Question orale n° 331 :
activités

14e Législature

Question de : Mme Corinne Erhel
Côtes-d'Armor (5e circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen

Mme Corinne Erhel attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur le projet d'extraction de sable coquillier en baie de Lannion et sur ses incidences tant écologiques qu'économiques, compte tenu de la zone d'exploitation retenue. Il prévoit en effet l'extraction de 600 000 tonnes de sable durant 20 ans, soit près de 345 extractions par an, dans un secteur situé entre deux zones Natura 2000. L'Ifremer a émis un avis réservé à la demande de concession et un avis très réservé à l'autorisation de travaux d'exploitation. Ce projet fait également l'objet de plusieurs réserves légitimes de la part de nombreuses associations et organismes professionnels, mais également des élus et de très nombreux citoyens. On ne peut en effet ignorer les conséquences d'un tel projet d'extraction pour la biodiversité ou encore pour le littoral, mais aussi pour l'emploi et l'activité économique tant en mer qu'à terre. Par conséquent, seule une redéfinition du projet, tenant compte des nombreuses réserves émises quant à la zone retenue pour l'extraction, permettrait d'aboutir à un nouveau projet socialement acceptable et écologiquement responsable. Elle le remercie de bien vouloir lui faire connaître les intentions du Gouvernement sur ce dossier sensible.

Réponse en séance, et publiée le 26 juin 2013

EXTRACTION DU SABLE DANS LA BAIE DE LANNION


Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour exposer sa question, n° 331, relative à l'extraction du sable dans la baie de Lannion.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le le ministre de l’éducation nationale, ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif et porte sur le projet d'extraction de sable coquillier en baie de Lannion, située sur la côte de granite rose dans les côtes d'Armor et sur ses incidences locales, tant écologiques qu'économiques. La demande de concession minière porte sur l'extraction de très importants volumes de sable coquillier sur le gisement dit « pointe d'Armor ». Le projet prévoit en effet l'extraction de 600 000 tonnes de sable pendant vingt ans, soit près de 345 extractions chaque année, dans un secteur situé entre deux zones Natura 2000 et à proximité de réserves naturelles. Le projet appelle, dans sa définition, sa localisation et son périmètre plusieurs réserves légitimes. Des questions demeurent sur l'état initial de la faune et de la flore dans la zone concernée par le projet d'extraction et l'existence ou non d'une étude de courantologie.

Les conséquences écologiques d'un tel projet par quarante mètres de fond posent également problème. Il n'existe à ma connaissance pas d'outil fiable de mesure des effets à cette profondeur, ce qui pose la question de la réversibilité du projet. D'autre part, si l'enjeu économique pour l'entreprise demandeuse a été bien souligné par les études, force est de constater que l'impact sur les équilibres économiques locaux n'a pas été mesuré alors que la zone d'extraction envisagée est aussi une zone de pêche. La côte de granit rose fait partie des hauts lieux constitutifs de l'image de marque de la Bretagne en France et à l'étranger. Les activités de tourisme, en particulier la plaisance et la plongée, risquent également de souffrir de ce projet.

Enfin, il se pose la question de l'acceptabilité sociale et territoriale d'un tel projet alors que les treize communes concernées et la communauté d'agglomération de Lannion, qui représente plus de 50 000 habitants, ont, au cours de l'enquête publique, émis un avis défavorable. En ce qui me concerne, j'ai eu l'occasion de faire part, à plusieurs reprises, des extrêmes réserves qui sont les miennes. Ce projet fait également l'objet de très vives contestations de la part de nombreuses associations et organismes professionnels regroupés au sein du collectif « Le peuple des dunes en Trégor ». Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet sensible, et où en sont les procédures d'attribution de la concession et d'autorisation d'ouverture des travaux ? Je vous rappelle les incertitudes soulevées par les études menées lors de la procédure, ainsi que les oppositions locales, que j'estime tout à fait légitimes.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Madame la députée, j'ai la dure tâche de remplacer le ministre du redressement productif – dont chacun sait pourtant qu'il est irremplaçable (Sourires) – en répondant en son nom à la question que vous lui avez posée sur le projet d'extraction de sable coquillier en baie de Lannion par la Compagnie Armoricaine de Navigation. Cette question, je l'avoue, m'aura donné l'occasion de m'instruire. L'engagement no 94 du Grenelle de l'environnement préconisait l'arrêt de l'exploitation du maërl au titre de la protection d'un habitat remarquable. La majeure partie du maërl extrait avait pour but d'augmenter le pH des sols bretons en vue d'une utilisation agricole ultérieure. Ce matériau peut être remplacé par des sables coquilliers.

La Compagnie Armoricaine de Navigation, principal industriel français concerné, exploitait trois gisements de maërl pour, en 2009, 350 000 mètres cubes de matériaux calcaires marins, dont 200 000 mètres cubes de maërl et 150 000 mètres cubes de sables coquilliers. À terme, pour couvrir les besoins des agriculteurs suite à l'arrêt de l'extraction du maërl, le volume à extraire est de 450 000 mètres cubes de sables coquilliers. La compagnie contribue à plus de 75 % des approvisionnements bretons en amendements calcaires. Afin de préparer sa stratégie de reconversion par la montée en puissance de l'extraction des sables coquilliers en vue de remplacer le maërl, la compagnie a déposé des demandes de concessions en sables coquilliers couvrant les volumes nécessaires, stratégie exposée au cabinet du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en juillet 2009.

La compagnie a donc déposé en janvier 2010 un dossier conjoint de demande de concession et d'autorisation d'ouverture de travaux, dit « de la Pointe d'Armor », afin de compenser les volumes constitués par le maërl et d'anticiper une augmentation des besoins. La demande de concession est faite pour une durée de vingt ans, sur une surface de quatre kilomètres carrés, un volume maximal de 400 000 mètres cubes par an, sur le domaine public maritime, au large des Côtes-d'Armor. En conclusion des instructions locales et nationales, il a été émis un avis favorable au projet, qui s'inscrit dans le cadre de l'abandon progressif de l'exploitation du maërl. Les modalités de l'extraction pourront être modulées pour tenir compte des résultats du suivi et des études réalisées par l'exploitant.

Aux yeux des services instructeurs, cette solution permet de concilier la préservation de l'environnement et le maintien de l'activité économique de proximité, dont l'agriculture est dépendante pour ses approvisionnements en amendements calcaires. En tout état de cause, si la concession devait être accordée, le Gouvernement serait attentif à l'inclusion d'une clause de réversibilité imposant la cessation de l'activité en cas d'impact dommageable sur les sites Natura 2000. L'instruction démontre que les critères pour l'attribution de la concession sont satisfaits. En ce qui concerne l'autorisation d'ouverture de travaux, le Gouvernement souligne qu'il est possible d'autoriser les travaux sous condition du respect des recommandations issues du projet préparé par le préfet du Finistère, incluant notamment des modalités transitoires en début d'exploitation, qui pourront évoluer en fonction des résultats et du suivi.

Compte tenu de la localisation du site, et en particulier des deux zones Natura 2000 jouxtant le site, le Gouvernement doit permettre une compréhension aussi bonne que possible de la nature du projet par les différents acteurs locaux. C'est pourquoi, madame la députée, le ministre du redressement productif réunira dans les prochaines semaines les élus locaux, les parlementaires, les associations et le monde économique breton.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le ministre, je me permets d'insister sur les grandes interrogations suscitées par ce projet extrêmement sensible. En tout état de cause, si le projet devait être autorisé, des procédures de suivi très strictes, prévoyant l'arrêt immédiat de l'exploitation en cas de besoin, devraient être prévues. La région géographique concernée constitue une zone sensible, et c'est l'image de marque de la Bretagne qui est en jeu.

Données clés

Auteur : Mme Corinne Erhel

Type de question : Question orale

Rubrique : Mer et littoral

Ministère interrogé : Redressement productif

Ministère répondant : Redressement productif

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 juin 2013

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