Question orale n° 61 :
eau

14e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Barbier
Isère (7e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Pierre Barbier appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur le projet d'évolution de l'arrêté national des zones vulnérables. Aujourd'hui, le projet d'évolution de l'arrêté national des zones vulnérables imposerait aux élevages isérois de dimension moyenne une augmentation considérable des capacités de stockage soit un doublement voire un triplement de ces capacités, et ce sans aucune justification environnementale ! Il s'agirait donc d'un nouveau programme de mise aux normes sans justification et sans dispositif d'accompagnement avec des coûts d'investissements énormes et sans doute insurmontables pour la majorité des éleveurs encore endettés par la précédente mise aux normes. Dans ce projet, la référence à l'analyse objective, au cas par cas, de la maîtrise des risques environnementaux a totalement disparu au profit de normes qui de notre point de vue, relèvent de l'arbitraire. Un tel dispositif règlementaire ne serait ni explicable ni applicable dans la région et conduirait à une accélération drastique des arrêts d'exploitations en particulier laitières. Il aurait des conséquences dramatiques sur les plans sociaux et économiques. La moitié du département de l'Isère est classée en « zones vulnérables ». Il renforcerait encore la concentration des élevages dans des zones de forte densité d'élevage et d'excédents structurel qui ont été amenées à installer des capacités élevées compte tenu des pressions d'épandage. Aussi, pour que l'élevage continue à faire vivre nos territoires et ne deviennent pas une « espèce en voie d'extinction », il lui demande le retour à une analyse objective des conditions de la maîtrise environnementale des effluents, car la réglementation envisagée condamnerait les petites et moyennes exploitations.

Réponse en séance, et publiée le 5 décembre 2012

RÉGLEMENTATION RELATIVE AUX ZONES VULNÉRABLES

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour exposer sa question, n° 61, relative à l'évolution de la réglementation relative aux zones vulnérables.
M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, je veux appeler votre attention sur le projet d'évolution de l'arrêté national des zones vulnérables, qui concernent, en Isère, les deux tiers des élevages.
Les documents préparatoires à l'arrêté du cinquième programme " Directive nitrates " à compter de septembre 2013 suscitent de très grandes inquiétudes parmi les agriculteurs. Cet arrêté doit être pris avant la fin de l'année 2012 en raison de la procédure contentieuse qui doit être intentée par la Commission européenne à l'encontre de la France.
Dans votre réponse à ma question écrite du 20 novembre dernier sur ce sujet, vous indiquiez défendre " une approche la plus adaptée possible aux besoins agronomiques de chaque exploitation ". Or, dans le projet d'arrêté, la référence à l'analyse objective, au cas par cas, de la maîtrise des risques environnementaux des effluents a totalement disparu au profit de normes qui, du point de vue de nombre d'agriculteurs, relèvent de l'arbitraire.
Aujourd'hui, le projet d'évolution de l'arrêté national des zones vulnérables imposerait aux élevages isérois de dimension moyenne une augmentation considérable des capacités de stockage, c'est-à-dire un doublement, voire un triplement de ces capacités, sans aucune justification environnementale.
Prendre un arrêté définissant des mesures uniformes pour tous les agriculteurs et toutes les exploitations serait une décision triplement risquée. Premièrement, sur le plan économique, parce que cet arrêté s'apparenterait à un nouveau programme de mise aux normes sans dispositif d'accompagnement, avec des coûts d'investissements énormes, sans doute insurmontables pour la majorité des éleveurs, encore endettés par la précédente mise aux normes ; deuxièmement, sur le plan agronomique, en ne prenant pas en compte les particularités de chaque exploitation agricole pour ce qui est de l'absorption des sols ; troisièmement, elle serait risquée et même incompréhensible sur le plan environnemental, puisque tous les agriculteurs seraient contraints d'épandre en même temps pendant une période restreinte, ce qui irait à l'encontre des objectifs environnementaux recherchés.
Ces dernières semaines, j'ai rencontré beaucoup d'agriculteurs, qui m'ont dit de manière quasi unanime que le dispositif réglementaire envisagé ne serait ni explicable ni applicable dans ma région. Il conduirait en effet à une forte accélération des arrêts d'exploitations, en particulier laitières. Aussi, monsieur le ministre, j'attends des réponses de votre part sur deux points : premièrement, comment comptez-vous défendre " une approche la plus adaptée possible aux besoins agronomiques de chaque exploitation " tout en renonçant à l'analyse objective, au cas par cas, de la maîtrise des risques environnementaux des effluents ? Deuxièmement, si cette directive devait être appliquée, comment comptez-vous soutenir les agriculteurs - auxquels je sais que vous êtes attaché - sans prévoir de financements spécifiques ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, je partage l'inquiétude des agriculteurs au sujet de la définition des zones vulnérables, liée à un contentieux que nous avons avec l'Europe au sujet de l'application de la directive " Nitrates " et sur le cinquième programme en cours.
Ce contentieux ne date pas du mois de mai 2012, et je précise que nous ne sommes plus dans le cadre de négociations : la Commission a déjà transmis son avis à la Cour de justice, et la France est aujourd'hui contrainte d'apporter rapidement des réponses - à défaut, elle s'expose au risque d'être sanctionnée, notamment par le règlement d'astreintes.
Dans le cadre du travail que je mène depuis que j'ai été saisi de la question des zones vulnérables, qui touche de nombreux départements, notamment l'Isère, la Sarthe, la Mayenne...
Mme Véronique Louwagie. L'Orne !
M. Stéphane Le Foll, ministre. ...et l'Orne, que j'ai failli oublier - heureusement que vous êtes là, madame Louwagie (Sourires) -, je m'efforce de suivre un axe stratégique.
À court terme, il s'agit d'abord de réfléchir à la mise en place de règles nouvelles en matière de stockage et d'épandage des unités d'élevage. Demander aux exploitants de stocker le fumier à paille me semble constituer une erreur, d'autant que le stockage en plein champ est aujourd'hui pratiqué dans d'autres pays européens, sous certaines conditions, notamment celles de répartir l'épandage sur une période aussi longue que possible. C'est l'enjeu - stratégique à mes yeux - de l'arrêté sur lequel nous travaillons aujourd'hui, afin d'alléger la contrainte susceptible de peser sur les éleveurs. Tout en travaillant sur cette piste, nous essayons de revoir les critères arrêtés par les agences de bassin en matière d'eutrophisation, avec l'objectif de mettre au point une politique harmonisée et moins pénalisante pour l'élevage.
À moyen et à long terme, je pense que nous sommes arrivés au terme d'un processus consistant à traiter les unes après les autres les problématiques relatives à la pollution dans le domaine de l'agriculture. Un problème de l'eau surgit, vous avez une directive " Nitrates " ; un problème de sols, aussitôt l'Europe s'attelle à la rédaction d'une directive sur les sols ; et je pourrai dire la même chose pour les produits phytosanitaires ou les herbicides. Dès qu'un problème apparaît, on invente une nouvelle norme !
Certes, il est impensable de laisser la pollution se poursuivre. Mais le problème doit être envisagé de manière systémique, globale, du point de vue de la conception des modèles de production eux-mêmes, et c'est le travail que nous allons engager. Dès le 18 décembre, une conférence nationale va être organisée au Conseil économique, social et environnemental, en vue de poser les bases de l'agro-écologie et de se donner les moyens de traiter ces questions d'une manière globale, transversale, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Actuellement, l'application de certaines normes conduit à considérer qu'il vaut mieux avoir une vache en stabulation plutôt que dans une prairie - alors que l'Europe, pour verdir la politique agricole commune, demande que l'on maintienne des prairies permanentes. À quoi peut-il bien servir de maintenir des prairies, si ce n'est pour y élever des animaux ?
Je le répète, nous sommes arrivés au terme d'un processus, et il nous appartient désormais de changer la donne afin d'envisager les problèmes de manière plus globale.

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Barbier

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 novembre 2012

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