Question orale n° 558 :
construction navale

14e Législature

Question de : Mme Marie-Odile Bouillé
Loire-Atlantique (8e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Marie-Odile Bouillé attire l'attention de M. le ministre du redressement productif. Le redressement industriel est une priorité du gouvernement. Le rôle joué par l'État dans le soutien à la filière navale et aux chantiers nazairiens s'inscrit dans cette stratégie. Après la commande de l'Oasis fin 2012, de deux ferries écologiques en janvier 2014, nous espérons d'autres bonnes nouvelles pour les semaines à venir. Elle attire son attention sur la place des sous-traitants locaux pour la réalisation de ces navires. Pour obtenir ces commandes, la réduction des coûts par STX France est un enjeu non négligeable et a pour conséquence de mettre les sous-traitants locaux en concurrence avec des sous-traitants étrangers en leur demandant de s'aligner sur les coûts inférieurs de 30 % à 40 % pratiqués par des entreprises usant d'une main-d'oeuvre à bas coût. Cette politique d'achat n'est pas tenable pour les sous-traitants de notre bassin d'emploi qui n'auront jamais les moyens de s'aligner sur de tels prix. La crainte est grande qu'ils ne se voient évincés des marchés de construction, alors même que le nombre d'emplois dans la sous-traitance peut être égal ou supérieur aux emplois directs d'un donneur d'ordre. Elle lui demande comment, en sa qualité d'actionnaire, l'État compte intervenir pour faire en sorte que les sous-traitants locaux obtiennent des contrats financièrement tenables avec STX France afin que nos emplois industriels soient sauvegardés et que nous n'assistions plus à la disparition d'entreprises sous-traitantes qui fragiliserait à terme notre industrie navale.

Réponse en séance, et publiée le 26 février 2014

PLACE DES SOUS-TRAITANTS LOCAUX DANS LA FILIÈRE NAVALE À SAINT-NAZAIRE
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé, pour exposer sa question, n°  558, relative à la place des sous-traitants locaux dans la filière navale à Saint-Nazaire.

Mme Marie-Odile Bouillé. Monsieur le ministre du redressement productif, le redressement industriel est une priorité du Gouvernement. Le soutien à la filière navale et aux chantiers nazairiens s'inscrit dans cette stratégie et porte ses fruits. Après la commande de l'Oasis fin 2012 et de deux ferries écologiques le mois dernier, nous espérons d'autres bonnes nouvelles d'ici peu, d'autant que pour se maintenir dans la concurrence internationale, STX France a signé avec deux organisations syndicales un accord de compétitivité portant sur la réduction des coûts.

Les coûts représentent un enjeu important. À ce titre, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur la place qu'occupent les sous-traitants locaux dans la réalisation de ces navires. Vous le savez, ces PME et PMI détiennent un savoir-faire exceptionnel qui fait la plus-value de la filière navale en France. Mais malgré ses atouts, notre tissu de sous-traitants est fragilisé par une concurrence déloyale. En effet, le dévoiement de la directive européenne sur le détachement des travailleurs place nos entreprises locales en concurrence avec des sous-traitants étrangers dont les coûts sont inférieurs de 30 % à 40 %. L'exigence du donneur d'ordre d'obtenir le même prix de la part des sous-traitants locaux n'est pas tenable : ces entreprises n'auront jamais les moyens de s'aligner sur de tels coûts. La crainte est grande qu'elles se voient évincées des marchés de construction et que l'emploi local n'en bénéficie pas autant qu'il le devrait. Il n'est pas acceptable que la reprise d'activités dans notre bassin d'emplois se fasse au détriment des compétences locales.

Pour contrer les conséquences de cette directive européenne, une proposition de loi du groupe SRC que j'ai cosignée prévoit d'accroire la responsabilité juridique et financière du donneur d'ordre. Mais l'État a aussi son mot à dire. Je souhaiterais savoir comment la France entend agir au niveau européen pour faire adopter de nouvelles règles sur le détachement des travailleurs et comment l'État, en sa qualité d'actionnaire, compte faire en sorte que les sous-traitants locaux obtiennent des contrats économiquement tenables avec STX France, afin de sauvegarder nos emplois industriels et d'éviter la disparition d'entreprises sous-traitantes victimes d'une concurrence déloyale.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la députée, je veux d'abord vous remercier pour votre engagement au service de la filière navale. Pas une semaine ne se passe sans que vous m'interrogiez à ce propos et je vous en sais gré. J'étais hier dans votre département, à Machecoul, et je me suis arrêté à Nantes pour discuter avec certains entrepreneurs, parmi lesquels un sous-traitant de STX.

Quand je suis arrivé aux responsabilités, c'est la question de la survie STX qui se posait. Je veux rappeler ce qu'a été le travail du Gouvernement : aux organisations syndicales qui nous demandaient quand nous allions nationaliser STX, je répondais que le problème ne résidait pas dans l'actionnariat, public ou privé, mais dans les commandes. Et justement, les commandes, nous les avons alignées et nous continuons à travailler en ce sens parce que nous considérons que les chantiers navals sont une filière d'excellence française. Nous subissons une concurrence extrêmement dure, une guerre des prix, souvent subventionnée, il faut le dire, par d'autres États, qui nous place dans une situation délicate car pour maintenir notre activité de construction navale nous devons être compétitifs. À cet égard, je tiens à saluer les organisations syndicales qui ont signé l'accord de compétitivité avec STX pour maintenir un niveau de coûts acceptable.

L'État a pris ses responsabilités dans plusieurs domaines. En tant qu'actionnaire des chantiers navals, il se montre présent, attentif, bienveillant. Il épaule les évolutions de la filière, en premier lieu sur le plan de l'innovation technologique : le navire écologique, à émissions réduites de CO2, est ainsi l'un des plans industriels que nous pilotons avec STX et des investissements au titre du grand emprunt sont prévus pour améliorer la performance par l'innovation. Quand on subit une concurrence par le prix sur des produits fabriqués par d'autres pays à travers le monde, y compris ceux qui pratiquent le low cost, on est obligé d'innover et donc d'investir.

Nous agissons également auprès de la filière et des sous-traitants. Nous avons ainsi engagé avec le groupement des industries de construction et activités navales, le GICAN, un vaste programme appelé Océans 21 qui bénéficie de 9 milliards d'euros dans le cadre des investissements d'avenir. Visant mille entreprises de la filière – chantiers de construction ou de réparation, équipementiers, fournisseurs, sous-traitants – il poursuit un objectif de consolidation. Quand les entreprises sont trop petites, elles n'atteignent en effet pas la taille critique nécessaire pour faire baisser leur coût unitaire de service. Nous leur apportons donc capital et soutien, en accord avec la profession. Il ne s'agit pas, bien évidemment, de conclure des mariages forcés, des mariages blancs – cela se termine généralement mal ! Nous préférons une démarche d'adhésion mutuelle où tout le monde se met d'accord autour d'une table. C'est ainsi que nous parviendrons à bâtir des entreprises de bonne taille, capables de remporter des marchés hors de France et de maintenir des coûts compétitifs. C'est un travail de dentellière, un travail de longue haleine et je remercie les élus, les collectivités et particulièrement la région, instance économique locale, d'y participer.

Par ailleurs, nous sommes disponibles pour actionner l'ensemble des leviers qui permettent de faire face aux fameux « trous » : en cas de baisse de production, nous utilisons le chômage partiel, à l'instar des Allemands qui ont pu sauver leurs outils de travail lors de la grande crise de 2008-2009, en évitant les fermetures. J'invite toutes les entreprises de la région qui rencontrent des difficultés à saisir le ministre, y compris par votre intermédiaire, madame Bouillé : nous travaillons au cas par cas, nous sommes équipés pour cela.

Merci à vous, madame la députée. Vive le redressement productif, vive la République et vive la France !

Mme la présidente. Merci, monsieur le ministre, pour ce plaidoyer qui vous a fait un peu dépasser votre temps de parole. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé.

Mme Marie-Odile Bouillé. Je tiens à remercier M. le ministre pour le travail qu'il réalise auprès des chantiers et pour le suivi de nos dossiers. Nous espérons tous que de nouvelles commandes pourront être signées très bientôt.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Odile Bouillé

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Redressement productif

Ministère répondant : Redressement productif

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 2014

partager