armée de l'air
Question de :
M. Yannick Favennec
Mayenne (3e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
M. Yannick Favennec attire l'attention de M. le ministre de la défense sur sa décision de ne pas autoriser la réalisation du parc éolien de Charchigné (Mayenne) et de ne plus délivrer de permis de construire pour de nouvelles éoliennes sur ce secteur, sous prétexte qu'elles se situent dans un secteur d'entraînement militaire pour des vols à très basse altitude. Alors que la France est déjà en retard sur l'objectif de production de 23 % d'énergies renouvelables à partir de 2020 et que les procédures administratives pour construire une éolienne sont, à titre de comparaison, deux fois plus longues en France (six ans) qu'en Allemagne (à peine trois ans), cette décision est d'une totale incohérence. C'est pourquoi, alors qu'il soutient la volonté du conseil général de la Mayenne de vouloir au moins 100 éoliennes dans le département d'ici à 2020, il lui demande s'il entend revenir sur une décision prise sans aucune concertation avec les élus du territoire et qui, si elle était maintenue, risquerait de porter préjudice à des projets économiquement importants pour l'avenir et le développement du nord-est mayennais dont, notamment, le projet d'aménagement du mont du Saule sur Le Ribay et Hardanges.
Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2014
DIFFICULTÉS CAUSÉES PAR LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE AU DÉVELOPPEMENT DES ÉOLIENNES DANS LE DÉPARTEMENT DE LA MAYENNE
M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour exposer sa question, n° 463, relative aux difficultés causées par le ministère de la défense au développement des éoliennes dans le département de la Mayenne.
M. Yannick Favennec. Je regrette très vivement, monsieur le président, que le ministre de la défense n'ait pas trouvé le temps de venir en personne répondre à une question qui le concerne pourtant directement et dont il a été informé depuis plusieurs semaines déjà.
En effet, c'est lui et lui seul qui a pris la décision brutale, sans aucune concertation, de refuser en fin d'année dernière l'octroi d'un permis de construire à un parc éolien sur une commune de ma circonscription, Charchigné, entraînant par la même occasion la remise en cause potentielle d'autres projets de ce type dans mon département de la Mayenne, au motif que ces futures éoliennes se situeraient dans un secteur d'entraînement au vol à très basse altitude des aéronefs de l'armée, un SETBA. Cette décision a provoqué l'incompréhension, l'indignation, voire la colère des acteurs locaux.
Pourtant, ces zones de développement éolien de la Mayenne ont été approuvées par les préfets successifs après avis favorables des services de l'État dont, je le précise et j'y insiste, celui de 1'armée.
L'objectif du conseil général de la Mayenne est d'installer cent éoliennes d'ici à 2020. Il est conforme aux objectifs nationaux de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. Lorsqu'il sera atteint, l'énergie éolienne couvrira 17 % de la consommation électrique mayennaise. J'ajoute que ces cent éoliennes représenteraient deux millions d'euros de fiscalité annuelle pour les collectivités locales concernées.
La remise en cause décidée par M. le ministre est de nature à compromettre l'attractivité et le développement économique du nord-est de la Mayenne. Elle met également en péril l'avenir d'entreprises spécialisées dans le développement éolien qui, grâce à l'approbation des zones de développement éolien, les ZDE, sont venues investir dans mon département.
Il y a cinq ans, la Mayenne a été traumatisée par la dissolution et le départ du 42e régiment de transmissions de Laval et par l'abandon du terrain d'entraînement militaire d'Hardanges, petite commune rurale du nord-est de ma circonscription. Aujourd'hui, l'armée trouve un regain d'intérêt pour notre beau département, mais pour y faire voler à basse altitude ses avions de combat et ses hélicoptères.
Nous sommes tous conscients de la nécessité des SETBA, mais je vous demande au nom de tous les Mayennais inquiets, qui portent ces projets éoliens fragilisés par votre décision, de revenir rapidement sur celle-ci, et d'étudier aussi à brève échéance la possibilité de déplacer ces terrains d'entraînement vers des secteurs géographiques moins favorables à l'éolien.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je ne suis pas M. Le Drian, monsieur le député, mais en dépit des lourdes tâches qui l'occupent, il a souhaité vous apporter le maximum d'éléments de réponse…
M. Yannick Favennec. C'est la moindre des choses !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous le verrez, sa réponse comporte une avancée, au moins en demi-ton – mais je vous en laisse juge.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale rappelle que la protection du territoire implique que soient assurés le contrôle et la surveillance des espaces nationaux et de leurs approches. Cette mission, qui incombe à l'État, fonde d'ailleurs la posture permanente de sûreté ainsi que la dissuasion. Au-delà, comme vous le savez bien, monsieur le député, la France entend disposer des capacités militaires permettant de mener des interventions extérieures, comme elle l'a fait récemment en Libye et au Mali.
Ces deux facteurs imposent de pouvoir s'appuyer sur des capacités de détection et de contrôle performantes et de disposer d'espaces permettant l'entraînement de nos équipages dans des conditions similaires à celles qu'ils connaissent en opération. Il existe, en France des réseaux à très basse altitude, qui sont des couloirs permettant l'entraînement à l'assaut. L'un d'entre eux se trouve en effet dans le département de la Mayenne. En outre, il existe des secteurs d'entraînement au vol à très basse altitude, les SETBA, qui permettent l'entraînement au combat et à l'interception à basse altitude. Là encore, une partie de la Mayenne est concernée.
Je peux vous assurer, monsieur le député, que la taille de ces zones est adaptée aux justes besoins de l'armée de l'air, compte tenu des vitesses de déplacement et de la nécessité de travailler en patrouilles.
Or, le masquage créé par les éoliennes a un impact avéré sur la qualité de la détection qu'effectuent les radars de défense aérienne, les sémaphores et les radars de trajectographie des centres d'essais. Il provoque une forte atténuation du signal retour qui retarde, voire empêche la détection des mobiles évoluant derrière les parcs éoliens.
Malgré ces contraintes, le ministère de la défense s'est engagé dans une approche constructive pour concilier ses activités avec l'objectif ambitieux qu'a affiché le Gouvernement d'accroître significativement la part des énergies renouvelables dans la consommation nationale. Je rappelle que, sur les 3 000 demandes annuelles environ qu'il reçoit chaque année en préconsultation, le ministère émet un avis favorable dans 85 % des cas.
S'agissant de la Mayenne, le ministère de la défense travaille en lien étroit avec les élus locaux et bon nombre d'entre eux dont vous-même, monsieur le député, ont ainsi pu participer le 20 décembre dernier à une réunion d'information organisée à Laval par le préfet du département et à laquelle, à la demande de M. le ministre, participait aussi le directeur de la circulation aérienne militaire. Celui-ci a rappelé à cette occasion que si les secteurs d'entraînement au vol à très basse altitude ne sont pas incompatibles avec le développement de projets éoliens individuels, la trop grande densité de ces derniers pourrait finir par mettre en cause la sécurité des équipages qui y évoluent.
C'est pourquoi il a été indiqué lors de cette réunion qu'il n'y aurait pas de variation de l'avis défavorable du ministère au projet de Charchigné, mais qu'en revanche l'a priori positif sur le projet du Mont du Saule pourrait être confirmé lors du dépôt du permis de construire et au vu des caractéristiques techniques finales du projet.
Je sais que la Mayenne est un département très volontaire en matière de développement éolien et je suis convaincue qu'il sera possible, dans la concertation autour des services de l'État et de ceux de la région, d'avancer avec l'ensemble des acteurs locaux pour permettre à de futurs projets d'émerger, qu'il s'agisse de la densification de champs existants ou de l'implantation de champs supplémentaires en bordure de zone.
M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.
M. Yannick Favennec. Ce n'est naturellement pas vous, madame la ministre, que je mets en cause, mais je regrette que M. le ministre de la défense n'ait pas souhaité rencontrer d'une manière ou d'une autre les élus locaux. Je sais par exemple que le président du conseil général de la Mayenne l'a sollicité pour obtenir un rendez-vous, mais qu'il attend toujours une réponse.
En tout état de cause, vos arguments ne m'ont pas totalement convaincu et, croyez-moi, l'abandon définitif du projet de Charchigné sur décision du ministre de la défense ne manquera pas de provoquer des réactions en Mayenne !
Auteur : M. Yannick Favennec
Type de question : Question orale
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : Défense
Ministère répondant : Défense
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2014