pour vous faire part de l'inquiétude des salariés quant à la situation financière du groupe et aux choix de Kem One.
Aujourd'hui, soit seulement huit mois après la reprise, la société se retrouve avec un passif estimé à 125 millions d'euros et un déficit de trésorerie.
Afin d'apprécier l'importance de cette dérive financière, rappelez-vous que la société Arkema a cédé à Gary Klesch son pôle vinylique pour un euro, tout en investissant 98 millions d'euros en garantie et en trésorerie dans la nouvelle société.
Lors de la cession, les dirigeants d'Arkema et les futurs dirigeants d'Amarante, devenue Kem One, assuraient que le président Gary Klesch apporterait les garanties nécessaires au bon fonctionnement de Kem One. À ce jour, toutefois, l'actionnaire unique de l'entreprise n'y a pas mis un seul centime.
Cette situation fait dire au représentant du syndicat Force Ouvrière : " Au départ nous avions du cash, des stocks, et nous étions à dette zéro. En sept mois, tout s'est évaporé ! ", tandis que la CGT estime que " les informations transmises sont inquiétantes et de nature à lancer une expertise dans le cadre du droit d'alerte ".
Lors du dernier comité central d'entreprise, tenu le 19 février 2013 à Lyon, les représentants des syndicats de Kem One et d'Arkema ont dénoncé plusieurs éléments : tout d'abord, le versement de 88 millions d'euros sur un compte bancaire londonien de la société Kem One Trésorerie, société qui ne figurait pas dans la procédure de cession, qui ne détient aucun actif industriel, mais qui a été constituée au seul profit de l'actionnaire unique Gary Klesch ; par ailleurs, celui de 30 millions d'euros sur les comptes de holdings hébergées dans des paradis fiscaux à Malte et à Jersey, et détenues par le même Gary Klesch.
Madame la ministre, monsieur le ministre, la situation est grave, d'autant qu'il existe un vrai risque que, par un effet domino, les autres activités des filières dépendantes soient touchées.
Face à cette situation, il faut avoir le courage de mettre chacun devant ses responsabilités.
En premier lieu, la responsabilité de la société Arkema se trouve fortement engagée pour avoir cédé, sans prendre toutes les garanties suffisantes, son pôle vinylique ; ensuite, celle de la société Total, premier fournisseur de matière première, qui ne doit pas se tenir à l'écart du dialogue à venir.
Au regard de la gravité de la situation, le Gouvernement est-il prêt à ce que l'État rachète la société Kem One pour un euro, soit au prix de vente initial, afin de construire un projet industriel, associant Arkema et Total ?
Le Gouvernement est-il prêt également à demander des comptes à Gary Klesch afin qu'il rembourse la totalité des fonds mis à sa disposition, tout en faisant la lumière sur leur utilisation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement et Arnaud Montebourg sur la situation de la société Kem One ; il m'a chargée de vous répondre.
Arkema a été créée en 2004 à la suite de la réorganisation de la branche chimie du groupe Total ; en mai 2006, Arkema devient un groupe indépendant ; enfin, en juillet 2012, les activités vinyliques d'Arkema sont cédées au groupe Klesch, donnant ainsi naissance à Kem One, une entreprise toute neuve, bien intégrée dans la filière vinylique.
En 2011, son chiffre d'affaires s'élevait à 1,1 milliard d'euros ; elle possède vingt-deux sites industriels dans dix pays ; en France, où son siège social est à Lyon, elle fait travailler un peu plus de 1 700 salariés : il s'agit du troisième groupe européen de production de PVC.
La société Kem One gère deux activités sur deux sites industriels dans le golfe de Fos : l'une est structurellement déficitaire et capitalistiquement intense ; l'autre nécessite moins d'investissements et génère des bénéfices, cependant insuffisants pour équilibrer l'ensemble.
Aujourd'hui, la situation est particulièrement délicate puisque l'entreprise ne paie plus ses fournisseurs ; toutefois, les salaires ont été versés.
Le Gouvernement rappelle par ailleurs que la cession était toute relative puisque Arkema a accompagné Gary Klesch dans son projet, en le soutenant à hauteur de 100 millions d'euros, somme qui semble largement utilisée à ce jour.
Nous observons une dégradation subite de la situation financière de Kem One, qui semble renforcée par un incident industriel sur la plate-forme de Lavéra, pénalisant ainsi son activité. Le gestionnaire de la plate-forme prévoit un retour à la normale avant l'été.
De surcroît, le contexte du marché de Kem One est particulièrement tendu.
L'entreprise a pris un ensemble de dispositions en vue de se faire assister pour la négociation avec ses partenaires.
Le groupe Kem One se présente comme " un groupe performant et innovant, au service de ses clients, mais aussi un acteur industriel responsable, parfaitement et durablement intégré sur les territoires où il est implanté ".
Le Gouvernement lui demande donc d'assumer pleinement ses responsabilités et de préciser son projet industriel pour l'ensemble des activités de Kem One.
Soyez assuré, monsieur le député, que le Gouvernement utilise aujourd'hui tous les outils à sa disposition pour garantir le devenir de Kem One et entend faire en sorte que les propriétaires, tout comme les principaux donneurs d'ordre de l'entreprise, assument toutes leurs responsabilités.
M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.
M. Gaby Charroux. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre analyse et vos conclusions.
Il ne s'agit pas, vous le comprenez bien, de demander à l'État de se substituer à un opérateur privé, mais seulement de se porter garant d'une certaine éthique économique.

Données clés

Auteur : M. Gaby Charroux

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Redressement productif

Ministère répondant : Redressement productif

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 février 2013

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