médecins
Question de :
M. Jean-Louis Destans
Eure (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Louis Destans appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le pacte territoire santé qui a, parmi trois priorités, celle d'investir dans les territoires isolés. L'action du Gouvernement a notamment permis l'installation de plusieurs praticiens territoriaux de médecine générale dans l'Eure. Malgré tout, ce territoire reste aujourd'hui le dernier département de France en matière de démographie médicale avec un médecin pour 2 728 habitants. La désertification médicale, qui est ici une réalité bien plus qu'ailleurs, engendre une inégalité de fait intolérable dans l'accès aux soins quels qu'ils soient. Au moment où le Gouvernement dresse les premiers bilans d'étape du pacte territoire santé, il souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de renforcer les moyens nationaux consacrés à la lutte contre les déserts médicaux.
Réponse en séance, et publiée le 16 avril 2014
MOYENS POUR LUTTER CONTRE LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Destans, pour exposer sa question, n° 589, relative aux moyens pour lutter contre la désertification médicale.
M. Jean-Louis Destans. Madame la ministre, plus qu'une interrogation, mon intervention est un cri d'alarme sur l'exercice de la médecine libérale dans le département de l'Eure. Fin 2012, était lancé un pacte territoire-santé qui proposait toute une série de mesures incitatives pour faciliter l'installation de professionnels de santé dans les zones sous-denses. Parmi ces mesures, il y avait l'instauration d'un stage obligatoire de médecine générale, le versement de 1 500 bourses en contrepartie de l'engagement à s'installer dans un désert médical, l'installation dans ces mêmes déserts de 200 praticiens territoriaux de médecine générale dès 2013 et 200 à nouveau en 2014, un référent installation unique dans chaque région ou encore le financement de maisons de santé. Ces propositions ont évidemment été accueillies avec intérêt et vous avez d'ores et déjà obtenu des résultats, comme l'augmentation de 65 % du nombre d'étudiants boursiers en 2013.
Pourtant, dans les territoires, le sentiment d'urgence prédomine encore et nous ne voyons pas le bout du tunnel. Au 1er janvier 2013, le Conseil national de l'ordre des médecins comptait 215 865 médecins en activité régulière en France. La densité médicale métropolitaine moyenne est estimée à 299,7 médecins pour 100 000 habitants. Dans l'Eure, cette densité est de 136,6 médecins pour 100 000 habitants ; 101 si l'on s'en tient aux seuls médecins généralistes. Plus de 50 % des médecins en activité en Haute-Normandie sont âgés de plus de cinquante-cinq ans, l'âge moyen des médecins en activité étant de cinquante-trois ans. Dans certains territoires comme Gaillon, Gisors et Vernon, plus de 40 % des médecins en activité sont âgés de plus de soixante ans. Dans les établissements médico-sociaux, la situation est d'autant plus préoccupante que les besoins dans ce secteur augmentent.
Outre la question de démographie médicale qui est générale dans le département, la démographie des autres professionnels de santé devient également faible dans ce secteur. Les acteurs locaux agissent : entre 2011 et 2013, le département de l'Eure a financé, à hauteur de près de deux millions d'euros, la construction de six maisons de santé pluridisciplinaires dans le cadre d'une politique également soutenue par la région Haute-Normandie. Dans l'Eure, cinq maisons de santé sont ouvertes et fonctionnelles et cinq sont en cours de construction. La gravité de la situation me conduit à vous alerter et à vous demander s'il ne conviendrait pas pour certaines zones, parmi les plus touchées, de suggérer des incitations plus fortes, dérogatoires au droit commun. Aussi ma question est-elle simple : ne peut-on imaginer que dans les territoires les plus touchés, une action commune de l'État et des collectivités soit mise en œuvre pour obtenir dès à présent des résultats tangibles et perceptibles par nos concitoyens ? Un pacte santé territorialisé en quelque sorte, dont les résultats pourraient être quantifiés et mesurés. L'Eure est prête à le construire avec vous.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le député Jean-Louis Destans, nos départements sont suffisamment proches et voisins pour que je comprenne la situation que vous décrivez. Vous savez aussi que l'accès de tous les Français à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire est, depuis juin 2012, une priorité du Gouvernement, qui s'est mobilisé très rapidement sur le sujet, et particulièrement du ministère des affaires sociales et de la santé. Vous évoquez les praticiens territoriaux de médecine générale dans l'Eure : c'est un des engagements du pacte territoire-santé que Marisol Touraine a présenté en décembre 2012 et qui prévoit douze engagements concrets en faveur de l'accès aux soins de proximité.
Convaincue cependant que tous les leviers d'une démarche incitative n'ont pas été totalement exploités, Marisol Touraine a élaboré ce pacte, après avoir identifié les différents obstacles à l'installation des médecins, en suivant trois grands axes : changer la formation et faciliter l'installation des jeunes médecins ; transformer les conditions d'exercice des professionnels de santé par la généralisation du travail en équipe ou le développement de la télémédecine, par exemple ; investir dans les territoires isolés, en assurant notamment un accès aux soins urgents en moins de trente minutes. Marisol Touraine a dressé, en février dernier, un bilan des mesures mises en œuvre. Les résultats déjà obtenus sont là pour montrer qu'une dynamique est engagée et qu'elle doit se poursuivre. Ainsi, dans votre propre territoire, les résultats sont très encourageants : vingt-neuf étudiants et internes en médecine ont signé un contrat d'engagement de service public en Haute-Normandie et bénéficient d'une bourse, en contrepartie de leur engagement à s'installer en zone démédicalisée pour une durée équivalente à celle de l'aide. Parmi eux, deux se sont d'ores et déjà installés dans l'Eure. Neuf jeunes médecins ont adhéré à un contrat de praticiens territoriaux dès les premiers mois d'application dans la région, dont cinq dans l'Eure, leur permettant de bénéficier, pendant deux ans d'une garantie de revenus et d'une protection sociale améliorée, en contrepartie d'un exercice sur un territoire identifié comme fragile.
Dans le département de l'Eure, les initiatives attestant cette dynamique sont nombreuses, et parmi celles-ci : ouverture d'un guichet unique partenarial pour favoriser l'installation des médecins libéraux en Haute-Normandie ; trois maisons de santé pluridisciplinaires supplémentaires, que vous avez évoquées, inaugurées en 2013 dans des zones manquant de professionnels de santé, auxquelles viendront s'ajouter trois nouvelles maisons en 2014 ; ouverture d'un centre de santé municipal à Bernay afin de consolider l'offre de médecine générale pour la population. Marisol Touraine souhaite que cette dynamique et ces efforts soient poursuivis et amplifiés dans les prochains mois. La préparation de la loi de santé permettra d'aller plus loin dans le renforcement de la politique régionale de santé et de l'accès aux soins de proximité dans les territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Destans.
M. Jean-Louis Destans. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse et j'enregistre comme vous les premiers résultats. Je vous redis néanmoins notre disponibilité pour engager avec le ministère de la santé des discussions afin d'avoir un pacte territorialisé spécifique dans notre département avec le concours des collectivités territoriales, au premier rang desquelles le département de l'Eure.
Auteur : M. Jean-Louis Destans
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Affaires sociales et santé
Ministère répondant : Affaires sociales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er avril 2014