Question orale n° 763 :
eau

14e Législature

Question de : M. Olivier Marleix
Eure-et-Loir (2e circonscription) - Les Républicains

M. Olivier Marleix interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur la directive dite « nitrates ». Cette directive de 1991 fixe, notamment, le seuil acceptable de nitrates dans l'eau potable (50mg/l) à partir d'analyses scientifiques datant de la fin des années 1950. Cette norme, qui entraîne de nombreuses obligations pour les États membres, n'a pas été révisée depuis. Pourtant, des expertises scientifiques contestent aujourd'hui la toxicité des nitrates pour l'homme et remettent en cause ce seuil décrété acceptable de nitrates dans l'eau potable. Les annonces du Premier ministre le samedi 6 septembre 2014 sur l'adaptation de la directive nitrates qui serait en cours d'étude par le Gouvernement vont dans le bon sens. Mais le classement, dans le même temps, de 3 800 nouvelles communes en zones vulnérables soulève, lui, des inquiétudes. Ainsi, en Eure-et-Loir, la totalité des communes sont désormais concernées par ce classement. Aussi, il lui demande de préciser l'adaptation envisagée par le Gouvernement et notamment si elle va dans le sens d'une révision de la norme en vigueur au niveau européen.

Réponse en séance, et publiée le 26 novembre 2014

ADAPTATION DE LA DIRECTIVE "NITRATES"
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour exposer sa question, n°  763, relative à l'adaptation de la directive "nitrates".

M. Olivier Marleix. Monsieur le secrétaire d’État, devant les jeunes agriculteurs de Gironde, le 6 septembre dernier, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé que le Gouvernement travaillait à une adaptation de la directive « nitrates ». Je me réjouis de cette déclaration.

Mais je reste toutefois prudent, sceptique et dubitatif, car toute l’action du Gouvernement dément cette orientation.

M. Philippe Gosselin. En effet.

M. Olivier Marleix. La France applique en effet un taux de tolérance qui s’élève à 18 milligrammes par litre. Il s’agit d’un niveau bien plus contraignant que celui appliqué par l’Allemagne, qui se contente de 50 milligrammes.

Et surtout, dans le même temps, le Gouvernement, par la voix de Mme Ségolène Royal, a annoncé, début juillet, le classement de près de 4 000 nouvelles communes en zone vulnérable. Dans certains départements, et notamment en Eure-et-Loir dont je suis élu, 100 % des communes sont ainsi désormais concernées par ces contraintes. Pour certains départements comme le Cantal, il s'agit d'une contrainte nouvelle qui n'existait pas auparavant.

Les agriculteurs peuvent donc s’interroger sur la volonté réelle du Gouvernement de procéder à la révision de cette directive de 1991, qui fixe le seuil acceptable de nitrates dans l'eau potable à 50 milligrammes par litre.

Cette révision est pourtant devenue aujourd'hui indispensable. En effet, cette norme a été fixée à partir d'analyses scientifiques datant de la fin des années 1950 et n'a jamais été révisée depuis.

Or, la publication depuis lors d'un certain nombre d'expertises scientifiques a permis de contester la toxicité des nitrates pour l'homme et de remettre en cause ce seuil décrété acceptable de nitrates dans l'eau potable.

Je voudrais évoquer le rapport du sénateur Gérard Miquel, déposé en mars 2003 pour le compte de Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il soulignait qu'il n'y a pas de fondement scientifique à ce seuil : il reste, aux yeux de nombreux professionnels, mal établi. Il rappelait que les nitrates proviennent, dans une proportion de 70 ou 80 %, de l'alimentation, et de 20 à 30 % seulement, de l'eau.

Il affirmait, je le cite, qu'il y avait « une certaine incohérence à fixer des normes rigoureuses pour un seul produit qui, de surcroît, ne représente pas la plus grande part de l'exposition ».

En attendant, monsieur le secrétaire d’État, ce seuil extrêmement protecteur a un coût très important pour les agriculteurs, mais également pour tous les contribuables.

Notre pays s'est en effet ainsi engagé dans des travaux de dénitrification et d'interconnexion des réseaux d'eau potable qui ont coûté des centaines de millions d'euros aux Français. Il y a donc effectivement urgence à réviser cette directive nitrates. Qu'en est-il réellement de la volonté du Gouvernement ?

M. Philippe Gosselin. Très bonne question.

M. Olivier Marleix. Ne s'agit-il que d'un écran de fumée destiné à éviter de rediscuter du Ve programme d'action ? La volonté de remettre ce sujet à plat existe-t-elle ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je vous prie de bien vouloir excuser M. Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui ne peut être présent et m’a chargé de vous répondre.

Monsieur le député Olivier Marleix, je voudrais tout d'abord rappeler que la France est sous le coup de deux condamnations liées à des contentieux communautaires relatifs à l'application de la directive nitrates de 1991.

Depuis 2013, la France a été condamnée par la Cour de justice européenne en raison de l’insuffisance de la délimitation des zones vulnérables. Il en est de même, depuis septembre 2014, en raison de l'insuffisance des programmes d'action mis en œuvre entre 2009 et 2012. Le risque financier encouru par notre pays, si nous ne répondons pas à la Commission, est très important. Les pénalités financières induites, si elles étaient exécutées, placerait l'État, comme les agriculteurs, dans une situation encore plus compliquée à gérer.

Mais le Gouvernement est également conscient des efforts déjà faits par les agriculteurs pour se mettre aux normes ainsi que des craintes que les conséquences du contentieux génèrent dans la profession agricole.

C'est pourquoi le Gouvernement a demandé aux préfets de bassin de mener des consultations, d'ici la fin de l'année, pour adapter le zonage, aujourd'hui mal accepté, à la réalité des bassins hydrauliques.

D'abord, les limites des bassins versants alimentant les masses d'eau superficielles seront prises en compte afin d'éviter d'avoir à classer en zone vulnérable tout le territoire communal administratif.

De plus, les erreurs ponctuelles relevées dans la proposition initiale seront exclues.

Je peux vous assurer que tout sera mis en œuvre pour limiter les investissements, et en réduire l’impact pour les agriculteurs en intégrant aux projets de modernisation des exploitations les besoins de mise aux normes. Pour ce faire, les aides publiques seront portées au niveau maximal autorisé.

De plus, les délais et modalités de mise en œuvre font actuellement l'objet d'échanges avec la Commission, afin de concilier au mieux les besoins en termes de conduite d'exploitation par les agriculteurs et d’efficacité des mesures prises.

Monsieur le député, personne ne conteste la nécessité de lutter contre les pollutions de toute nature. En revanche, je vous confirme, comme l’a annoncé par le Premier ministre le 6 septembre dernier en Gironde, que le Gouvernement a décidé de lancer une expertise scientifique pour mieux caractériser les facteurs qui entraînent le phénomène d'eutrophisation des eaux.

Cette expertise est conduite par l'INRA, l'IRSTEA, le CNRS et l'Ifremer. Les professionnels y seront associés. Sur la base de cette évaluation, et en lien avec la Commission, le Parlement européen et les autres États-membres, les modalités de révision de la directive « nitrates » seront définies.

Données clés

Auteur : M. Olivier Marleix

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 novembre 2014

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