Question orale n° 753 :
DGF

14e Législature

Question de : M. Christian Hutin
Nord (13e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Christian Hutin attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur le fonctionnement et la nature des fonds de péréquation. Pourquoi des collectivités, des communautés d'agglomération ou des communautés urbaines, ayant sur leur territoire des implantations industrielles importantes, dont certaines classées « Seveso », se voient dans l'obligation de verser à un fond de péréquation au nom d'une richesse supposée alors qu'elles subissent de nombreuses nuisances ? Les territoires industriels sont alors pénalisés au profit des territoires accueillant les sièges sociaux.

Réponse en séance, et publiée le 26 novembre 2014

PRISE EN COMPTE DES NUISANCES LIÉES À L'IMPLANTATION DE SITES SEVESO DANS LE FONCTIONNEMENT DES FONDS DE PÉRÉQUATION.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin, pour exposer sa question, n°  753, relative à la prise en compte des nuisances liées à l'implantation de sites Seveso dans le fonctionnement des fonds de péréquation.

M. Christian Hutin. Madame la secrétaire d'État, ma question s'adressait au ministre des finances et des comptes publics. Je voudrais, en tant qu'élu dunkerquois, appeler votre attention sur une injustice criante qui touche les bassins industriels, du fait du mode de calcul du fonds de péréquation intercommunal, cette péréquation horizontale qui était légitime, puisqu'elle permettait à des territoires plus riches de donner un peu de financement à des territoires plus pauvres.

Or il existe de moins en moins de richesses dans les bassins industriels, et nous nous appauvrissons. En fait de richesses, ce que connaissent aujourd'hui les bassins industriels, ce sont des fermetures de sites, ou des risques de fermeture de sites, et des plans sociaux, avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour les finances d'une agglomération, si bien que nos centres communaux d'action sociale ont besoin de plus en plus de financements.

En fait de richesses, les sites industriels connaissent surtout les risques industriels qu'ils ont acceptés : le Dunkerquois compte seize sites Seveso et une centrale nucléaire. Or ce risque, que nous avons accepté d'assumer, n'est pas pris en compte dans le mode de calcul de la péréquation. Nos territoires industriels connaissent aussi des risques de santé publique, comme le malheureux problème de l'amiante, que je connais bien, des problèmes de médecine et d'accidents du travail, ainsi que de maladies professionnelles, qui sont souvent aussi à la charge des agglomérations.

Nos territoires et nos bassins industriels sont la richesse de la France, mais ils s'appauvrissent. Et malgré cela, ils doivent désormais financer eux-mêmes des métropoles en plein développement, ou des secteurs résidentiels, ce que nous avons beaucoup de mal à le comprendre.

Il est urgent d'engager une vraie réflexion sur l'aménagement du territoire national. À l'heure actuelle, un certain nombre de projets industriels sont contestés par la population. Nous avons accepté de prendre les risques qui y sont inhérents, nos territoires ont une histoire liée à l'industrie, mais nous rencontrons aujourd'hui des difficultés importantes, qui ne sont pas prises en compte dans le cadre de cette péréquation. Il importe, madame la secrétaire d'État, que notre politique d'aménagement du territoire prenne en compte les risques et les difficultés auxquels sont confrontés les territoires industriels français.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le député Christian Hutin, vous avez appelé l'attention du ministre des finances et des comptes publics sur la situation des territoires industriels au regard de la péréquation. Vous estimez notamment que la répartition du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, n'est pas assez favorable aux territoires industriels. Le Gouvernement partage pleinement votre souhait de venir en aide aux territoires industriels et il l'a démontré à plusieurs reprises au cours des dernières années, en modifiant les critères pris en compte par le FPIC : d'une part, en prenant en compte les charges de ces territoires dans la répartition du FPIC ; d'autre part, en renforçant le poids des territoires industriels dans la pondération des critères de répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.

En ce qui concerne la prise en compte des charges de ces territoires dans la répartition du FPIC, celui-ci prélève une partie des ressources de certains ensembles intercommunaux et de communes isolées pour le reverser à d'autres ensembles intercommunaux et communes moins favorisés. Ce dispositif participe de la progression récente des mécanismes de péréquation horizontale qui, en corrigeant les disparités de ressources et de charges entre collectivités locales, répondent à l'objectif, inscrit dans la Constitution, de favoriser l'égalité.

Or les collectivités industrielles présentent deux caractéristiques. Elles ont, d'abord, un niveau de richesse fiscale par habitant, mesuré à partir du potentiel financier agrégé par habitant, plus élevé que la moyenne nationale. Cet écart de richesse fiscale s'explique pour partie par les montants figés au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, et au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, puisque ces collectivités ont été généralement perdantes lors de la réforme de la fiscalité directe locale en 2010. Elles ont, par ailleurs, un niveau de revenu par habitant généralement inférieur à la moyenne, ce qui traduit un niveau de charges plus important, comme vous l'avez indiqué.

Malgré cette situation défavorable, la contribution par habitant de ces territoires était, en 2012, plus importante que la moyenne nationale. C'est pourquoi le législateur a décidé, en 2013, d'introduire le critère du revenu par habitant dans le calcul des contributions au titre de ce fonds, à hauteur de 20 %. Or vous savez bien que le critère du revenu par habitant est le plus pertinent pour évaluer le niveau de difficultés et de pauvreté d'une population. En 2014, la part du revenu par habitant dans le calcul des contributions au titre du FPIC est passée de 20 à 25 %, ce qui est favorable aux territoires industriels.

En ce qui concerne la répartition de la CVAE, lorsqu'une entreprise assujettie à celle-ci dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité depuis plus de trois mois dans plusieurs communes, la valeur ajoutée qu'elle produit est imposée dans chacune de ces communes et répartie entre elles, pour un tiers au prorata des valeurs locatives des immobilisations imposées à la CFE, et pour deux tiers au prorata de l'effectif employé. La CVAE des entreprises frappant la somme des flux financiers qui rémunèrent les facteurs de production qui participent à l'activité de l'entreprise, et non pas les investissements productifs, sur lesquels la taxe professionnelle était assise, les territoires industriels se sont trouvés pénalisés par la réforme de la fiscalité locale. Le changement d'assiette imposable s'est traduit par des transferts de bases entre collectivités territoriales, au détriment de celles d'entre elles qui accueillaient, à titre principal, des établissements industriels.

Corrélativement, la forte augmentation de la part des impôts des ménages dans les ressources fiscales du bloc communal risquait par ailleurs de conduire à des arbitrages locaux moins favorables au développement économique, notamment à l'implantation des activités industrielles les plus risquées ou les plus polluantes. Aussi, l'article 108 de la loi n°  2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a introduit un traitement particulier pour la territorialisation de l'assiette de CVAE des établissements détenant des immobilisations industrielles.

Pour les entreprises possédant plusieurs établissements, dont les immobilisations industrielles représentent plus de 20 % de la valeur locative des immobilisations imposables à la CFE, il a été disposé que les effectifs et la valeur locative seraient pondérés par un coefficient de 2, afin de déterminer la répartition de la valeur ajoutée imposable entre les différents sites d'implantation. En 2014, le législateur a porté ce coefficient de pondération à 5 pour la répartition des montants de CVAE due, pour les redevables, au titre de 2014 et des années suivantes. Il existe donc désormais une meilleure répartition, au profit des territoires industriels.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Je vous remercie de vos réponses, madame la secrétaire d'État. La pondération existe en effet, et elle a été améliorée en 2013, puis en 2014. Nous en avons conscience, mais les difficultés que connaissent nos territoires industriels sont, malheureusement, de plus en plus préoccupantes.

Je donnerai un seul exemple, volontairement un peu caricatural pour que vous vous fassiez une idée de ce que peuvent ressentir les habitants de nos bassins industriels : il est très difficile pour les industriels, les ouvriers et les habitants d'un bassin industriel tel que le Dunkerquois, de comprendre, alors qu'ils n'ont pas les moyens de le faire chez eux, pourquoi ils doivent financer indirectement l'organisation de la coupe Davis dans la métropole lilloise. Ce genre de chose est difficile à comprendre, et c'est pour cela qu'un petit vent de révolte souffle dans nos territoires industriels.

Données clés

Auteur : M. Christian Hutin

Type de question : Question orale

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Finances et comptes publics

Ministère répondant : Finances et comptes publics

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 novembre 2014

partager