Question orale n° 524 :
médecins

14e Législature

Question de : M. Jean-Claude Buisine
Somme (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jean-Claude Buisine attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les déserts médicaux en zones rurales et plus particulièrement sur les difficultés que rencontrent les médecins généralistes partant à la retraite pour se trouver des successeurs, et lui communique en même temps leur souhait de voir limiter dans le temps les périodes de remplacement des jeunes médecins qui pour certains choisissent d'être remplaçants toute leur vie professionnelle. Avec 238 médecins généralistes et spécialistes pour 100 000 habitants, et en dépit des mesures mises en place pour lutter contre la désertification, la Picardie connaît la plus faible densité médicale en activité régulière sur le territoire national. Et ce déficit risque de s'accroître ces prochaines années compte tenu de la pyramide de l'âge..., le médecin généraliste devenant un professionnel se raréfiant dans les campagnes de la Somme. Un exemple, repris récemment par les médias nationaux : à Fressenneville, commune de 2 500 habitants située en plein coeur du Vimeu industriel, la maison médicale repose sur une association de 5 médecins généralistes installés depuis 1976. Parmi eux, trois continuent à assumer leurs clientèles faute de successeurs malgré les avantages incitatifs accordés aux jeunes installés. Si en fin d'année la situation n'évolue pas, la maison médicale fermera ses portes car les deux plus jeunes médecins ne pourront pas assumer à eux seuls les charges. Et la clientèle des trois retraités partants, âgés de 68 ans, sera difficilement accueillie par les médecins environnants déjà surchargés de consultations. En parallèle, il est constaté que les jeunes médecins vivent de plus en plus de remplacements. Dans la profession ils sont d'ailleurs surnommés les coucous car ils occupent le nid des autres et ne participent pas aux frais de cabinet alors qu'ils perçoivent 80 % des honoraires du médecin remplacé et 100 % pour les gardes. Limiter dans le temps la durée des remplacements inciterait les jeunes médecins, redevables d'un service public, à choisir une implantation de leur choix. Cette mesure ne coûterait absolument rien à l'État et aux collectivités et aiderait grandement à l'installation des jeunes médecins. Les mesures pécuniaires et les aides éventuelles seraient réservées à ceux qui choisissent les déserts ou le remplacement d'un médecin partant en retraite dans ces zones. Face à ce sérieux problème de santé publique, il demande si, comme lui et beaucoup d'élus locaux soucieux de préserver un service public de santé dans les campagnes, elle ne trouve pas judicieux de bloquer la période où les jeunes médecins généralistes pourraient remplacer (trois à cinq ans) entraînant ipso facto, sans mesures incitatives onéreuses pour les collectivités, leur installation dans le secteur de leur choix mais favorisant automatiquement les zones déficitaires à forte demande de soins.

Réponse en séance, et publiée le 12 février 2014

DÉSERTS MÉDICAUX EN ZONE RURALE
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Buisine, pour exposer sa question, n°  524, relative aux déserts médicaux en zone rurale.

M. Jean-Claude Buisine. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, je souhaite appeler votre attention sur les déserts médicaux en zone rurale et plus particulièrement sur les difficultés que rencontrent les médecins généralistes partant à la retraite pour trouver des successeurs, et vous communiquer en même temps leur souhait de voir limiter dans le temps les périodes de remplacement des jeunes médecins, qui, pour certains, choisissent d'être remplaçants toute leur vie professionnelle.

Une récente enquête de l'INSEE et de l'agence régionale de santé montre qu'avec 1 440 médecins généralistes, pour presque deux millions d'habitants, et en dépit des mesures prises pour lutter contre la désertification, la Picardie connaît une très faible densité médicale en activité régulière. C'est la plus faible du territoire national, même, en confondant le nombre de spécialistes et de généralistes pour 100 000 habitants. Ce déficit risque de s'accroître dans les prochaines années, compte tenu de la pyramide des âges, le médecin généraliste se raréfiant dans les campagnes de la Somme et devenant, de surcroît, de moins en moins disponible.

Selon cette même étude, si 99 % des Picards habitent à moins de dix minutes d'un médecin généraliste, de plus en plus d'habitants contactent SOS Médecins car les généralistes ne se déplacent plus à domicile et les horaires des consultations coïncident avec les horaires de travail des gens.

En Picardie, un médecin généraliste sur deux prendra sa retraite d'ici à 2020 et un quart des médecins généralistes en activité actuellement sont censés être en retraite. Pour anticiper les départs à la retraite et maintenir le nombre actuel de praticiens, 700 médecins généralistes devront être recrutés d'ici à 2020.

Un exemple repris récemment par les médias nationaux : à Fressenneville, commune de 2 500 habitants située en plein cœur du Vimeu industriel, la maison médicale repose sur une association de cinq médecins généralistes installés depuis 1976. Parmi eux, trois continuent à assumer leurs clientèles faute de successeurs, malgré les avantages incitatifs accordés aux jeunes installés. Si, en fin d'année, la situation n'évolue pas, la maison médicale fermera ses portes car les deux plus jeunes médecins ne pourront pas assumer la totalité de la charge à eux seuls. Et la clientèle des trois retraités partant, âgés de soixante-huit ans, sera difficilement accueillie par les médecins environnants, aux consultations déjà surchargées.

En parallèle, on constate que les jeunes médecins vivent de plus en plus de remplacements. Dans la profession, ils sont d'ailleurs surnommés les « coucous », car ils occupent le nid des autres et ne participent pas aux frais de cabinet, alors qu'ils perçoivent 80 % des honoraires du médecin remplacé, 100 % pour les gardes.

Limiter dans le temps la durée des remplacements inciterait les jeunes médecins, redevables d'un service public, à choisir une implantation. Cette mesure ne coûterait absolument rien à l'État et aux collectivités, et aiderait grandement à l'installation de jeunes médecins. Les mesures pécuniaires et les aides éventuelles seraient réservées à ceux qui choisissent les déserts ou le remplacement d'un médecin partant en retraite dans ces zones.

Face à ce sérieux problème de santé publique, je vous demande, madame la ministre, si, comme moi et beaucoup d'élus locaux soucieux de préserver un service public de santé dans les campagnes, vous ne trouvez pas judicieux de limiter la période pendant laquelle les jeunes médecins généralistes pourraient remplacer – de trois à cinq ans, par exemple –, entraînant ipso facto, sans mesures incitatives onéreuses pour les collectivités, leur installation dans le secteur de leur choix mais favorisant automatiquement les zones déficitaires à forte demande de soins.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, la question de la présence médicale dans les territoires ruraux, et au-delà, est un sujet de préoccupation. La Picardie, c'est vrai, est de toutes les régions françaises celle où la densité médicale est la plus faible.

C'est la raison pour laquelle j'ai engagé il y a plus d'un an un vaste programme autour du Pacte territoire santé, dont j'ai rendu compte hier, qui a précisément pour objectif de favoriser l'implantation de professionnels de santé, en particulier de médecins, dans des territoires qu'aujourd'hui ces derniers ne choisissent pas. C'est la piste que je veux privilégier pour encourager de jeunes médecins qui font aujourd'hui le choix d'assurer des remplacements à s'installer de façon plus définitive.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre . C'est ainsi que, parmi les mesures que j'ai mises en avant, il y a la création des praticiens territoriaux de médecine générale, dispositif qui accompagne de jeunes médecins s'installant dans des territoires isolés. Cette procédure rencontre un grand succès : 200 postes ont d'ores et déjà été pris et 200 seront ouverts en 2014. Il apparaît que ce sont de jeunes médecins qui auraient pu s'engager comme remplaçants et qui préfèrent, grâce à la sécurité proposée, s'installer de manière définitive.

Je serai très attentive à cette question des déserts médicaux et de l'encouragement à une installation pérenne comme alternative aux remplacements. Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est très attentif, non seulement à la situation de la Picardie, mais aussi à celle de la France de manière générale, au regard de ces enjeux.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Buisine

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 2014

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