Question orale n° 494 :
chimie

14e Législature

Question de : Mme Marie-Noëlle Battistel
Isère (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Marie-Noëlle Battistel attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur l'avenir de la filière chimie en Rhône-Alpes, suite à l'annonce faite par la société Vencorex, joint-venture entre Perstorp et PTT Global chemical, de l'arrêt de la production du TDI, en comité d'entreprise le 28 novembre 2013, ce qui entraîne une perte d'emplois directs important mais aussi de très nombreux emplois indirects liés aux activités amont et aval. Elle demande comment il entend agir pour soutenir la filière et sauvegarder ces milliers d'emplois.

Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2014

AVENIR DE LA FILIÈRE CHIMIE EN RHÔNE-ALPES
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, n°  494, relative à l'avenir de la filière chimie en Rhône-Alpes.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le ministre, ma question s'adresse à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.

La société Vencorex, spécialisée dans la production de diisocyanate de toluène. Plus couramment appelée TDI, cette matière est notamment employée dans la fabrication de mousses et de matelas. Cette société a annoncé, le 28 novembre 2013, le possible abandon de son site isérois. Cette annonce a provoqué une inquiétude forte et légitime chez les salariés du site, leurs représentants syndicaux, les élus locaux et le monde économique. Même si notre bassin industriel fait partie des plus innovants d'Europe, la désindustrialisation reste une menace quotidienne contre laquelle toutes les énergies doivent être mobilisées. Je salue d'ailleurs l'engagement du Gouvernement ainsi que, dans les régions, celui des commissaires au redressement productif sur ce sujet.

Ainsi, afin de soutenir l'emploi dans la chimie et la pérennité de la plate-forme du Pont-de-Claix, l'État et les collectivités territoriales ont décidé, dans le cadre du plan de prévention des risques technologiques, de financer à hauteur de 40 % – soit un investissement de 35 millions d'euros de fonds publics – le projet EAGLE de réduction des risques à la source. Or depuis deux ans, dans un contexte de crise économique et face à une concurrence internationale très forte, Vencorex connaît sur ce site un déficit de trésorerie récurrent. Ce sont ces difficultés qui ont récemment conduit à des annonces inquiétantes à propos du réexamen de la stratégie de la société. Si rien n'est fait, cela pourrait conduire à l'abandon d'une part importante de la production du site à l'échéance 2016 et, par voie de conséquence, à la suppression de très nombreux emplois et à l'étude d'un PPRT réduit.

À l'horizon 2016, ce scénario prévoit l'arrêt de la production de TDI, la reconversion de l'atelier pour produire du HDI, la réduction de la production de chlore et la révision en conséquence du programme de travaux prévus par le PPRT, gelant ainsi l'urbanisation de la commune du Pont-de-Claix. Le pire serait bien évidemment l'arrêt total du site et la suppression de milliers d'emplois – hypothèse qui, à ce jour, n'est pas écartée.

Ainsi, dans ce contexte difficile, je tiens à vous faire part de mes préoccupations quant au choix industriel qui sera fait et quant à ses conséquences économiques sur l'ensemble de la région Rhône-Alpes, et en particulier sur le pôle grenoblois ainsi que sur la vallée de la chimie en région lyonnaise. En effet, de nombreuses entreprises, en aval et en amont, dépendent directement ou indirectement de l'activité de la plate-forme chimique du Pont-de-Claix. C'est le cas en amont, avec les salines d'Hauterives, Air Liquide, Solvay Energy ; c'est aussi le cas en aval, avec Novacid, Arkema, Bluestar Silicones et Isochem, sans compter toutes les entreprises de sous-traitance, de maintenance, de service, les fournisseurs et les transporteurs. Au total, 300 emplois directs – sur un effectif de 540 personnes sur le site – et des milliers d'emplois indirects sont menacés.

Je sais que vous êtes très attaché au maintien d'une industrie de la chimie en France et à la sauvegarde de l'emploi. Aussi, monsieur le ministre, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement pourrait prendre pour soutenir la filière chimie en Rhône-Alpes, et plus particulièrement pour trouver une issue par le haut aux problèmes rencontrés par le site de la société Vencorex et par les hommes et les femmes qui le font vivre.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Madame la députée, je vous prie de bien vouloir excuser Arnaud Montebourg, retenu aujourd'hui à Rome avec ses homologues européens.

Vous appelez son attention sur la situation de la société Vencorex, intégrée à la plate-forme chimique de Pont-de-Claix, et sur l'impact d'une restructuration de ses activités sur la filière chimie en Rhône-Alpes. Je vous informe que ce dossier fait l'objet d'un suivi direct par le cabinet du ministre du redressement productif, en lien avec le préfet de région et le commissaire au redressement productif. La société Vencorex, confrontée à un déficit de compétitivité, examine un certain nombre de pistes susceptibles de restaurer la rentabilité de son installation, et donc d'assurer sa pérennité. Le caractère fortement déficitaire de la production de diisocyanate de toluène – ou TDI – est au cœur des difficultés de Vencorex. Il s'agit d'un composé à faible marge ; en outre il y a surcapacité de production en Europe, alors que les débouchés principaux, l'automobile et l'ameublement, sont en perte de vitesse.

Les concurrents de Vencorex, BASF et Bayer, ont engagé de longue date une stratégie d'investissements massifs et de restructuration de leurs capacités de production. Chacun mettra prochainement en route une usine de 300 000 tonnes annuelles de TDI, alors que le site du Pont-de-Claix produit moins de 100 000 tonnes, avec des installations pour partie anciennes. Pour tenir tête à une telle concurrence, les investissements nécessaires auraient dû être programmés il y a au moins dix ans. Force est de constater que ces investissements n'ont pas été réalisés.

L'arrêt de la production de TDI fait partie des pistes envisagées par la direction de Vencorex pour restaurer sa compétitivité. Vencorex examine également la possibilité de renforcer sa production de HDI, un composé de spécialité, à plus forte valeur ajoutée, utilisé par exemple pour la protection des écrans de téléphones portables. Un positionnement sur un produit de spécialité pourrait s'avérer plus adapté à un site comme celui du Pont-de-Claix, situé en pleine zone urbaine.

La priorité du Gouvernement est désormais d'évaluer au plus près et de minimiser les conséquences sociales et les risques que toute restructuration ferait courir. Une première réunion s'est tenue entre tous les industriels concernés le 13 décembre dernier à Lyon, sous l'égide du préfet de région. Cette réunion a permis de constater la force des interdépendances entre les différents acteurs de la plate-forme. Les différents scénarios de restructuration de Vencorex ont en outre fait l'objet d'analyses approfondies par les services du ministère du redressement productif et par les services de la préfecture de région.

Sur la base de ce travail, il s'agit de construire, dans la concertation, une solution industrielle garantissant la pérennité du site en minimisant l'impact de la restructuration sur l'emploi dans le secteur de la chimie dans la région Rhône-Alpes. La solution nécessitera des efforts de toutes les parties prenantes : les entreprises – notamment Vencorex –, les collectivités, les salariés et l'État. Ces efforts sont importants, mais ils sont à la hauteur de l'enjeu social et industriel. Arnaud Montebourg a demandé au préfet de l'Isère d'organiser au plus vite une réunion avec les élus et les organisations syndicales, afin de faire un point complet sur l'état des discussions entre les différentes parties.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je vous remercie pour cette réponse très complète et pour la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier. Je reste bien entendue vigilante sur ce dossier qui est très important pour le maintien de la filière chimique. Nous devons conserver nos sites industriels chimiques en France, dans l'intérêt de l'industrie française. Je compte sur l'engagement de M. le ministre du redressement productif pour trouver des solutions pérennes aux côtés des salariés et des élus.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Noëlle Battistel

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Redressement productif

Ministère répondant : Redressement productif

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2014

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