élections cantonales
Question de :
M. Jean Lassalle
Pyrénées-Atlantiques (4e circonscription) - Non inscrit
M. Jean Lassalle attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences induites par le redécoupage des cantons pour les élections à venir. En 2015, il faudra voter pour un binôme paritaire dans des cantons élargis. La loi du 17 mars 2013, qui visait à simplifier l'administration locale, et à diminuer les coûts, n'apportera strictement aucune réduction de dépenses, mais conduit à une perte de proximité pour les territoires ruraux déjà privés de leurs services publics. Chacun sait que le désert politique amène le désastre humain et laisse derrière lui des territoires en friche, vidés de leurs habitants. Qui portera demain les problèmes des populations rurales. Sur les 64 départements ayant déjà voté, tous les départements de tendance UMP ou UDI ont voté contre, sauf la Haute-Loire, et sept départements de gauche ont rejeté le projet de redécoupage qui leur a été soumis : l'Aisne, le Puy-de-Dôme, le Tarn-et-Garonne, la Seine-et-Marne, la Creuse, le Cher et la Seine-Saint-Denis. Il s'agit d'une fronde importante qui transcende les querelles partisanes, et qui renvoie à une aspiration profonde de proximité et de respect du découpage historique des cantons. La République est fondée sur le principe « d'égalité des chances de tous et pour tous sur l'ensemble du territoire ». Chaque parcelle de notre nation est ouverte aux mêmes droits et devoirs. Cette réforme bureaucratique nie les espaces ruraux, leur spécificité, leur superficie, leur histoire. Elle va à l'encontre du principe de subsidiarité qui stipule que l'entretien, la gestion et le développement, en un mot la vie du territoire constitue un enjeu majeur, qui ne peut être traité que par la représentation locale. Il souhaiterait donc que le Gouvernement éclaire l'Assemblée nationale sur les possibilités d'obtenir une représentation adéquate des territoires ruraux, qui respecte le principe constitutionnel d'équité et d'égalité de tous, pour tous, sur l'ensemble du territoire.
Réponse en séance, et publiée le 12 février 2014
REDÉCOUPAGE CANTONAL
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour exposer sa question, n° 513, relative au redécoupage cantonal.
M. Jean Lassalle. Je suis heureux de m'adresser à M. le ministre de l'intérieur, qui est certainement l'un des plus brillants que nous ayons eus dans ces fonctions au cours des dernières décennies. Cependant, je ne comprends toujours pas qu'il ne voie pas que le cancer de la résignation a gagné notre pays. Pendant le parcours de 6 000 kilomètres que j'ai accompli à pied, je l'ai constaté partout, notamment dans les zones rurales. Il n'y a rien de pire que de sentir que l'on n'est pas comme les autres et que l'on n'a plus le droit d'être représenté. M. le ministre vient de nous dire qu'il faut augmenter le nombre de femmes élues. Je suis bien d'accord. Cela dit, il n'est pas normal que le vaste territoire que couvre ma circonscription ne soit plus représenté. Avant le redécoupage, ma circonscription comprenait quinze cantons, parmi lesquels ceux de Saint-Étienne-de-Baïgorry, Saint-Jean-Pied-de-Port, Mauléon et Tardets, avec les vallées d'Ossau et d'Aspe, mais aussi le Balïtous. À l'avenir, il n'y en aura plus que deux. Toutes ces zones frontalières, ces centaines de milliers d'hectares ne seront plus représentés. Que diraient de cela nos amis canadiens ou australiens qui vivent eux aussi sur des centaines de milliers d'hectares ? Cessent-ils pour autant d'avoir droit à la parole ?
Je ne comprends pas qu'un ministre aussi fin politique, aussi avisé et intelligent que Manuel Valls n'ait pas compris cela. Tout le monde se souvient pourtant des images de Ségolène Royal et François Hollande, venus dans la Creuse, il y a quelques années de cela, pour défendre les territoires ruraux. Il avait neigé, ils marchaient en escarpins, bras dessus, bras dessous, se soutenant. Ils avaient alors juré de défendre les territoires ruraux. Quelques années plus tard, où en sommes-nous ? Il n'est pas étonnant que plus personne ne croie en rien. Vous verrez, monsieur le ministre, que les années 2014 à 2017 seront une période très longue pour un pays résigné. On ne peut plus croire en rien quand on sait qu'on n'aura même plus le droit de voter pour être représenté.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, je vous remercie d'abord pour vos compliments, qui, je l'espère, inspireront la majorité comme l'opposition ! Nous avons longuement débattu de la question du scrutin cantonal et je sais votre attachement aux territoires de notre pays. Comme vous, je les parcours – un peu plus rapidement toutefois ! –, et je peux y observer la désespérance, qu'il soient ruraux ou périurbains.
Il y a quelques jours encore, j'étais dans les Ardennes. Il est important de conserver un réseau intradépartemental, des sous-préfectures et des agents. Le sentiment d'abandon existe, il est ancien, et il faut y être attentif, nous sommes d'accord.
Un redécoupage était nécessaire – pour la réforme des conseillers territoriaux précédemment, pour le canton aujourd'hui –, sachant que tout découpage doit désormais obéir au principe d'égalité démographique, posé par le Conseil constitutionnel. De plus, nous avons souhaité la parité, afin qu'il y ait autant d'hommes que de femmes dans les conseils généraux. Aujourd'hui, les femmes ne représentent que 13, 5 % des conseillers et sont même absentes de certains conseils généraux. Cela est inadmissible.
Ces projets ont été élaborés en référence, selon les départements, à la carte intercommunale, prioritairement lorsqu'un schéma départemental de coopération intercommunale a été adopté. Dans le cas des Pyrénées-Atlantiques, la contrainte démographique a – dans le respect d'une fourchette de plus ou moins 20 % autour de la moyenne – conduit le Gouvernement à s'écarter, lorsque cela était nécessaire, des limites des communautés de communes et des communautés d'agglomération. Mais lorsqu'elles pouvaient être suivies, naturellement, elles l'ont été.
C'est le cas du canton de la Montagne basque, qui réunit deux établissements publics de coopération intercommunale. Limiter ce canton à un de ces deux EPCI n'était pas démographiquement possible. Et fractionner l'un de ces EPCI pour en limiter la superficie aurait été arbitraire. Nous sommes obligés de respecter le principe d'égalité démographique. Le fait qu'il y ait deux conseillers par cantons doit permettre d'assurer la présence des élus.
Parce que j'ai beaucoup d'estime pour vous et que j'entends le combat que vous menez, je pense que nous pouvons nous retrouver ensemble sur la nécessité d'une présence des services publics, d'une présence de l'État qui protège et qui vient en soutien aux petites collectivités territoriales. La solidarité territoriale est indispensable, notamment pour les territoires ruraux.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean Lassalle. Je rêverais de vous retrouver, monsieur le ministre, nous ferions du très bon travail ensemble, mais vous ne me rejoignez jamais ! Vous avez tort. Vous n'aviez pas à chercher si loin pour les cantons, il suffisait de revenir à la loi : conserver les cantons ruraux et élire les conseillers urbains à la proportionnelle, comme cela se fait pour les élections municipales, où il existe un mode de scrutin pour les communes de moins de 1 000 habitants et un autre pour les communes de plus de 1 000 habitants.
Vous ne savez pas le mal que vous faites à votre gouvernement et à notre pays. Vous le paierez très cher. Notre pays n'est pas fait pour que, d'un côté, des urbains souffrent et que, de l'autre, les habitants des campagnes retrouvent les bandits de grand chemin.
Auteur : M. Jean Lassalle
Type de question : Question orale
Rubrique : Élections et référendums
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 2014