politique de la ville
Question de :
M. Jean-Luc Laurent
Val-de-Marne (10e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Luc Laurent interroge Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur la réécriture de l'article 12 de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. La nécessité de revoir profondément l'architecture de la métropole du Grand Paris fait l'objet d'un engagement du Gouvernement. L'amendement gouvernemental déposé au Sénat en première lecture de la « loi NOTRe » étant très en retrait par rapport aux travaux réalisés dans le cadre de la mission de préfiguration de la métropole du grand Paris, il souhaiterait que le Gouvernement précise ses intentions avant la première lecture à l'Assemblée nationale de ce texte.
Réponse en séance, et publiée le 4 février 2015
MODIFICATION DES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ARCHITECTURE DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour exposer sa question, n° 850, sur la modification des dispositions relatives à l'architecture de la Métropole du Grand Paris.
M. Jean-Luc Laurent. Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, le Gouvernement a eu le courage d'engager le débat de la gouvernance francilienne, là où vos prédécesseurs s'étaient soigneusement tenus à l'écart. La Métropole du Grand Paris a été créée, comme le souhaitaient les élus, lesquels, par-delà les clivages politiques, ont jeté en 2001 les bases de la Conférence métropolitaine puis de Paris Métropole.
Comme prévu, le chemin a été compliqué, avec un premier texte de loi très clivant il y a un an, et un second plus rassembleur aujourd'hui. Lors de la discussion du premier texte, j'avais mis en évidence les nombreux défauts du dispositif proposé à l'époque.
Le second texte, que nous sommes sur le point d'examiner, est issu d'un amendement du Gouvernement, intégré au projet de loi NOTRe, qui a été sous-amendé par les sénateurs. De nombreux défauts du premier texte ont été supprimés et, avec un an de retard, certains de mes amendements ont été repris. Le dispositif, ainsi amélioré, dispose d'un soutien politique élargi. Il tient compte des préconisations de la mission de préfiguration, adoptées à l'issue d'un vote qui a rassemblé, il faut le souligner, 94 % des élus. L'évolution du Gouvernement sur le statut des territoires doit être saluée : c'est une façon de reconnaître la nécessité d'une intercommunalité au pluriel, avec, d'un côté, une coopération de proximité et, de l'autre, des actions métropolitaines. Ces avancées, madame la ministre, doivent pourtant connaître un prolongement.
Il faut d'abord résister à la pulsion de simplification, autrement dit à la suppression d'un niveau de collectivité, exemple même de la fausse piste illusoire qui ne conduit qu'à la perte de temps, aux conflits politiques et territoriaux, et à l'éloignement de l'action publique. A contrario, les établissements publics territoriaux permettront de maintenir une coopération intercommunale de proximité. J'espère donc que nous résisterons à la volonté de supprimer les départements, qui serait une suppression absurde, pour l'exemple. L'organisation de la région capitale a souvent suscité surenchères et, parfois, coups de théâtre voire coups de mains.
Après l'examen au Sénat, qui est un premier pas, et en lever de rideau de la discussion à l'Assemblée nationale, en particulier devant la commission des lois, pouvez-vous nous indiquer l'état d'esprit du Gouvernement s'agissant des questions qui restent en discussion ? Ne pensez-vous pas, par exemple, qu'il convient d'aller plus loin dans le statut des territoires ayant vocation à devenir de véritables établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que dans l'autonomie fiscale des conseils de territoires, la contribution foncière des entreprises ne devant pas être bornée à cinq ans ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le député Jean-Luc Laurent, le Gouvernement a pris acte des propositions de la mission de préfiguration.
Cette région présente de violents contrastes : à l'heure actuelle, l'hyperrichesse côtoie l'hyperpauvreté dans ses départements et communes. Il existe donc deux sortes de ghettoïsation, celle des personnes qui vont bien et celle des Français qui vont mal. Cette situation nous interpelle tous dans notre lecture politique.
Lors de la première lecture du projet de loi NOTRe au Sénat, nous avons décidé de ne remettre en cause ni la date de création de la métropole, ni le principe d'une métropole intégrée à terme, mais d'instaurer cette progressivité, que vous avez soulignée.
S'agissant des compétences, nous proposons de passer d'un plan local d'urbanisme – PLU – métropolitain à des PLU de territoires, sans doute avec un schéma de cohérence territoriale métropolitain. On ne peut cependant pas accepter, au cœur de la plus grande métropole française, de minorité de blocage des communes car nous savons tous qu'un des problèmes majeurs de cette grande métropole réside dans le coût et la disponibilité du foncier, afin de loger les citoyens.
Pour que l'intégration soit raisonnable, nous acceptons aussi de repousser la prise en main, par la métropole, des compétences opérationnelles sur le logement. Il en est de même pour les compétences en matière d'environnement et d'énergie. Nous tenons à ce que les délégations de l'État comprennent des blocs cohérents. Le cas de la Métropole du Grand Paris n'est pas unique : il se pose également pour d'autres métropoles.
Concernant par exemple le droit au logement opposable – DALO –, dont les élus ne veulent pas, il peut n'être pas transféré si l'on associe le contingent préfectoral à l'hébergement-logement. En revanche, il ne sera pas dissocié, afin d'éviter que certains préfets, sans contingent, ne doivent répondre à la demande de logements. Ce bloc de compétences doit donc être examiné de près.
S'agissant des compétences de réseau – énergie, gaz, réseaux de chaleur –, nous avons entendu les sénateurs qui critiquaient un double transfert : en 2016, aux territoires, puis en 2018, à la métropole. C'est pourquoi nous proposons désormais un transfert direct à la métropole dès le 1er janvier 2017. La coopération est indispensable sur ces outils.
Enfin, en matière de ressources, le statut choisi pour les territoires est celui d'établissement public sui generis, un établissement public de coopération intercommunale – un EPCI d'EPCI n'étant pas constitutionnel.
Concernant l'intégration fiscale, l'ancienne part départementale de la taxe d'habitation sera rendue aux communes, leur restituant quelques ressources – pour certaines, les montants sont d'ailleurs assez élevés.
Toute la fiscalité économique remonterait à la métropole au 1er janvier 2016, hormis la contribution foncière des entreprises – CFE –, qui n'y remonterait qu'au 1er janvier 2021. La période de lissage est donc très importante. L'idée est d'harmoniser, territoire par territoire, les écarts de CFE, dont les taux varient largement d'une commune à l'autre, de 16 à 38 %.
Nous proposons également des clarifications sur les dotations d'investissement qui doivent concourir à la solidarité métropolitaine. Chacun s'accorde sur la nécessité d'un fonds d'investissement, mais les règles de sa construction n'ont pas encore été fixées.
Monsieur le député, ce débat se poursuit dès ce soir au sein de la commission des lois et dès le 17 février en séance publique. Nous devons examiner de très près les propositions, dont celles que vous avez présentées, afin de déterminer ce qu'il est possible de faire. Comme le rappelait un des sénateurs de l'actuelle majorité du Sénat, en excluant les première et deuxième couronnes de Paris des schémas de coopération intercommunale, nous avons pris beaucoup de retard et rendu de nombreuses compétences orphelines. Cette métropole, où tout est compliqué, mérite pourtant que l'on s'y attarde. C'est pourquoi je vous remercie de votre question.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent. Madame la ministre, je vous remercie à mon tour de la qualité de votre réponse, ainsi que de l'ouverture d'esprit avec laquelle vous abordez l'examen des amendements et la discussion, qui débutera ce soir en commission des lois, avant la séance publique.
S'agissant des compétences, du statut, des moyens dévolus, les élus doivent évidemment montrer une même volonté de construire et d'aller de l'avant, au-delà des clivages entre gauche et droite, entre majorité et opposition. Les ségrégations sociales et territoriales minent cette première région capitale et cette métropole, qu'il nous faut absolument créer.
Le logement ou le plan local d'urbanisme intercommunal sont des nécessités. Il faut le rappeler, en ce jour où la Fondation Abbé-Pierre publie son rapport annuel sur l'état du mal-logement en France. Par-delà nos territoires de maires voire des territoires intercommunaux existants, nous avons un impérieux devoir d'agir, au profit d'une politique globale du logement à l'échelle de la région Île-de-France et de la Métropole du Grand Paris.
Auteur : M. Jean-Luc Laurent
Type de question : Question orale
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : Décentralisation et fonction publique
Ministère répondant : Décentralisation et fonction publique
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 janvier 2015