Question orale n° 259 :
langues régionales

14e Législature

Question de : M. Armand Jung
Bas-Rhin (1re circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen

M. Armand Jung attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur le statut des langues régionales en France. Il lui rappelle qu'en 2012, durant sa campagne électorale, l'actuel Président de la République s'était fortement mobilisé pour les langues régionales de notre pays et s'était engagé à ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe. La récente décision négative du Conseil d'État, sollicité par le Gouvernement pour rendre un avis sur la ratification de cette charte par la France, a considérablement surpris et déçu celles et ceux qui militent depuis des décennies en faveur d'un véritable statut pour les langues régionales. En conséquence, il souhaite connaître les orientations du Gouvernement en la matière et savoir si un projet de loi sur les langues régionales sera prochainement débattu à l'Assemblée nationale.

Réponse en séance, et publiée le 24 avril 2013

PROMOTION DES LANGUES RÉGIONALES

M. le président. La parole est à M. Armand Jung, pour exposer sa question, n° 259, relative à la promotion des langues régionales.
M. Armand Jung. Madame la ministre de la culture et de la communication, à la lecture des différents avis du Conseil d'État, encore tout récemment, mais surtout après plusieurs décisions du Conseil constitutionnel, toutes convergentes dans leur rejet des langues régionales, on peut s'interroger aujourd'hui : les locuteurs de langues régionales ou minoritaires seraient-ils des parias de la République ?
Balayée, donc, la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée par le Conseil de l'Europe en 1992, avec le vote positif de la France ! Exit aussi, la modification de la Constitution et de son article 75, alinéa 1, consacré aux langues régionales ! C'est vraiment à désespérer ! La France n'est pas une citadelle assiégée ! Les langues régionales ne menacent pas l'unicité de notre pays ! Reconnaître officiellement les langues régionales ne signifie pas que l'on cède à des pressions communautaristes !
Après la tentative de Lionel Jospin, en 1999, de ratifier la Charte du Conseil de l'Europe, véritable clé de voûte d'un statut juridique des langues régionales, le Président de la République, François Hollande, s'est engagé courageusement. Son engagement n° 56 stipulait en effet clairement : " Je ferai ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. "
L'espoir et les attentes des associations et des collectivités territoriales sont immenses. Mais un véritable lobbying et un conglomérat d'intérêts s'opposent à la reconnaissance de la diversité linguistique régionale de notre pays. Je voudrais le dénoncer aujourd'hui.
Madame la ministre, la modification de notre Constitution, préalable indispensable à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, est-elle envisagée dans les mois à venir ? À défaut, quel statut juridique, législatif ou réglementaire, envisagez-vous pour ces langues régionales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, cher Armand Jung, chacun connaît le rôle déterminant que vous jouez, au sein de la représentation nationale, pour défendre les langues régionales. Je m'associe à ce combat, étant moi-même élue dans un département où sont présentes ces langues régionales et minoritaires, tout comme doit s'y associer notre président de séance Marc Le Fur.
Le Gouvernement considère le développement de ces langues régionales dans une perspective très concrète de promotion du plurilinguisme. Le cadre juridique français ouvre déjà à ces langues de larges espaces d'expression et leur permet d'être utilisées dans de nombreuses circonstances de la vie quotidienne. L'article 21 de la loi du 4 août 1994 établit ainsi que les mesures garantissant l'emploi de la langue française s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage.
S'agissant de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le Président de la République et le Premier ministre ont estimé qu'il n'était pas possible, quelle que soit la rédaction envisagée, d'introduire dans notre Constitution une disposition permettant de ratifier la Charte, sans introduire de contradiction majeure avec les articles 1er, 2 et 3 de la Constitution.
Cependant, les trente-neuf engagements auxquels avait souscrit la France en 1999, lors de la signature de cette charte, ont été jugés constitutionnels et peuvent donc constituer le fondement des politiques publiques en faveur des langues régionales. Le Gouvernement réaffirme ici pleinement sa volonté de les appliquer.
La ratification de la Charte ne saurait en effet être considérée comme une fin en soi. Ce qu'il faut aux langues de France, c'est la mise en oeuvre de mesures concrètes et opérationnelles de développement. Nous nous y attelons.
C'est dans cet esprit que travaille le Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne que j'ai installé le 6 mars dernier, et dont la mission est " d'éclairer les pouvoirs publics sur les modalités d'application des engagements souscrits par la France, ainsi que sur le périmètre des langues concernées, et, plus généralement, de formuler des recommandations visant à valoriser la pluralité linguistique interne à notre pays ". Ce comité comprend une douzaine de membres : des parlementaires, des représentants des collectivités territoriales, des universitaires, des linguistes, et des membres des administrations de l'État les plus directement concernées. Il consulte de nombreux représentants des langues régionales, des spécialistes de la pluralité linguistique, et il me remettra ses conclusions à la fin du mois de juin.
Ses travaux font dores et déjà ressortir quelques orientations générales : l'utilité d'un cadre susceptible d'offrir les conditions d'exercice d'un droit positif à des pratiques linguistiques qui aujourd'hui ne sont que tolérées ; la nécessité de développer l'offre pour susciter la demande ; la réaffirmation du rôle des médias et de la création artistique et culturelle, aux côtés de l'enseignement, pour garantir l'avenir des langues de France.
Le Comité prendra l'attache du groupe d'études sur les langues régionales que vous coprésidez ici. Votre expertise et votre connaissance très fine de ces sujets et des attentes de nos concitoyens lui seront très précieuses. À la lumière des recommandations du Comité et après consultation des parlementaires, le Gouvernement décidera des modalités les plus opportunes de traduction de ces engagements et prendra, s'il en est besoin, les textes législatifs et réglementaires appropriés.
M. le président. La parole est à M. Armand Jung.
M. Armand Jung. Madame la ministre, je vous invite à ne pas être timorée dans ce domaine. Les attentes sont très fortes, et je souhaite que nous ne soyons pas déçus comme nous l'avons été par le passé.

Données clés

Auteur : M. Armand Jung

Type de question : Question orale

Rubrique : Culture

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 avril 2013

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