Question orale n° 368 :
assujettissement

14e Législature

Question de : M. Philippe Vitel
Var (2e circonscription) - Les Républicains

M. Philippe Vitel interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sur le critère d'assujettissement à la TVA des actes chirurgicaux. En effet, alors que la Cour de justice de l'Union européenne vient de rappeler le 21 mars 2013, dans le cadre d'une question préjudicielle suédoise (CJUE, C-91-12, PFC clinic), que les actes de chirurgie et de médecine esthétique doivent être exonérés de TVA dès lors qu'ils ont une finalité thérapeutique et que seul le praticien peut apprécier cette finalité ; l'administration fiscale a une position opposée en posant, sans motivation, dans un Bulletin officiel des impôts du 27 septembre 2012 sur la chirurgie plastique que seul le critère de la prise en charge par la sécurité sociale d'un acte permet son exonération de TVA, en s'écartant totalement de l'appréciation de chaque praticien sur la finalité thérapeutique des actes qu'il réalise. Dans ces conditions, il lui demande s'il compte prescrire à ses services un rétablissement de l'interprétation initiale faisant du non-remboursement un indice parmi d'autres d'appréciation de la présence ou pas d'un acte à finalité thérapeutique et en admettant, comme la Cour de Luxembourg l'y invite, que l'appréciation de la finalité thérapeutique d'un acte de chirurgie plastique dépend du médecin qui le pratique.

Réponse en séance, et publiée le 14 juin 2013

ASSUJETTISSEMENT À LA TVA DES ACTES CHIRURGICAUX

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, pour exposer sa question, n° 368, relative à l'assujettissement à la TVA des actes chirurgicaux.
M. Philippe Vitel. Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Jean-Pierre Door, s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget ; elle a trait aux critères d'assujettissement des actes thérapeutiques à la TVA.
Il est de règle constante que les actes thérapeutiques sont exonérés de TVA. Il est également de règle constante que l'appréciation du caractère thérapeutique d'un acte relève de la seule compétence du praticien, lui seul ayant reçu la qualification pour soigner par la pratique de son art.
Pourtant, l'administration fiscale a décidé de changer cette règle, en introduisant dans le bulletin officiel des impôts du 27 septembre 2012, le principe selon lequel un acte de chirurgie plastique est désormais assujetti à la TVA, dès lors qu'il n'est pas remboursé par la sécurité sociale. Il s'agit là d'une brèche considérable dans un dispositif jusque-là intangible. Cette brèche est bien sûr inacceptable dans un environnement budgétaire où la tendance est de rembourser de moins en moins les actes chirurgicaux et médicaux.
Si l'on suivait l'administration, non seulement le patient n'est plus remboursé, mais en plus il doit s'acquitter de la TVA. Cette interprétation est de plus inacceptable puisqu'elle est contraire au droit, notamment communautaire. L'administration fiscale pose en effet comme critère exclusif le remboursement par la sécurité sociale, faisant de ce dernier non plus un indice, mais un référent absolu de l'existence d'un acte thérapeutique ou pas. Or la Cour de justice de l'Union européenne vient de rappeler le 21 mars dernier, dans le cadre d'une question préjudicielle suédoise que, d'une part, les actes de chirurgie et de médecine esthétiques doivent être exonérés de TVA dès lors qu'ils ont une finalité thérapeutique et, d'autre part - c'est un point fondamental -, que seul le praticien peut apprécier cette finalité thérapeutique.
Ce rappel par la Cour de justice est donc radicalement contraire à la position de l'administration fiscale qui rappelle immanquablement qu'elle souhaite s'affranchir de l'appréciation de chaque praticien pour la détermination de la finalité thérapeutique. Cet argument est d'ailleurs repris dans les réponses types faites par le ministère du budget : " Le critère de la prise en charge par l'Assurance maladie constitue un critère permettant d'assurer la sécurité juridique des médecins en s'affranchissant ainsi de l'appréciation subjective de chaque praticien ou patient qui aurait été placé sous le contrôle a posteriori de l'administration ". Cet argument ne peut donc plus tenir, à moins de tromper la représentation nationale et de continuer ainsi de mettre patients et praticiens dans une situation de fragilité juridique inacceptable.
Enfin, le principe introduit par l'administration est discriminatoire en ce qu'il ne s'applique qu'à une seule profession médicale. Tous les actes des autres professions restent exonérés de TVA, quand bien même ils ne seraient pas remboursés par l'assurance maladie - et ils sont légion. Des personnalités hautement qualifiées ont d'ailleurs relevé ainsi la contrariété au droit de cette position de l'administration, notamment Pierre Sargos ancien président de la Cour de Cassation.
Monsieur le ministre, maintenez-vous cette interprétation erronée de votre administration ? Si oui, allez-vous désormais assujettir à la TVA tous les actes chirurgicaux et médicaux non remboursés dans un souci d'égalité d'interprétation ? Sinon, comptez-vous prescrire à vos services un rétablissement de l'interprétation initiale faisant du non-remboursement un indice d'appréciation parmi d'autres de la présence ou pas d'un acte à finalité thérapeutique ? Je vous remercie.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Bernard Cazeneuve auquel vous adressiez votre question. Il faut au moins deux membres du Gouvernement, et particulièrement la présence de Christiane Taubira, pour porter et accompagner le propos et l'écrit de M. Cazeneuve qui me demande de bien vouloir être le modeste interprète de sa pensée profonde. (Sourires.)
Par rescrit du 27 septembre 2012, l'administration a précisé s'agissant des actes de médecine et de chirurgie esthétique, que seuls les actes pris en charge totalement ou partiellement par la sécurité sociale étaient exonérés de TVA, conformément à la directive TVA du 28 novembre 2006.
Pour qu'un acte soit exonéré de TVA, il faut donc en application de ces textes, d'une part, qu'il soit effectué par un médecin au sens de la réglementation de chaque État membre - c'est le critère organique - et d'autre part, qu'il ait un caractère thérapeutique - c'est le critère matériel -, c'est-à-dire qu'il vise à " prévenir, diagnostiquer, soigner, et si possible, guérir les maladies et anomalies de santé ".
Or concernant cette problématique, la Cour a récemment rendu un arrêt dans l'affaire PFC Clinic AB le 21 mars 2013, précisément dans le domaine de la chirurgie esthétique, dans lequel elle se borne à indiquer que l'intervention d'un médecin est de nature à influer sur la qualification des actes, sans plus de précision. Elle a par contre clairement rappelé qu'un acte de nature purement cosmétique n'était pas éligible à l'exonération de TVA. La Cour de justice de l'Union Européenne n'a donc jamais jugé que l'appréciation de la nature thérapeutique de l'acte relevait du seul praticien amené à pratiquer l'acte. Au demeurant, cette interprétation viderait de sens la jurisprudence de la Cour dès lors qu'elle impliquerait que l'exonération n'est subordonnée qu'au respect du seul critère organique.
L'interprétation de l'administration est confortée par la Cour de justice de l'Union Européenne et il ne lui sera donc pas demandé de la modifier. En tout état de cause, le Conseil d'État, saisi sur la légalité de cette précision, devrait rendre son arrêt dans les toutes prochaines semaines. Je vous remercie.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.
M. Philippe Vitel. Nous attendrons bien sûr avec intérêt l'arrêt du Conseil d'État, car vous venez de confirmer simplement que vote collègue reste sur une position radicalement contraire à celle de la Cour de justice de l'Union Européenne. En ce cas, en fonction de l'avis du Conseil d'État, celle-ci pourrait être amenée à se prononcer. Nous demeurons dans une ambiguïté liée à une mauvaise discrimination entre acte cosmétique et acte thérapeutique. Seul le praticien qualifié, qui dispose de la compétence, est à même d'en juger.
Mme la présidente. Nous remercions M. le le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche et accueillons Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, à laquelle sera posée la question suivante.

Données clés

Auteur : M. Philippe Vitel

Type de question : Question orale

Rubrique : Tva

Ministère interrogé : Budget

Ministère répondant : Budget

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 juin 2013

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