Question orale n° 795 :
eau

14e Législature

Question de : M. Alain Marleix
Cantal (2e circonscription) - Les Républicains

M. Alain Marleix alerte Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le classement de plusieurs communes du département du Cantal en zone vulnérable aux nitrates. Cette décision tente de répondre aux injonctions de Bruxelles, sans aucun fondement scientifique. Elle va imposer à des centaines d'exploitations agricoles cantaliennes plusieurs dizaines de milliers d'euros d'investissements non productifs. Or nous ne relevons pas de problème de pollution d'origine agricole dans nos zones de montagne. L'origine des nitrates dans l'eau peut avoir des sources multiples : présence naturelle, boisement de résineux, dysfonctionnement de stations d'épuration, mauvais assainissement dans les villes et village, etc. Les éleveurs cantaliens ne peuvent plus supporter cette fuite en avant concernant les contraintes environnementales. Ils subissent les conséquences d'une idéologie extrémiste qui ne tient pas compte de l'activité économique des exploitations et des pratiques d'élevage. Les administrations sont le relais d'une course folle qui conduit à une destruction aveugle des forces économiques de notre pays. Ce classement, hormis la nécessité d'augmenter les capacités de stockage des effluents d'élevage, entraîne des contraintes supplémentaires pour les exploitations implantées sur son territoire : limitation des épandages sur les zones à pente, interdiction d'épandage durant la période hivernale, valeur des déjections augmentées notamment... et donc un coût financier important pour beaucoup d'entre elles. Face à cette situation difficilement acceptable, il lui demande quelles actions le Gouvernement entend mettre en oeuvre afin de procéder à un maillage plus conforme à la réalité des zones vulnérables et de prendre en compte les investissements des agriculteurs une nouvelle fois fragilisés par de telles mesures.

Réponse en séance, et publiée le 3 décembre 2014

CLASSEMENT DE PLUSIEURS COMMUNES DU CANTAL EN ZONES VULNÉRABLES AUX NITRATES
M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, pour exposer sa question, n°  795, relative au classement de plusieurs communes du Cantal en zones vulnérables aux nitrates.

M. Alain Marleix. Comme l'Ariège et comme les Pyrénées orientales, département qui vous est cher, madame la secrétaire d'État, et que je connais bien, le Cantal est, vous en conviendrez, un beau département. C'est pourquoi j'ai alerté Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au sujet du problème, qui est un vrai casse-tête, du classement de dix-huit communes de mon département en zones vulnérables aux nitrates.

Cette décision tente de répondre aux injonctions de Bruxelles, et ce sans aucun fondement scientifique. Elle va imposer à des centaines d'exploitations agricoles cantaliennes plusieurs dizaines de milliers d'euros d'investissements non productifs. Or, nous ne relevons pas de problèmes de pollution d'origine agricole dans nos zones de montagne qui sont des espaces de culture extensive. La présence des nitrates dans l'eau peut avoir des origines multiples : présence naturelle, comme c'est souvent le cas, boisement de résineux, dysfonctionnement de stations d'épuration ou assainissement de mauvaise qualité dans les villes et les villages. Des efforts considérables ont été engagés par l'État et les conseils généraux en faveur de l'assainissement et de la construction de stations d'épuration. Nos collectivités locales sont d'ailleurs à la limite de ce qu'elles peuvent faire financièrement, tant les études sont coûteuses et les réalisations plus coûteuses encore.

Les éleveurs cantaliens, pas plus que ceux de l'Ariège ou des Pyrénées orientales, ne peuvent plus supporter cette fuite en avant, avec des contraintes environnementales exagérées. Ils subissent les conséquences d'une idéologie que l'on peut qualifier d'extrémiste et qui ne tient compte de ni l'activité économique des exploitations ni des pratiques réelles d'élevage de l'agriculture extensive telle qu'elle est pratiquée dans nos départements de montagne. Les administrations sont aujourd'hui le relais d'une course folle qui conduit à la destruction aveugle des forces économiques de notre pays.

Ce classement, hormis la nécessité d'augmenter les capacités de stockage des effluents d'élevage, entraîne des contraintes supplémentaires pour les exploitations implantées sur son territoire – limitation des épandages sur les zones à pente, interdiction d'épandage durant la période hivernale ou valeurs des déjections augmentées – et donc un coût financier important pour la plupart d'entre elles. Face à cette situation difficilement acceptable, quelles actions le Gouvernement entend-il mettre en œuvre afin de procéder à un maillage plus conforme à la réalité des zones vulnérables et de prendre en compte les investissements des agriculteurs une nouvelle fois fragilisés par de telles mesures ? Le Gouvernement doit renégocier avec Bruxelles le zonage et le directive, comme MM. Le Foll et Valls l'ont annoncé et promis.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur Marleix, je vous confirme que votre département du Cantal n'est pas en concurrence avec l'Ariège et qu'il est au moins aussi magnifique. (Sourires.) C'est en effet l'un des plus beaux départements de France. Vous avez interrogé Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Ne pouvant être présente, elle m'a chargée de vous apporter la réponse suivante.

La mise en œuvre de la directive « Nitrates », qui vise à préserver les ressources en eau contre les pollutions liées aux nitrates d'origine agricole, implique la désignation de zones vulnérables à la pollution azotée et aux phénomènes d'eutrophisation, dans lesquelles des programmes d'actions doivent être définis pour améliorer les pratiques agricoles et limiter les risques de pollution. Je rappelle que la France a été condamnée en juin 2013 pour désignation insuffisante des zones vulnérables et que la dernière délimitation faite à la fin de 2012 est encore jugée insuffisante par la Commission européenne pour assurer une protection efficace de la ressource en eau. C'est pourquoi nous avons engagé cet été une nouvelle révision des zones vulnérables qui prenne mieux en compte les questions d'eutrophisation des cours d'eau et des zones littorales.

Mme Ségolène Royal a bien conscience des difficultés rencontrées sur le terrain par cette nouvelle extension. Elle a ainsi réuni le 3 novembre les préfets coordonnateurs de bassin, en présence des agences de l'eau, afin de faire un premier bilan des consultations en cours sur l'extension des zones vulnérables, à la suite des inquiétudes qui lui étaient remontées. À l'issue de cet échange, la ministre de l'écologie a décidé d'adapter les propositions qui seront transmises à la Commission. L'adaptation du projet d'extension portera sur la prise en compte des limites des bassins versants alimentant les masses d'eau superficielles, ce qui évitera de classer tout un territoire communal quand cela n'est pas justifié, ainsi que sur la correction des erreurs ponctuelles relevées pendant la concertation.

Je rappelle de nouveau que le secteur agricole n'est pas le seul sur lequel portent les efforts d'amélioration de la qualité de l'eau : les collectivités et les industries doivent elles aussi s'engager dans des démarches significatives de réduction de leurs pollutions. Les collectivités mettent ainsi en place pour leurs stations d'épuration des eaux usées un traitement plus poussé de l'azote, dans les zones sensibles à l'eutrophisation. Le Gouvernement s'est donc attaché à une approche agronomique pour décliner les mesures obligatoires de la directive « Nitrates » et à veiller au choix de mesures soutenables pour les exploitations agricoles, en particulier pour les élevages. Les échanges se poursuivront avec la Commission pour ajuster les programmes d'actions, notamment sur les questions délicates des pentes et des modalités de stockage au champ des effluents d'élevage pailleux.

M. le président. La parole est à M. Alain Marleix.

M. Alain Marleix. Des rapports de l'Académie de médecine et de l'Académie des sciences remettent en cause ces conclusions, ou tout au moins relativisent les conséquences des nitrates, notamment des nitrates d'origine naturelle, en particulier dans les régions boisées de pins ou de sapins. Nous avons la chance de posséder des académies scientifiques parmi les plus prestigieuses au monde : pourquoi ne pas profiter de leurs connaissances ? L'infaillibilité pontificale n'existe plus depuis longtemps à Rome ; il ne faudrait pas laisser s'instaurer une infaillibilité technocratique à Bruxelles ! Les réflexions qui sont menées là-bas, et qui se traduisent par des injonctions, ne nous semblent guère fondées du point de vue scientifique.

Données clés

Auteur : M. Alain Marleix

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 novembre 2014

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