Question orale n° 318 :
autoroutes

14e Législature

Question de : M. Patrice Carvalho
Oise (6e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Patrice Carvalho attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur l'évolution des tarifs de péages d'autoroutes, sujet d'actualité peu de temps avant les migrations estivales. Notre réseau de près de 9 000 km a été privatisé en 2005 et livré aux géants du BTP (Vinci, Eiffage). Cela devait bénéficier aux automobilistes, nous affirmait-on. Ce sont en réalité, les entreprises concessionnaires qui s'enrichissent sur le dos des usagers. Entre 2007 et 2012, les tarifs de péages ont augmenté en moyenne de 11 % (+ 2,2 % en 2011, + 2,5 % en 2012). Et cette année, la hausse s'est élevée, au 1er février, à 2,1 % avec de formidables disparités puisque, si la SANEF a augmenté ses prix de 1,71 %, la société d'autoroute Paris-Normandie est allée jusqu'à 2,29 %. Ainsi, si le prix moyen aux 100 km pour une voiture de particulier s'élève à 7,30 euros sur le réseau Paris-Rhin-Rhône (APRR), il se monte à 10,07 euros sur le réseau Esterel, Côte d'Azur (Escota). Et la Cour des comptes a eu l'occasion de relever que les hausses les plus importantes sont intervenues sur les tronçons les plus empruntés, ce qui relève du racket à l'égard des automobilistes. En 2011, les péages de 18 sociétés concessionnaires ont dégagé une recette de 8,18 milliards d'euros, soit 1,02 milliard d'euros de plus qu'en 2007. Les travaux d'entretien s'élèvent à 1,9 milliard d'euros et 45 % des recettes servent à rémunérer les actionnaires et à honorer les créances bancaires. À titre d'exemple, le bénéfice de la société ASF s'est élevé en 2011 à 788,8 millions d'euros, soit une hausse de 77,8 % par rapport à 2005, celui de l'APRR à 395,4 millions d'euros, soit une augmentation de 103 %. Les autoroutes constituent un bien public. Leur exploitation repose sur un contrat de délégation de service public passé avec l'État, à défaut de n'être plus nationalisées. Or nous ne sommes plus du tout dans cette logique-là mais dans une démarche purement marchande, dont les automobilistes font les frais. Il souhaite savoir ce qu'il compte entreprendre pour mettre un terme à ces dérives.

Réponse en séance, et publiée le 26 juin 2013

TARIFICATION DES PÉAGES D'AUTOROUTES


Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour exposer sa question, n° 318, relative à la tarification des péages d'autoroutes.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, alors qu'arrive la période des migrations estivales, une question à laquelle vont être confrontés des milliers de nos concitoyens resurgit : le prix des péages d'autoroute. Et ce ne sont pas les plus riches qui prennent l'autoroute, je pense que vous en conviendrez, monsieur le ministre.

Entre 2007 et 2012, les tarifs de péages ont augmenté en moyenne de 11 %. Cette année, la hausse s'est élevée à 2,1 % au 1er février. Ce qui est frappant, ce sont les disparités existantes entre les sociétés d'autoroute et les tronçons concernés. Si nous comparons les principaux tarifs publiés tous les ans par l'association des sociétés françaises d'autoroutes, l'ASFA, nous constatons que certaines hausses pulvérisent la moyenne. Le prix d'un Paris-Aix-en-Provence a ainsi progressé de 2,33 % et de près de 5 % en deux ans, passant de 54,40 euros en 2011 à 57,10 euros en janvier 2013. Un Bordeaux-Pau, désormais à 25 euros, a pris un euro, soit une augmentation de 4,17 % en un an et un Chambéry-Genève, à 11,10 euros, a grimpé de 4,72 % et même de 7,7 % par rapport à 2011. Sous un autre angle, le prix moyen pour 100 kilomètres s'élève à 7,30 euros sur le réseau Paris-Rhin-Rhône, mais il grimpe à 10,07 euros sur le réseau Esterel-Côte d'Azur.

La Cour des comptes remarque que les hausses les plus importantes sont intervenues sur les tronçons les plus empruntés, ce qui relève du racket à l'égard des automobilistes. Et je n'évoque pas, monsieur le ministre, cette autre arnaque que constitue la modulation du tarif, destinée, paraît-il, à fluidifier le trafic, qui est pratiquée par la SANEF, dans l'obscurité la plus complète. Quand je vous avais interrogé sur la question, vous m'aviez répondu, je pense, par le biais de la SANEF, puisque l'on retrouvait ses arguments qui sont dénués de toute réalité. Monsieur le ministre, il faudrait quand même se préoccuper de cette question.

Depuis 2005, notre réseau de 9 000 kilomètres d'autoroutes a été livré, par voie de privatisation, aux géants du BTP, Vinci et Eiffage, et à l'espagnol Abertis, propriétaire de la SANEF. En 2011, les recettes des péages de dix-huit sociétés concessionnaires se sont élevées à 8,18 milliards d'euros. À titre d'exemple, le bénéfice d'ASF s'est élevé à 788 millions d'euros en 2011, soit une hausse de 77,8 % depuis 2005, et celui de l'APRR à 395 millions d'euros, soit une augmentation de 103 %. Sur ces recettes, 15 % sont consacrés à l'entretien et aux frais de fonctionnement, 40 % sont perçus par l'État et 45 % servent à rémunérer les actionnaires des sociétés d'autoroutes.

Bien que privatisées, les autoroutes constituent un bien public. Leur exploitation repose sur un contrat de délégation de service public passé avec l'État, mais l'esprit n'est plus du tout celui d'entreprises nationalisées. Nous voyons où nous conduisent les dérives libérales. Comptez-vous, monsieur le ministre, y mettre un terme, et comment ?

M. Nicolas Bays. Excellente question !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, la question des hausses tarifaires des péages autoroutiers se pose régulièrement. Elle interpelle, à juste titre, et c'est un sujet que le Gouvernement et moi-même suivons quasi quotidiennement au titre des relations que l'État doit avoir avec les concessionnaires autoroutiers.

Votre question permet de resituer le cadre, qui est un cadre contractuel. Que les Français le comprennent bien : la concession autoroutière est avant tout un contrat, un contrat de délégation de service public, par lequel l'État confie à des sociétés la construction, l'entretien, l'exploitation d'une autoroute en contrepartie, bien évidemment, de péages. Compte tenu du montant des investissements, ces contrats sont de longue durée, une durée de plusieurs dizaines d'années et, à ce jour, il est important de le préciser, aucune autoroute n'est amortie. Il reste des emprunts sur plusieurs dizaines d'années encore.

S'agissant des tarifs, leur fixation est aussi prévue dans le contrat de concession passé il y a plusieurs années et validé, en France, par décret en Conseil d'État, ce qui lui donne une valeur réglementaire. Chaque tarif proposé par une société concessionnaire, en application du contrat, fait l'objet d'un contrôle minutieux et précis de la part des services de l'État, qui n'hésitent pas à refuser et à modifier, chaque année, des propositions qui leur sont faites, ce afin de respecter les termes des contrats de concession.

Les recommandations du rapport de la Cour des comptes de 2008, auxquelles vous faisiez référence, ont été mises en œuvre. Le ministère a mis fin à la pratique dite du foisonnement, qui ne donnait pas beaucoup de lisibilité aux pratiques tarifaires. Aujourd'hui, s'il existe encore des modulations de tarifs, elles sont prévues dans les contrats initiaux et strictement encadrées. Le niveau moyen d'augmentation se situe autour de 2 % pour l'année 2013, et les hausses se situent dans une fourchette qui va de 1,71 % à 2,29 % pour les sociétés dites historiques.

Il est incontestable que les sociétés concessionnaires d'autoroutes font des bénéfices substantiels, appréciables. Je ne reviens pas – mais on le pourrait, et vous l'avez d'ailleurs fait – sur ce qui a amené à la privatisation des autoroutes. Celle-ci a été décidée en 2005 par la droite. Les bénéfices auxquels vous faites référence, monsieur le député, auraient dû financer les infrastructures nationales, ils auraient dû alimenter l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF. Si, aujourd'hui, nous sommes confrontés à cette problématique du rapport Duron de la commission Mobilité 21, c'est précisément parce que nous avons été privés de ce système vertueux, dans lequel le péage permet la modernisation des infrastructures en évitant une charge supplémentaire.

La privatisation s'est faite dans les conditions que vous connaissez. Si celles-ci furent très largement critiquées et très largement dénoncées, elles n'en sont pas moins une réalité. En outre, la privatisation s'est faite sur la base des contrats préexistants, qui donnaient eux-mêmes le la des relations entre l'État et les concessionnaires, que l'on peut, à bien des égards, considérer comme des relations déséquilibrées.

Pour notre part, nous avons souhaité rééquilibrer les choses, notamment en procédant à une augmentation de la redevance domaniale, laquelle ne peut être répercutée sur les automobilistes. Cette augmentation est effective depuis le 28 mai dernier. Cette recette prélevée sur les concessionnaires d'autoroutes, bénéficiera justement à l'Agence de financement des infrastructures de transport. Il faut maîtriser les contrats, leur performance, mais il faut également vérifier ce qui est réalisé par les concessionnaires en termes d'exploitation, d'entretien. Des pénalités, prévues par les contrats, peuvent éventuellement être appliquées.

À l'époque, les contrats étaient un lien juridique. Aujourd'hui, ils sont parfois un enjeu de la relation, voire du contentieux, entre l'État et les concessionnaires, dans un rapport de force qui n'est pas toujours favorable au premier. À nous d'être vigilants et d'y remédier, à nous de faire en sorte que le bien public, la gestion du domaine public n'obéisse pas uniquement à une vision financière, à un souci de rentabilité.

M. Nicolas Bays. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Patrice Carvalho

Type de question : Question orale

Rubrique : Voirie

Ministère interrogé : Transports, mer et pêche

Ministère répondant : Transports, mer et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 juin 2013

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