Question orale n° 818 :
tribunaux

14e Législature

Question de : M. Jean-David Ciot
Bouches-du-Rhône (14e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jean-David Ciot interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'avenir du pôle judiciaire d'Aix-en-Provence. La ville d'Aix-en-Provence assumant d'importantes fonctions judiciaires, la construction d'un nouveau TGI y apparaît comme une impérieuse nécessité. Malgré l'engagement du ministère, le financement pour la construction du bâtiment, prévu initialement dans le cadre du prochain plan triennal, a été reporté. En décembre 2014, la municipalité d'Aix a donc annoncé son intention d'avancer elle-même les fonds pour permettre un début immédiat des travaux. Il l'interroge donc pour connaître, d'une part de manière plus précise, les raisons ayant entraîné ce report, d'autre part pour savoir si l'État compte accompagner la ville pour sécuriser juridiquement le montage financier envisagé et confirmer ses engagements budgétaires dans les meilleurs délais.

Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2015

AVENIR DU PÔLE JUDICIAIRE D'AIX-EN-PROVENCE
M. le président. La parole est à M. Jean-David Ciot, pour exposer sa question n° 818 sur l'avenir du pôle judiciaire d'Aix-en-Provence.

M. Jean-David Ciot. La ville d'Aix-en-Provence, qui accueille la deuxième cour d'appel et le dix-huitième tribunal de grande instance de France, assume historiquement d'importantes fonctions judiciaires. Elle occupe donc une place centrale au niveau régional comme sur l'ensemble du territoire national. Or les infrastructures immobilières qui accueillent les différentes juridictions sont aujourd'hui considérablement dégradées, insuffisamment sécurisées et surtout très éclatées. Elles ne permettent plus à la justice d'assurer dignement ses missions de service public. Dans le même temps, le nombre de détenus et d'affaires à instruire ne cesse de progresser.

Partageant ce constat, les élus de tous bords ont, dès 2005, soutenu un vaste projet immobilier visant à reloger plusieurs juridictions dans un nouveau bâtiment. Ce projet, qui a été réduit en 2010, en responsabilité, afin d'en diviser le coût par deux, est donc attendu avec beaucoup d'impatience, depuis près d'une décennie, par toute la communauté judiciaire d'Aix-en-Provence.

En mars 2013, interrogée par mes soins, Mme la garde des sceaux avait pris l'engagement écrit, face à l'urgence de la situation, que les travaux démarreraient dès 2014. Malheureusement, à notre plus grand regret, cet engagement a été démenti à l'automne 2014, suite à l'annonce d'arbitrages budgétaires défavorables au projet aixois.

En conséquence, alors que les professionnels de la justice expriment fortement leur désarroi devant la précarité des conditions de travail dans lesquelles ils tentent de rendre la justice, la ville d'Aix-en-Provence étudie la possibilité de financer sans plus tarder les travaux de reconstruction en recourant à un emprunt exceptionnel ultérieurement remboursé par l'État.

Aussi, ma question est la suivante : le ministère peut-il dès à présent s'engager afin d'assurer la sécurisation juridique du montage envisagé par la municipalité et de garantir la réalisation rapide du nouveau tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, et se déclarer favorable au remboursement de l'emprunt a posteriori par l'État ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur Ciot je vous remercie de votre question et je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux, qui participe actuellement, aux côtés du Président de la République, à une cérémonie en mémoire des déportés au camp d'Auschwitz, dont nous commémorons aujourd'hui le soixante-dixième anniversaire de la libération. La garde des sceaux m'a demandé de vous faire savoir qu'elle ne sous-estime bien évidemment pas la difficulté rencontrée par la communauté judiciaire d'Aix-en-Provence.

Compte tenu des difficultés fonctionnelles des juridictions d'Aix-en-Provence, il avait été décidé en 2005 de construire un nouveau palais de justice. Le site Carnot a été retenu et cette opération a été confiée à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, l'APIJ. Afin de lancer effectivement ce projet, la garde des sceaux l'a fait inscrire dans la programmation budgétaire.

Pour que ce projet aboutisse, la démolition des bâtiments existants et la reconstruction d'un nouvel immeuble sont nécessaires. La réalisation de cette opération immobilière s'élève à 48,7 millions d'euros et nécessite, il est vrai, des « opérations tiroirs » assez classiques, en plusieurs phases, avec le relogement provisoire de certains services. Le tribunal pour enfants et les services civils ont déjà déménagé dans des bâtiments modulaires installés sur le site Pratési en octobre 2009. Quant aux services du parquet, ils ont été relogés en 2013, également dans des bâtiments modulaires, ce qui a permis la démolition des bâtiments de l'ancien tribunal de grande instance.

L'effort d'économie budgétaire engagé par le Gouvernement, auquel le ministère de la justice contribue malgré les opérations que vous avez rappelées, et qui n'ont pas la même ampleur que celle d'Aix-en-Provence, a contraint la garde des sceaux à reporter ce projet au prochain budget triennal, afin de lui assurer un financement sécurisé à la hauteur des crédits nécessaires. Le projet lui-même, qui est d'ailleurs, me dit-elle, de grande qualité, n'est nullement remis en cause. Je rappelle que les budgets triennaux sont négociés lors des années paires : dès 2016, vous aurez donc une visibilité sur ce projet qui est, pour la garde des sceaux, une priorité.

En revanche, afin d'améliorer les conditions de travail des personnels et d'accueil des justiciables et de financer un programme d'entretien, la garde des sceaux a décidé de financer dès cette année des mesures conservatoires à hauteur de 400 000 euros.

Enfin, s'agissant de la proposition de financement de la commune d'Aix-en-Provence, la garde des sceaux me demande de vous confirmer que les services de la Chancellerie en examinent attentivement la faisabilité juridique et financière, car une telle opération n'est pas fréquente. En effet, la proposition de la municipalité ne consiste pas en une contribution classique au financement du projet, ce qui en réduirait le coût pour l'État, mais en une avance de fonds remboursable par l'État, avec des intérêts qui renchérissent le coût global du projet. Je ne dis pas que cette proposition n'est pas intéressante, mais je rappelle que, budgétairement, un tel endettement est consolidé dans la dette globale des administrations publiques, dont les collectivités territoriales font partie.

En conclusion, la garde des sceaux tient à vous rassurer quant à l'avenir de ce projet, élaboré en concertation avec les élus locaux. Il faudra trouver les modalités de financement les plus sécurisées pour le réaliser, tout en préservant la volonté de redressement des finances publiques du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-David Ciot.

M. Jean-David Ciot. Je remercie la garde des sceaux de rappeler qu'elle avait pris ces engagements. Il faudra qu'ils soient tenus. L'existence d'un délai était supportable par les personnels tant que l'éparpillement des services était provisoire. Or la réalisation du projet est maintenant reportée à une date extrêmement lointaine.

Pour aller plus vite, la ville d'Aix-en-Provence propose d'avancer les fonds nécessaires, d'autant que la garde des sceaux, dont vous vous êtes fait le porte-parole, monsieur le ministre, a confirmé qu'elle est favorable à ce projet, y compris en 2016. Nous pourrions gagner deux ans, ce qui serait très important pour les personnels. Cela ne ferait qu'avancer la réalisation du projet, qui se fera de toute façon. J'espère donc que les services juridiques de la Chancellerie rendront un avis positif.

M. François Rebsamen, ministre. Moi aussi !

Données clés

Auteur : M. Jean-David Ciot

Type de question : Question orale

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 janvier 2015

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