Question orale n° 760 :
réglementation

14e Législature

Question de : M. Michel Piron
Maine-et-Loire (4e circonscription) - Union des démocrates et indépendants

M. Michel Piron attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les difficultés, tant juridiques que pratiques, que rencontrent les promoteurs immobiliers dans l'application des dispositions relatives aux contrats hors établissement introduites dans le code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. En effet l'article L. 121-16-1 nouveau du code de la consommation soumet les « contrats ayant pour objet la construction, l'acquisition ou le transfert de biens immobiliers, ainsi que ceux relatifs à des droits portant sur des biens immobiliers ou à la location de biens à usage d'habitation principale » à la réglementation relative aux contrats hors établissement et notamment à l'obligation de remettre à l'acquéreur un grand nombre de documents préalablement à la signature du contrat ainsi qu'à un délai de rétractation de l'acquéreur de 14 jours. Or il s'avère que l'application de ces dispositions aux contrats de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) bloque de plus en plus la commercialisation de logements neufs, sans apporter un surcroît de protection à l'acquéreur. En effet l'acquéreur d'un bien immobilier est d'ores et déjà protégé par une législation parmi les plus protectrices d'Europe, du fait de l'existence d'un délai de rétractation de 7 jours prévu à l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation et de l'enregistrement des actes devant notaire. Les nouvelles dispositions du code de la consommation sont donc redondantes et source de complexité inutile et handicapante. Plus encore l'article L. 121-21 nouveau du code de la consommation prévoit que le délai de rétractation court à compter de la « réception du bien par le consommateur pour les contrats de vente de biens ». Le délai de rétractation ne court donc qu'à compter de la réception du bien, soit après l'achèvement de l'immeuble. Cela porte atteinte à la sécurité juridique de l'acte authentique de vente et cela semble totalement contradictoire avec le principe même de la VEFA. De surcroît ces dispositions créent une ambiguïté sur l'éventuelle applicabilité de ces dispositions au contrat préliminaire, dit également de réservation, qui est la première étape d'une vente en l'état futur d'achèvement et qui n'entre dans aucune des catégories de contrat prévues par la loi relative à la consommation. En effet les dispositions relatives aux contrats hors établissement ne visent que les contrats de vente ou de prestation de service. Or de manière constante, la Cour de cassation a considéré que le contrat préliminaire est un contrat de nature « sui generis ». Ce contrat ne peut donc être qualifié ni de contrat de vente ni de contrat de prestation de service. Il apparaît ainsi que le contrat de VEFA et le contrat préliminaire doivent être exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement prévues par le code de la consommation. Il demande de bien vouloir indiquer la position du Gouvernement sur cette question.

Réponse en séance, et publiée le 26 novembre 2014

APPLICATION DE DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONTRATS HORS ÉTABLISSEMENT PRÉVUES PAR LE CODE DE LA CONSOMMATION AUX CONTRATS DE VENTE EN L'ÉTAT FUTUR D'ACHÈVEMENT
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour exposer sa question, n°  760, relative à l’application de dispositions relatives aux contrats hors établissement prévues par le code de la consommation aux contrats de vente en l'État futur d'achèvement.

M. Michel Piron. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les difficultés, tant juridiques que pratiques, que soulève l'application des dispositions de la loi relative à la consommation du 17 mars 2014 aux contrats immobiliers, laquelle bloque de plus en plus la commercialisation de logements neufs sans apporter un surcroît de protection à l'acquéreur.

En effet, l'acquéreur d'un bien immobilier est d'ores et déjà protégé par notre législation, classée parmi les plus protectrices d'Europe.

Cette protection est assurée par la combinaison des dispositions du code de la construction et de l'habitation prévoyant un délai de rétractation pour l'acquéreur, par l'intervention d'un notaire, qui assure la rigueur juridique de la vente, ainsi que par le conseil aux acquéreurs.

S'y ajoute le recours quasi-systématique à un crédit immobilier, lequel implique une analyse des capacités de l'emprunteur et dont le refus d'octroi est une condition résolutoire du projet d'acquisition, ce qui constitue une garantie supplémentaire.

L'extension « aux contrats ayant pour objet la construction, l'acquisition ou le transfert de biens immobiliers ainsi que ceux relatifs à des droits portant sur des biens immobiliers ou à la location des biens à usage d'habitation principale » des dispositions de la loi relative à la consommation, conçues pour protéger le consommateur contre la vente forcée d'un aspirateur ou d'une encyclopédie, n'apportent donc aucune sécurité juridique supplémentaire pour un tout autre objet, comme celui du logement.

Largement inadaptée aux contrats immobiliers, elle recèle au contraire de nombreuses ambiguïtés et contradictions avec les dispositions du code de la construction et de l'habitation, sources de contentieux multiples à venir. Les conclusions d'une étude du cabinet Gide, récemment diffusée, sont limpides sur ce point.

La précision enfin apportée sur la date de départ du délai de rétractation par amendement au Sénat laisse subsister toutes les difficultés juridiques évoquées, sans les lever. En conséquence, compte tenu de la gravité de la crise qui frappe déjà la construction de logements – c'est un fait archiconnu – je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de me confirmer que le Gouvernement entend bien exclure les contrats immobiliers du champ de la loi relative à la consommation comme le prévoyait – ce n'est pas rien – la directive européenne que cette loi transpose, et comme l'ont fait tous les autres pays membres de l'Union.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le député Michel Piron, les contrats immobiliers, qu'il s'agisse de constructions, d'acquisitions, ou encore de transferts, étaient déjà soumis, avant la loi relative à la consommation, au droit des ventes hors établissement, communément appelées démarchage. Même s'il est vrai que les contrats immobiliers ne sont pas visés par la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, il n'y a pas eu, à l'occasion de la transposition en droit interne de ce texte communautaire par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, une extension à ce type de contrats des règles applicables aux contrats conclus hors établissement, puisque le droit applicable le prévoyait déjà.

La loi relative à la consommation a modifié le dispositif encadrant les ventes hors établissement, conformément à la directive relative aux droits des consommateurs. Le délai de rétractation est passé de sept à quatorze jours et commence à la livraison du bien, pour les contrats de vente, et à la conclusion du contrat pour la fourniture de services. L'information précontractuelle est harmonisée ; il est interdit de prendre un paiement pendant sept jours, et le professionnel fournit un formulaire type de rétractation.

S'agissant des lieux dans lesquels sont conclues les ventes immobilières, il faut souligner que la doctrine de l'administration est particulièrement souple concernant les « ventes sous bulle », qui sont considérées comme des établissements commerciaux classiques, ce qui a pour conséquence de ne pas faire entrer ces ventes dans le champ des règles applicables aux contrats conclus hors établissements.

En effet, ce sont les consommateurs qui se rendent dans ces lieux, en ayant parfaitement conscience que l'acquisition d'un bien immobilier leur sera proposée lors de leur visite. Il ne s'agit donc nullement de situations où les professionnels se rendent au domicile des consommateurs ou les sollicitent de manière impromptue dans un endroit qui n'est pas destiné à la commercialisation habituelle de biens ou de services. Dès lors, compte tenu des modes de commercialisation des biens vendus en l'état de futur achèvement, peu de ventes seront concernées par les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement.

Pour celles qui relèveraient néanmoins de ce dispositif, et en ce qui concerne le point de départ du délai de rétractation, je reconnais les risques d'insécurité juridique et économique qu'il y aurait pour les professionnels de voir un délai trop important s'écouler entre la vente, dont la première étape est constituée par la conclusion d'un contrat de réservation, et le moment où le consommateur pourrait exercer son droit de rétractation, à savoir la réception du bien. Aussi, comme nous ne sommes pas dans le domaine harmonisé par la directive relative aux droits des consommateurs, il me paraît raisonnable de préciser que pour les ventes en état de futur achèvement, le point de départ du délai de rétractation court à compter de la conclusion du contrat de réservation. Il me semble néanmoins que les autres droits acquis aux consommateurs démarchés doivent rester opérants.

Je souhaite rappeler ici que le démarchage, notamment à domicile, donne parfois lieu à des situations d'abus graves et qu'il convient de protéger au mieux ceux de nos concitoyens qui en sont les victimes. Un amendement a été adopté en ce sens au Sénat, à l'article 34 du projet de loi pour la simplification de la vie des entreprises. La commission mixte paritaire chargée de l'examen de ce texte se réunira aujourd'hui, à quatorze heures, au Palais du Luxembourg.

Données clés

Auteur : M. Michel Piron

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique

Ministère répondant : Économie, industrie et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 novembre 2014

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