produits sanguins labiles
Question de :
M. Yannick Favennec
Mayenne (3e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
M. Yannick Favennec attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les préoccupations des associations de donneurs de sang bénévoles, quant à l'avenir de la filière du plasma thérapeutique issu du don de sang éthique en France, suite à l'ouverture prochaine du marché du plasma à la concurrence étrangère privée. Cette ouverture aux industriels du médicament qui prendra effet le 31 janvier 2015 risque fortement de mettre à mal le principe du don du sang anonyme et gratuit en France. D'autre part, cela risque de porter atteinte au principe instauré après « l'affaire du sang contaminé » qui consiste à bien séparer le collecteur du fractionneur. Il attire notamment son attention sur l'article 51 du PLFSS qui fait suite à la décision du Conseil d'État rendue le 23 juillet 2014 et qui n'est pas de nature à rassurer les professionnels du don éthique français. En effet, après une longue procédure entre la France et la Cour de justice de l'Union européenne initiée par un recours de la société pharmaceutique Octopharma, le Conseil d'État français a considéré que le plasma de type SD (solvant détergent), préparé de façon industrielle à l'EFS, relève du statut de médicament et non de celui de PSL (produit sanguin labile), conformément à la directive européenne applicable aux médicaments. Par cette décision de classer en médicament un produit considéré jusqu'à aujourd'hui comme un produit sanguin labile, le Conseil d'État ouvre à la concurrence le marché des produits sanguins. Depuis, les industriels, dont le laboratoire Octapharma, qui n'ont pas encore les autorisations nécessaires pour distribuer et délivrer leurs plasmas, intensifient leur lobbying afin d'obtenir une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) pour le plasma-SD. A ce jour, l'EFS est toujours en capacité de répondre aux besoins des patients, dans toutes les indications cliniques. Aucune étude n'a montré de différence significative d'efficacité entre les différents types de plasmas autorisés en France, aussi, il serait incompréhensible et inacceptable pour les donneurs français, fiers de leur modèle éthique de don de sang, que ce laboratoire puisse commercialiser son plasma sous dérogation et sans obtention d'une autorisation de mise sur le marché, qui plus est sur un produit issu de donneurs rémunérés. Cette autorisation temporaire (ATU) permettrait aux industriels privés d'envahir le marché français par dérogation, en contournant la voie réglementaire habituelle. Il y a également lieu de s'interroger sur les autorisations que pourraient obtenir ces sociétés privées pour venir collecter directement le plasma sur le territoire français. Aujourd'hui, c'est le Laboratoire Français de Biotechnologie qui souhaite réaffirmer sa volonté de collecter lui-même du plasma en France, mais il semblerait qu'Octapharma soit également prêt à collecter, ce qui serait la fin du don éthique, anonyme et gratuit en France. Compte tenu des inquiétudes des professionnels français du don du sang anonyme et gratuit, il lui demande de bien vouloir lui préciser ses intentions sur ce dossier.
Réponse en séance, et publiée le 3 décembre 2014
CONSÉQUENCES DE L'OUVERTURE DU MARCHÉ DU PLASMA À LA CONCURRENCE ÉTRANGÈRE
M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour exposer sa question, n° 794, relative aux conséquences de l'ouverture du marché du plasma à la concurrence étrangère.
M. Yannick Favennec. Madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, je souhaite relayer dans cet hémicycle l'inquiétude dont m'ont fait part les associations de donneurs de sang bénévoles de mon département de la Mayenne concernant l'article 51 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui entérine la mise sur le marché français de plasma thérapeutique traité par solvant détergent, dit plasma SD, provenant de fournisseurs étrangers fabriquant ce médicament à partir de plasma collecté sur des « donneurs » indemnisés, au regard de la réglementation européenne.
Cette ouverture aux industriels du médicament, qui prendra effet le 31 janvier 2015, risque fortement de mettre à mal le principe du don du sang anonyme et gratuit en France et va conduire à la démobilisation des donneurs de sang bénévoles. Je tiens d'ailleurs à leur rendre ici un chaleureux hommage pour leur engagement, leur dévouement et leur générosité.
Cela va également porter atteinte au principe instauré après l'affaire du sang contaminé, qui consiste à bien séparer le collecteur du fractionneur.
Les dispositions prévues par cet article du PLFSS font suite à une décision du Conseil d’État, qui fait elle-même suite à une longue procédure entre la France et la Cour de justice de l'Union européenne entamée par un recours de la société pharmaceutique Octopharma.
Par sa décision de classer en médicament un produit considéré jusqu'à aujourd'hui comme un produit sanguin labile, le Conseil d’État ouvre à la concurrence le marché des produits sanguins.
Il existe toutefois une solution pour mettre en œuvre les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil d’État, qui consisterait à créer deux réseaux de distribution du plasma thérapeutique, celui de l'Établissement français du sang, pour ses propres produits, et celui des pharmacies hospitalières, pour les médicaments fabriqués par des laboratoires étrangers.
L'autosuffisance étant pour le moment assurée, les associations de donneurs de sang bénévoles demandent que le temps nécessaire soit pris pour travailler sur ce sujet, et elles souhaitent être associées à la réflexion sur le respect des décisions de la Cour de Justice européenne et du Conseil d’État.
Nous devons impérativement conserver les principes éthiques du don du sang, qui sont les seuls gages de l'autosuffisance et d'une sécurité sanitaire optimale tant pour le donneur que pour le receveur.
Compte tenu des inquiétudes des professionnels français du don du sang anonyme et gratuit, mais aussi de nombreuses associations de donneurs de sang bénévoles, pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, me préciser les intentions du Gouvernement sur ce dossier ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, je vais vous apporter, au nom de Marisol Touraine, une réponse extrêmement précise.
Le Conseil d’État, par son arrêt du 23 juillet 2014, faisant suite à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, a laissé au Gouvernement jusqu'au 31 janvier 2015 pour permettre les adaptations nécessaires à la requalification du plasma sécurisé par solvant détergent en médicament dérivé du sang.
C'est uniquement pour cette raison que le Gouvernement a proposé, avec l'article 51 du PLFSS pour 2015, un dispositif qui permet de garantir un haut niveau de sécurité pour les patients transfusés, en mettant en place un système intégrant en toute sécurité des produits transfusionnels de statuts juridiques différents.
Le danger immédiat que nous devons éviter est de désorganiser du jour au lendemain la délivrance des produits transfusionnels, désorganisation qui pourrait conduire à des retards de transfusion, voire à des accidents bien plus graves. C'est donc dans l'intérêt premier des patients qu'il convient de sécuriser l'ensemble de la chaîne depuis la collecte jusqu'à la délivrance au lit du malade, en passant par la production, le transport, le stockage et les vigilances.
La mesure présentée par le Gouvernement ne traduit absolument aucun changement de conviction sur les grands principes qui régissent la transfusion sanguine en France.
La France reste que plus jamais attachée aux grands principes d'organisation de la filière de la transfusion sanguine que sont la sécurité sanitaire, l'auto-suffisance, le don éthique, bénévole, anonyme et non rémunéré, et la séparation, extrêmement importante, entre le collecteur et le fractionneur.
Par ailleurs, le monopole, auquel nous tenons également beaucoup, de l'Établissement français du sang sur la collecte des produits sanguins labiles en France n'est pas remis en cause et cet établissement continuera à produire, à distribuer et à délivrer des plasmas transfusionnels et tous les autres produits sanguins labiles. Seul le plasma SD pourra être commercialisé par des laboratoires pharmaceutiques. Dans le courant de l'année 2015, un label éthique viendra renforcer la promotion des médicaments dérivés du sang éthique pour permettre qu'ils soient mieux reconnus par les acheteurs des établissements de santé.
En outre, s'agissant du plasma SD, l'article 51 du PLFSS pour 2015, amendé par l'Assemblée nationale et le Sénat, précise bien que l'autorisation de mise sur le marché de ce produit devra respecter les dispositions de l'article L. 5121-11 du code de la santé publique, c'est-à-dire être conforme aux principes éthiques français définis aux articles L. 1221-3 et L. 1221-7 du code de la santé publique – je veux parler de la gratuité du don et de son anonymat, du don volontaire et de la majorité du donneur. Le principe du don éthique, monsieur Favennec, n'est pas et ne sera pas remis en cause en France.
M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.
M. Yannick Favennec. Madame la secrétaire d'État, j'entends vos propos qui se veulent effectivement rassurants et je vous en remercie. De fait, nous devons tous veiller à ce que cette éthique qui repose sur le bénévolat, le volontariat et la gratuité du don de sang soit préservée dans notre pays, au nom notamment des nombreuses associations de donneurs de sang bénévoles présentes sur l'ensemble de notre territoire.
Auteur : M. Yannick Favennec
Type de question : Question orale
Rubrique : Sang et organes humains
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 novembre 2014