textile et habillement
Question de :
M. Jean-Louis Bricout
Aisne (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Louis Bricout attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur la situation de la 3e circonscription dont il est le député. La crise du textile, qui s'est développée de façon longue et insidieuse, a impacté lourdement notre territoire et ses habitants. Aujourd'hui la situation continue de se dégrader, sans qu'aucune décision de soutien semble n'avoir été prise, comme cela a pu être le cas dans certains territoires sinistrés par la fermeture des casernes militaires par exemple. En effet, 58 salariés viennent d'être touchés par la liquidation des entreprises Noiret, sises à Bohain-en-Vermandois, Mondrepuis ainsi qu'à Roubaix (Nord). La société avait été cédée en 2007 à Gasmen Toska, un investisseur d'origine albanaise lequel a entraîné les usines vers la liquidation en juillet 2013. Les différentes offres de reprise de la société Noiret, (jusqu'alors fleuron du textile national et axonais, spécialisé dans la production des uniformes de nos forces civiles et militaires) n'ont pas trouvé grâce auprès de la société Kermel. Le choix a été de délocaliser la production au Maghreb au détriment du « made in France ». Ce choix est d'autant plus incompréhensible que l'État, par ses aides, conférait un avantage concurrentiel indéniable à la société Kermel. C'est un coup dur supplémentaire infligé à une région qui a besoin d'une mobilisation totale pour sa revitalisation industrielle. Aussi, il lui demande si la mise en place d'un fonds de soutien et de revitalisation peut être envisagée par le Gouvernement, pour donner à ce territoire les moyens d'affronter, enfin, sa transformation post-industrielle.
Réponse en séance, et publiée le 7 mai 2014
SITUATION DE L'INDUSTRIE TEXTILE DANS LE DÉPARTEMENT DE L'AISNE
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour exposer sa question, n° 613, relative à la situation de l'industrie textile dans le département de l'Aisne.
M. Jean-Louis Bricout. Ma question porte sur la situation économique de ma circonscription, la troisième circonscription de l'Aisne, à la suite de la liquidation des établissements Noiret, qui se trouvaient à Bohain-en-Vermandois et Mondrepuis, l'établissement de Roubaix, dans le Nord, ayant également été liquidé. L'entreprise Noiret, fleuron du textile national et axonais, était spécialisée dans la production des uniformes de nos forces civiles et militaires. En 2007, Gasmen Toska, investisseur d'origine albanaise, a entraîné l'entreprise vers la liquidation ; celle-ci eut lieu au mois de juillet 2013. Depuis lors, les différentes offres de reprise formulées n'ont pu aboutir compte tenu des exigences commerciales de la société Kermel, fournisseur unique de la fibre aux hautes performances techniques nécessaire à la fabrication de ces uniformes. Aujourd'hui, entre les différents sites, ce sont cinquante-huit salariés qui sont touchés.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée ce matin pour faire part au Gouvernement de la déception qui est la mienne quant au comportement d'une entreprise, Kermel, qui doit beaucoup à la puissance publique. En effet, Kermel a été fortement soutenue dans ses projets de recherche et développement, ce qui lui a permis de concevoir cette fibre très particulière. Elle a pourtant fait le choix d'encourager la production des uniformes de nos forces civiles et militaires dans les pays du Maghreb, au lieu de favoriser ce made in France dont nous savons qu'il est un élément essentiel de la relance de l'activité industrielle nationale. Ma circonscription subit depuis des années, par étapes, la disparition du secteur textile, et doit affronter les effets d'une crise toujours plus dure sur un territoire structurellement fragile.
Les territoires touchés par des restructurations dues à la refonte de la carte militaire ont, eux, été accompagnés par la mise en place d'un fonds de restructuration spécifique. Ne pourrait-on pas envisager l'instauration d'un mécanisme similaire pour accompagner une région comme la mienne dans l'ère postindustrielle ? Je souhaiterais que l'on m'indique les engagements que M. le ministre de l'économie pourrait prendre au nom du Gouvernement pour accompagner de façon pérenne et solide les salariés concernés, qui sont dans l'expectative.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord d'excuser Arnaud Montebourg qui ne peut être présent dans l'hémicycle ce matin. Il m'a demandé de vous transmettre la réponse à votre question relative à l'entreprise familiale Noiret, acteur historique du textile.
Cette entreprise a été vendue à un groupe d'investisseurs en 2001. En 2006, vous l'avez rappelé, elle est placée en redressement judiciaire et reprise par M. Gasmen Toska, investisseur d'origine albanaise. Les trois entités Noiret Bohain, Filature de Mondrepuis et Apprêts Mascara fusionnent et deviennent le dernier groupe français proposant des activités de filature, ennoblissement et tissage. En 2013, la trésorerie de l'entreprise connaît une situation critique en partie liée à la durée du cycle de fabrication et aux délais de paiement des clients. L'entreprise Noiret Bohain a longtemps bénéficié du soutien de son principal fournisseur de fibres, vous l'avez cité, Kermel, qui a notamment accepté des paiements différés. Il n'a cependant pas été possible de poursuivre cette coopération lorsque la production s'est arrêtée en 2013 en raison de l'arrêt de l'approvisionnement par les fournisseurs.
L'actionnaire s'est alors mis à rechercher activement de partenariats industriels ou financiers pour faire perdurer l'activité. Le 23 juillet 2013, la liquidation judiciaire a finalement été prononcée, sans repreneur, ce qui impliquait le licenciement d'une soixantaine de personnes : vingt à Bohain-en-Vermandois, trente à Mondrepuis, dix à Roubaix. Cette perte de capacité industrielle est un coup dur porté au territoire dont vous êtes l'élu.
L'État agit cependant pour aider à sa reconversion, notamment – c'est l'un des volets de votre question – par l'intermédiaire du fond départemental de revitalisation qui représente dans l'Aisne 20 % du montant des conventions de revitalisation. Il est particulièrement destiné au développement économique des bassins d'emploi en difficulté de reconversion industrielle. Ce fonds soutient le développement de l'activité économique du territoire départemental par le financement d'actions de prospection et de recherche, par l'abondement sur des territoires des aides à des projets d'entreprises créateurs d'emplois et par la mise en œuvre d'un dispositif de prêt aux entreprises en développement – un prêt à taux zéro dénommé « prêt croissance 02 ».
Une grande partie de la circonscription dont vous êtes l'élu est également située en zone de revitalisation rurale. Les entreprises qui s'y implantent ou y reprennent des activités pourront donc éventuellement bénéficier d'avantages fiscaux en 2014. Une évaluation de ce dispositif est en cours.
En outre, le pôle de compétitivité UP-tex, même s'il est localisé dans la région Nord-Pas-de-Calais, a un rayon d'action qui englobe la Picardie, avec un chargé de mission spécifique à la Picardie, et une quinzaine d'entreprises textile picardes y adhérent.
Enfin, monsieur le député, Arnaud Montebourg tient à vous assurer qu'il s'investit pleinement pour accompagner votre territoire dans les difficultés qu'il traverse. I1 tient aussi à souligner l'apport d'entreprises dynamiques telles que Le Creuset, Le Bourget, Lorraine Tubes ou Houtch.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.
M. Jean-Louis Bricout. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour la réponse que vous m'avez donnée, notamment en ce qui concerne les dispositifs que nous pourrons plutôt qualifier de dispositifs de droit commun.
Cela dit, depuis trente ans, nous subissons la crise du textile par petites étapes, sous la forme de suppressions successives de sites de confection, d'unités de production textile. Jamais des mesures exceptionnelles n'ont été prises. Or, aujourd'hui, malheureusement, la situation économique et sociale est exceptionnelle. Nous attendons donc du Gouvernement qu'il prenne des mesures exceptionnelles.
Auteur : M. Jean-Louis Bricout
Type de question : Question orale
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Redressement productif
Ministère répondant : Économie, redressement productif et numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er avril 2014