Question orale n° 554 :
intégration en milieu scolaire

14e Législature

Question de : M. Hervé Pellois
Morbihan (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Pellois appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les difficultés de scolarisation que rencontrent les enfants polyhandicapés. Ces enfants, atteints d'un handicap complexe de grande dépendance, doivent pouvoir bénéficier d'un accompagnement adapté à leurs besoins évolutifs et spécifiques. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a, ainsi, dans son article 2, introduit une définition du handicap qui fait explicitement référence au polyhandicap. Cette loi s'attache également à faire valoir pour les personnes polyhandicapées les mêmes droits que ceux offerts à l'ensemble des personnes handicapées : droit à la prévention, aux soins, à l'éducation, à la participation sociale, tout en prenant en compte l'accompagnement spécifique qu'elles doivent recevoir. Un arrêt du conseil d'État du 8 avril 2009 prévoit « qu'il incombe à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l'éducation et l'obligation scolaire aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. Si tel n'est pas le cas, la carence de l'État constitue une faute de nature à engager sa responsabilité. L'administration ne peut pas, pour se soustraire à cette responsabilité, mettre en avant l'insuffisance des structures d'accueil existantes ou le fait que des allocations sont allouées aux parents d'enfants handicapés ». On constate pourtant que la proportion d'enfants non scolarisés atteint 94 % parmi les enfants polyhandicapés (sans compter ceux qui ne sont pas recensés). Des efforts conséquents sont conduits par le ministère de l'éducation nationale pour permettre à tous les enfants et adolescents handicapés d'accéder à la solution de scolarisation la plus adaptée, conformément à ce que prévoit leur projet personnalisé de scolarisation. La loi sur la refondation de l'école a notamment permis des avancées notables pour que l'école devienne réellement inclusive. Néanmoins, de nombreux parents ont trop souvent mis leur propre vie entre parenthèse pour s'occuper de leur enfant polyhandicapé faute de places disponibles, de listes d'attentes trop longues ou de distance entre le domicile et l'établissement trop importante. Ainsi, dans le département du Morbihan, les 63 places d'accueil des enfants polyhandicapés sont, pour une large part, concentrées sur le territoire pontivien. Actuellement, la seule chose proposée aux familles du sud-Morbihan est de déménager, d'arrêter de travailler ou d'envoyer leurs enfants, déjà fragilisés par leur handicap lourd, dans un internat loin de leur famille. Il lui demande quelles sont ses intentions pour permettre à ces enfants de pouvoir suivre une scolarité continue et adaptée.

Réponse en séance, et publiée le 26 février 2014

DIFFICULTÉS DE SCOLARISATION DES ENFANTS POLYHANDICAPÉS
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Pellois, pour exposer sa question, n°  554, relative aux difficultés de scolarisation des enfants polyhandicapés.

M. Hervé Pellois. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la question du polyhandicap est emblématique de nos fondements républicains. En souhaitant pouvoir être scolarisées, comme tout un chacun, dès l'âge de six ans, les personnes polyhandicapées demandent reconnaissance et dignité et nous interrogent sur leur place au sein de la société. Atteintes d'un polyhandicap complexe créant une grande dépendance, elles doivent pouvoir bénéficier d'un accompagnement adapté à leurs besoins spécifiques. Le droit a, et c'est heureux, beaucoup évolué ces dernières années avec la loi du 11 février 2005 ou encore l'arrêt du Conseil d’État du 8 avril 2009 qui engage la responsabilité de l'État en raison de l'insuffisance des structures d'accueil existantes. Des efforts conséquents sont conduits par le ministère de l'éducation nationale : la loi sur la refondation de l'école a notamment permis des avancées notables pour que l'école devienne réellement inclusive.

Pourtant, la proportion d'enfants non scolarisés atteint 94 % parmi les enfants polyhandicapés, sans compter ceux qui ne sont pas recensés. De nombreux parents mettent leur vie entre parenthèses faute de places disponibles, en raison de listes d'attentes trop longues ou de distance trop importante entre le domicile et l'établissement. Par exemple, dans le département du Morbihan, les 63 places d'accueil pour enfants polyhandicapés sont, pour une large part, concentrées sur le territoire pontivien. Or les professionnels sur le terrain font état d'une vingtaine d'enfants dans le bassin vannetais et d'une dizaine dans le bassin lorientais, qui ont été un peu abandonnés par notre société. Les familles du Sud Morbihan sont bien souvent obligées de déménager, d'arrêter de travailler ou d'envoyer leurs enfants, déjà fragilisés par leur handicap lourd, dans un internat éloigné. J'ai conscience des difficultés que cette question soulève, mais comment permettre à ces enfants de suivre une scolarité continue et adaptée ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député, votre question est d'autant plus juste qu'elle fait le lien entre nos principes républicains et l'accueil que nous sommes capables d'accorder à nos enfants, et en particulier aux enfants polyhandicapés. Comme vous l'avez noté, des progrès ont été réalisés. Cela étant, l'écart existant entre les textes et la réalité, entre les lois et leur mise en œuvre, entre les intentions et les actes est souvent troublant. Nous serons jugés sur notre capacité collective de diminuer l'écart entre l'égalité formelle et l'égalité réelle qui touche tous ces enfants.

C'est une grande fierté, à laquelle j'associe l'Assemblée nationale, et en particulier les députés de la majorité, d'avoir pour la première fois reconnu, dans la loi sur la refondation de l'école, le fait que l'école doit être inclusive. C'est une grande fierté d'avoir relancé, comme vous le savez, le développement, qui s'était interrompu en 2010, d'un certain nombre de postes nécessaires pour accompagner ces enfants. Nous avons ainsi pu débloquer plusieurs milliers de contrats cette année. C'est une grande fierté également, sans doute l'une des action dont nous nous honorons le plus avec ma collègue George Pau-Langevin, d'avoir sorti de la précarité les 30 000 personnes chargées d'accompagner les enfants en situation de handicap, leur donnant accès à un statut et à une formation.

Enfin, l'une des politiques que je conduis vise à mettre le maximum de moyens à la disposition de ces enfants, partout sur le territoire. En effet, vous en avez sûrement déjà fait l'expérience et je le constate partout où je me rends, il ne s'agit pas pour la société de faire la charité à ceux qui sont en difficulté : ce qui est en jeu, c'est notre capacité à nous transformer.

Partout où nous allons, nous voyons que le vrai changement des méthodes pédagogiques, l'école de la bienveillance que j'appelle de mes vœux, et donc de la réussite de tous, est transformée dans les rapports des élèves entre eux, dans les rapports à l'intérieur de la communauté pédagogique, dans le fait d'accueillir ces enfants. C'est pourquoi je continuerai de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour rapprocher les intentions et les actes, les principes et les réalités. Cela vaudra aussi pour votre département, et je regarderai très attentivement les deux bassins dont vous avez parlé.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je souhaite remercier également toutes les associations qui œuvrent dans le domaine du polyhandicap. Si ces associations nous dérangent d'une certaine manière, il faut se féliciter qu'elles soient là, car nous avons besoin d'être titillés en permanence. Ayant eu pendant vingt-cinq ans des responsabilités locales, je puis dire qu'il est difficile d'avoir une relation transversale entre la Maison départementale de l'autonomie, l'ARS, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, le ministère. S'il y a beaucoup d'interlocuteurs, il manque réellement une puissance publique qui puisse prendre les devants plutôt que de subir les demandes sans cesse réitérées par les associations.

Données clés

Auteur : M. Hervé Pellois

Type de question : Question orale

Rubrique : Handicapés

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 2014

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