produits sanguins labiles
Question de :
M. Damien Abad
Ain (5e circonscription) - Les Républicains
M. Damien Abad attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la situation du Laboratoire français de fractionnement et des biotechnologies (LFB) et sur la question de la préservation du modèle français du don du sang reposant sur la gratuité et le bénévolat. Le système établi par l'Établissement français du sang (EFS) est fondé sur les valeurs de bénévolat, d'altruisme, de la gratuité du don, mais aussi d'approvisionnement et d'autosuffisance en produits sanguins pour les patients nationaux. L'EFS cède par lots des poches de plasma sanguin au LFB qui détient, de par la loi, le monopole de la fracturation « éthique » des médicaments dérivés du sang (MDS). Pour autant les MDS, relevant du champ du médicament, sont soumis à la mise en concurrence par appel d'offres des hôpitaux. Cette situation met directement le LFB en concurrence sur le marché de nos hôpitaux français avec de grandes entreprises étrangères (Baxter, CSK, Octapharma) qui ne sont pas soumises aux mêmes exigences en matière de sécurité sanitaire. En réalité, les autorités sanitaires françaises imposent au LFB des exigences telles que la déclaration de suspicion en matière de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique (MCJS) qui implique qu'un lot de médicaments susceptible de contenir du plasma d'un donneur suspecté d'être porteur de cette maladie soit retiré en totalité et détruit. En revanche, le rapport IGAS N°RM2010-089P indique que les MDS importés ne subissent aucun contrôle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. En conséquence, cette distorsion de concurrence met en difficulté l'ensemble de notre système de collecte de sang. Le LFB, qui a perdu près de 50 % de l'approvisionnement des hôpitaux français, se trouve dans une situation financière déséquilibrée, ce qui n'est pas sans risque pour un certain nombre d'emplois. En outre, avec ce recul de la présence du LFB, c'est autant de dons bénévoles éthiques collectés par l'EFS qui ne bénéficient plus aux malades. Face à cette situation qui inquiète patients, donneurs et EFS, il lui demande les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour préserver le modèle français de sécurité sanitaire et de gratuité du don. Il souhaite également savoir quelles sont les actions envisagées par elle au niveau européen pour aboutir à une harmonisation des dispositions en la matière.
Réponse en séance, et publiée le 14 juin 2013
PRÉSERVATION DU SYSTÈME FRANÇAIS DE COLLECTE DE SANG
Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour exposer sa question, n° 377, relative à la préservation du système français de collecte de sang.M. Damien Abad. Madame la ministre déléguée chargée de la famille, à la veille de la Journée mondiale des donneurs de sang organisée le 14 juin, ma question porte sur la préservation du modèle français du don de sang, qui repose, comme vous le savez, sur la gratuité et le bénévolat.
Aujourd'hui, 1 million de malades sont soignés grâce aux produits sanguins. Depuis 2000, la consommation de produits sanguins a augmenté de près de 27 %.
La France fonctionne avec un système particulier fondé sur les valeurs de bénévolat, d'altruisme, de gratuité du don, mais aussi sur l'autosuffisance de l'approvisionnement en produits sanguins, lequel est géré par l'Établissement français du sang. Celui-ci cède des poches de plasma sanguin par lots au Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le LFB, qui détient, de par la loi, le monopole de la fracturation " éthique " des médicaments dérivés du sang.
Or, pour les appels d'offres sur les médicaments dérivés du sang, le LFB est mis en concurrence, sur le marché des hôpitaux français, avec les grandes entreprises étrangères qui ne sont pas soumises, elles, aux mêmes exigences en matière de sécurité sanitaire ; je pense notamment à la déclaration de suspicion en matière de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
En conséquence, il y a une distorsion de concurrence, qui met en difficulté notre système de collecte de sang. Des coûts spécifiques pèsent sur le LFB du fait des règles de sécurisation du plasma, de sorte qu'il a perdu près de 50 % de l'approvisionnement des hôpitaux français. Il se trouve aujourd'hui dans une situation financière déséquilibrée, ce qui n'est bien sûr pas sans risque en matière d'emplois.
En outre, ce sont autant de dons bénévoles éthiques - auxquels nous sommes attachés -, collectés par l'Établissement français du sang, qui ne bénéficient plus aux malades. Les hôpitaux ont tendance à s'approvisionner à l'étranger, où les donneurs sont en réalité bien souvent des travailleurs pauvres que l'on rémunère.
M. François Rochebloine. Eh oui !
M. Damien Abad. Face à cette situation qui inquiète les patients, les donneurs et l'Établissement français du sang, je vous demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour préserver ce modèle français de sécurité sanitaire et de gratuité du don. Je souhaiterais également connaître les actions envisagées par le Gouvernement au niveau européen pour aboutir à une harmonisation des dispositions en la matière, qui s'appuierait sur les exigences françaises.
M. François Rochebloine. Très bonne question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je tenterai, au nom de Mme Marisol Touraine, d'apporter des éléments de réponse à cette question importante.
Monsieur le député, le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies est une société anonyme détenue à 100 % par l'État, à laquelle le législateur a confié la mission de fractionner le plasma collecté par l'Établissement français du sang et d'approvisionner le marché français en médicaments qui en sont issus.
Son objectif est d'assurer la suffisance, sur le territoire national, en médicaments dérivés du sang issus de plasma éthique français. Le LFB développe également des projets en biotechnologie, dans un milieu international concurrentiel. L'État ne perçoit aucun dividende en raison du caractère bénévole du don. Le LFB réinvestit tous ses bénéfices, maintenant ainsi la cohérence éthique du système français.
Les conditions de la fabrication et de la commercialisation des médicaments dérivés du sang sont prévues par la directive européenne sur les médicaments. Dans ce cadre, le système d'autorisation de mise sur le marché européen s'applique et la France ne peut s'opposer à l'entrée sur son territoire de médicaments dérivés du sang étrangers.
Dans ce domaine, le LFB a progressivement perdu des parts de marché face à des laboratoires étrangers du fait d'une moindre compétitivité de ses prix. Les hôpitaux français sont en effet soumis au code des marchés publics en matière d'appel d'offres et ne peuvent favoriser le LFB.
Aujourd'hui, les situations de l'EFS et du LFB sont impactées par la politique des retraits de lots fondée sur le principe de précaution en raison du risque lié à la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Les autres pays de l'Union européenne n'appliquent pas une telle politique de sécurité. Le rappel de lots demandé par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé n'est, pour autant, qu'un élément parmi d'autres pour expliquer les difficultés du LFB. En effet, le rappel de lots pèse, économiquement, principalement sur l'EFS.
Monsieur le député, afin de réévaluer la situation, le ministère des affaires sociales et de la santé a saisi fin 2012 l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ainsi que le Haut conseil de la santé publique, afin d'établir si une évolution est possible dans le respect de la sécurité des patients et afin de ne pas pénaliser économiquement la filière française des produits sanguins.
Afin de répondre à la fragilisation, dans un contexte concurrentiel tendu, de certains acteurs de la filière plasma, le ministère des affaires sociales et de la santé a engagé une réflexion d'ensemble menée par un parlementaire, votre collègue Olivier Véran. Cette mission a pour but de renforcer les acteurs français de cette filière, de pérenniser leurs activités autour des grands principes qui constituent le socle de notre système de transfusion sanguine : la séparation de la collecte, de la transformation et du contrôle des produits sanguins, ainsi que le don éthique et l'autosuffisance.
Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien Abad. Madame la ministre, vous nous dites, en gros : " Circulez, il n'y a rien à voir, ou presque ! " Une directive européenne nous impose un certain nombre de règles, nous avons un certain nombre d'exigences en termes de sécurité sanitaire. Je vois d'ailleurs que le principe de précaution lui-même doit faire l'objet de débats, puisqu'il nous amène parfois à des solutions un peu bizarroïdes.
Le problème, c'est qu'on ne peut pas, d'un côté, demander à l'EFS et au LFB le respect d'exigences spécifiquement françaises et, d'un autre côté, ne pas avoir d'harmonisation européenne sur le sujet. Peut-être le Gouvernement devrait-il pousser l'Union européenne dans le sens de la création d'un label européen de collecte éthique. En tout cas, il devrait au moins faire le maximum - tout en respectant, je le sais bien, les règles relatives à la concurrence - pour que soient reconnues à l'échelon européen les contraintes que la France impose à l'EFS et au LFB. Car sinon, c'est notre système de bénévolat du don de sang qui va disparaître.
M. François Rochebloine. Absolument ! Il a raison !
M. Damien Abad. Vous n'êtes pas visée personnellement, madame la ministre. Je m'adressais à Mme la ministre de la santé, dont je suis surpris qu'elle ne soit pas présente. Je lui ai déjà adressé deux questions écrites sur ce sujet, et si j'ai déposé une question orale, c'est pour au moins avoir une réponse. Mais aujourd'hui, c'est un fragment de réponse qui vient d'être apporté, alors que ce sujet de la gratuité du don est essentiel et central. Honnêtement, je pense que nous devrions pousser tous ensemble au niveau européen afin que les spécificités françaises et le principe de précaution à la française n'aboutissent pas au contraire du but recherché, c'est-à-dire à la suppression de la gratuité et du bénévolat en matière de don de sang.
M. François Rochebloine. Très bien !
Auteur : M. Damien Abad
Type de question : Question orale
Rubrique : Sang et organes humains
Ministère interrogé : Affaires sociales et santé
Ministère répondant : Affaires sociales et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 juin 2013