Question orale n° 826 :
Conseil de l'Europe

14e Législature

Question de : M. Charles de Courson
Marne (5e circonscription) - Union des démocrates et indépendants

M. Charles de Courson attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur la situation de la banque de développement du Conseil de l'Europe. La France est avec 16,8 % du capital un des trois principaux actionnaires de cette Institution financière internationale (IFI). La France est l'État du siège de cette IFI qui exerce son activité sur la place financière de Paris et dont le bilan est supérieur à 25 milliards d'euros. Suite à une crise sans précédent en 1993, la banque a été redressée et développée (respect de son mandat social, notation AAA par les 3 agences de notation dès 2000). Des informations très préoccupantes attestent de la dégradation rapide de la situation de cette institution. Elles concernent notamment : la perte des 3 AAA depuis 18 mois en dépit de l'amélioration de la situation en Europe qui renforce la qualité du capital appelable ; l'augmentation importante de la retraite du gouverneur dès son arrivée en violation des conditions d'emploi définies lors de l'appel à candidature à ce poste ; des irrégularités manifestes notamment financières sur la base de pratiques non conformes à l'éthique (300 000 euros par an sous couvert d'une activité de consultant pour un ami allemand du gouverneur) ainsi que des dépenses de consultant injustifiées de 230 000 euros par an en vue de l'hypothétique adhésion de l'Autriche à la Banque ; la tolérance assumée par le gouverneur pour l'absentéisme considérable de certains des trois vice-gouverneurs dont l'un exerce des activités extérieures à la Banque pour des montants de l'ordre de 200 000 euros par an (en plus de sa rémunération défiscalisée de 290 000 euros) ; la démotivation profonde de l'encadrement et l'interdiction par le gouverneur de l'usage du français (une des deux langues officielles du Conseil de l'Europe) pour les réunions et les notes ; plus grave, le probable harcèlement moral de la directrice des ressources humaines coupable, semble-t-il, d'avoir refusé de donner suite à certaines demandes illégales du gouverneur ; tentatives d'obstruction du gouverneur pour empêcher l'intéressée de déposer une plainte pénale en bloquant la levée de son immunité de juridiction, ce qui aboutirait à un déni de justice, ainsi que le détournement par le gouverneur des moyens de la Banque à son profit dans cette affaire. Ainsi, il souhaite connaître les mesures que le M. le ministre entend mettre en œuvre pour traiter cette situation et mettre fin à ces graves dérives de gestion et assurer le respect des droits de l'homme sur le sol français. Il souhaite savoir s'il est favorable à la demande de levée de l'immunité de juridiction du gouverneur.

Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2015

SITUATION DE LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CONSEIL DE L'EUROPE
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour exposer sa question, n°  826, relative à la situation de la Banque de développement du Conseil de l'Europe.

M. Charles de Courson. Madame la secrétaire d’État, la France est, avec 16,8 % du capital, l'un des trois principaux actionnaires de la Banque de développement du Conseil de l'Europe. Cette institution financière internationale exerce son activité sur la place financière de Paris et son bilan est supérieur à 25 milliards d'euros.

À la suite d'une crise sans précédent en 1993, la banque a été redressée et développée, dans le respect de son mandat social ; elle a même obtenu un triple A des trois agences de notation dès 2000.

Des informations très préoccupantes attestent de la dégradation rapide de la situation de cette institution. Elles concernent notamment : la perte du triple A depuis dix-huit mois, en dépit de l'amélioration de la situation en Europe qui renforce la qualité du capital appelable ; l'augmentation importante de la retraite du gouverneur dès son arrivée, en violation des conditions d'emploi définies lors de l'appel à candidature à ce poste ; des irrégularités manifestes, notamment financières, sur la base de pratiques non conformes à l'éthique – 300 000 euros par an sous couvert d'une activité de consultant pour un ami allemand du gouverneur –, ainsi que des dépenses de consultant injustifiées de 230 000 euros par an en vue de l'hypothétique adhésion de l'Autriche à la Banque ; la tolérance assumée par le gouverneur concernant l'absentéisme considérable de certains des trois vice-gouverneurs, dont l'un exerce des activités extérieures à la banque pour des montants de l'ordre de 200 000 euros par an, en sus de sa rémunération défiscalisée de 290 000 euros ; la démotivation profonde de l'encadrement et l'interdiction par le gouverneur de l'usage du français, l'une des deux langues officielles du Conseil de l'Europe, pour les réunions et les notes internes ; plus grave, le probable harcèlement moral de la directrice des ressources humaines, coupable, semble-t-il, d'avoir refusé de donner suite à certaines demandes illégales du gouverneur ; des tentatives d'obstruction du gouverneur pour empêcher l'intéressée de déposer une plainte pénale, en bloquant la levée de son immunité de juridiction, ce qui aboutirait à un véritable déni de justice, ainsi que le détournement par le gouverneur des moyens de la Banque à son profit dans cette affaire.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous faire connaître les mesures que vous entendez mettre en œuvre pour remédier à cette situation et mettre fin à ces graves dérives de gestion et assurer le respect des droits de l'homme sur le sol français ?

Madame la secrétaire d’État, êtes-vous favorable à la demande de levée de l'immunité de juridiction du gouverneur de la Banque de développement du Conseil de l'Europe ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le député Charles de Courson, vous avez souhaité interroger le ministre des finances sur la situation de la Banque de développement du Conseil de l'Europe.

Créée en 1956 afin d'apporter des solutions aux problèmes des réfugiés, la BDCE s'est depuis lors adaptée à l'évolution des priorités sociales : elle contribue ainsi à la réalisation de projets d'investissement à caractère social, en direction essentiellement des pays européens aux revenus les plus faibles. Depuis 2012, elle réalise 60 % de son activité dans les pays d'Europe centrale et orientale, et dans les Balkans, conformément aux objectifs assignés par ses actionnaires, qui comprennent quarante et un des quarante-six membres du Conseil de l'Europe.

Son modèle économique, qui est celui d'une banque relativement petite au regard des autres institutions multilatérales, est fondé sur des fonds propres assez faibles – 2,5 milliards d'euros – et un effet de levier important, exercé de longue date. Dans le même temps, sa rentabilité s'est maintenue, en dépit de la crise qu'a connue l'Europe depuis 2008.

À la suite des recommandations d'une mission d'appui de la Banque de France fin 2011, la BCDE a également adopté un cadre prudentiel révisé, qui vise à la mettre en conformité avec les meilleures pratiques bancaires en ligne avec la supervision issue des accords de Bâle III, tout en tenant compte de la nouvelle méthodologie des trois principales agences de notation applicable aux institutions financières multilatérales. En substance, ce cadre permet une approche plus aboutie en matière de pondération des risques.

En parallèle, l'objectif de maintenir l'encours de prêts à 60 % en faveur des pays cibles aux revenus les plus faibles a été maintenu dans le plan de développement 2014-2016 mais a été explicitement conditionné à la préservation de la solidité financière de la BDCE.

Même si la banque a perdu sa note AAA – Moody's ayant dégradé sa note à Aa1 au mois de juin 2014 –, je souligne qu'elle continue d'être bien notée et qu'elle n'éprouve aucune difficulté à lever des fonds sur les marchés.

Elle a par ailleurs engagé des efforts pour relancer la production de nouveaux crédits, notamment, en faveur des PME et des collectivités locales, qui lui ont permis de mieux répondre aux demandes des pays où elle opère et de développer son activité. Cette tendance doit se poursuivre.

La banque est ainsi appelée à développer davantage ses interventions dans des secteurs comme l'aide aux réfugiés et aux migrants, le logement très social et le financement de centres pénitentiaires, domaines dans lesquels elle est en mesure de faire valoir une valeur ajoutée spécifique, en bonne coopération avec l'Union européenne.

Enfin, en termes de gouvernance, M. Dominique Lamiot, ancien secrétaire général des ministères économiques et financiers et président de l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique, a pris ses fonctions de président du comité de direction à la fin du mois de novembre 2014. Il a toute ma confiance et la France – via le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères, tous deux représentés au sein des instances de gouvernance de la banque – exercera son rôle avec une grande vigilance aux côtés de M. Rolf Wenzel, son gouverneur.

J'espère, monsieur le député, que ces informations factuelles seront de nature à vous rassurer.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Eh bien, madame la secrétaire d’État, votre réponse ne me rassure absolument pas !

Cet établissement connaît en effet de graves dysfonctionnements internes. Je vous ai fait part d'un certain nombre de faits et ma question était la suivante : le représentant de l'État français au sein de cette institution a-t-il examiné chacun de ces points et a-t-il rédigé un rapport pour M. le ministre Sapin afin que la situation soit clarifiée, voire, que l'immunité de juridiction dont bénéficie le gouverneur soit levée ? Telles sont les questions précises que j'ai posées.

Madame la secrétaire d’État, vous avez fait une réponse générale sur la situation de la banque mais n'avez rien dit quant aux graves problèmes de dysfonctionnements et de gouvernance internes de cette banque, dont je rappelle que l'État français possède 16,8 % du capital.

Données clés

Auteur : M. Charles de Courson

Type de question : Question orale

Rubrique : Organisations internationales

Ministère interrogé : Finances et comptes publics

Ministère répondant : Finances et comptes publics

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 janvier 2015

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